LE JOURNAL LE PAUL HOARAU
Nous avons vu jusqu’ici les verdicts électoraux du Peuple Français dans son ensemble, au niveau national 1. Mais, localement, ici, à La Réunion, qu’a dit le peuple ? Ici aussi, il s’est exprimé assez clairement. Qu’a-t-il dit ?
Une remarque importante s’impose : les commentaires et les analyses des résultats électoraux ne se font généralement pas selon ce qu’a dit le peuple-souverain, mais selon ce qu’en retirent les candidats ou les partis. Les votes blancs et l’abstention ne sont pas pris en compte. Seuls le sont, les « suffrages exprimés », c’est-à-dire les suffrages qu’ont recueillis les candidats. Les votes blancs et les abstensions sont pourtant deux formes d’expression de la part des électeurs, la voix politique du peuple.
J’ai dit, dans mes « Journaux » précédents, les leçons qu’il faudrait tirer des scrutins au niveau national. Au niveau local, au niveau réunionnais, les leçons électorales me paraissent aussi limpides.
Comme au niveau national et à La Réunion plus qu’en France compte tenu de la situation locale, les électeurs, ici, ont sanctionné le détricotage du système social français. Mais, dans toutes les couches sociales de l’île, les électeurs ont sanctionné la politique de « la population anonyme, irresponsable et prise en charge », parce que les acteurs de terrain de notre développement culturel, économique et social ont compris que cette politique de l’uniformité et de l’irresponsabilité qui en découle, ouvre la porte à leur marginalisation et à leur élimination ; conduit à la fin de la prospérité réunionnaise au profit de prospérités exogènes, à la diminution du travail et à l’augmentation du chômage ; conduit à la banalisation de l’emploi aidé tel qu’il est conçu et pratiqué, parce qu’il n’est pas une solution économique pérenne pour l’emploi, mais une solution sociale qui s’impose dans l’urgence peut-être, mais qui reste précaire. La déresponsabilisation des Réunionnais conduit au chômage et le chômage conduit à la diminution massive de l’assurance sociale par la cotisation au profit de l’assistance sociale par l’impôt ; conduit au remplacement d’un développement économique par le développement d’une politique d’assistance.
A partir de ce constat électoral, nos intellectuels (universitaires, chercheurs, experts, etc.) en dialogue avec les acteurs locaux et à partir de ce qu’ils produisent, parce que c’est de là qu’il faut partir ; en dialogue avec les politiques locaux pour qu’ils aient les moyens de promouvoir et de protéger la production locale, nos intellectuels ont l’impérieux devoir de trouver, ici même, le logiciel technique, législatif, règlementaire, fiscal, économique, comptable, etc. d’un développement « Par, Avec et Pour » les Réunionnais (le P.A.P.).
Mais ici comme en France, le résultat de l’élection est le résultat d’un vote de barrage au Rassemblement National sans majorité absolue pour personne. Quel que soit le Gouvernement, il ne pourra plus imposer sa politique parce qu’il ne disposera pas de majorité, il ne pourra pas non plus s’imposer par le 49,3 parce qu’il sera renversé. Il devra gouverner avec des « majorités de rencontre » en fonction des projets qu’il présentera. On comprend que, dans ses conditions, personne n’ait envie du poste, à commencer par Madame Bello un moment pressentie.
Indépendamment des résultats comparables aux enjeux nationaux, il est un point particulier à notre îIe que personne n’a retenu : les candidats qui ont déclaré qu’ils étaient pour le maintien de la situation actuelle (population réunionnaise anonyme, irresponsable et prise en charge, départementalisation-assimilation du « droit commun » de l’uniformité) ont perdu l’élection. Tous les candidats qui ont été élus – les six élus de gauche et l’élu du Rassemblement National – ont tous évoqué «le peuple réunionnais », sa reconnaissance, son identité, ses responsabilités dans la République. Je ne dis pas que ce dilemme était l’enjeu de l’élection, je dis seulement que le retour des peuples dans la République ne fait plus peur. Electoralement, l’utilisation de cette peur du « séparatisme » à la suite du retour des peuples dans la République ne paye plus.
Le retour des peuples dans la République n’est que la suite du retour dans « le droit commun français » des organisations professionnelles, des associations, des familles, qui avaient été, elles aussi, rayées de la carte. Personne n’imagine aujourd’hui la société française sans les organisations patronales, les syndicats, les associations, les familles. Dans quelques années, personne ne l‘imaginera sans les peuples d’Afrique, d’Asie et d’Europe unis en toute « Liberté, Egalité et Fraternité », dans le Peuple Français.
La fin de la peur d’être un peuple devrait naturellement se poursuivre par la prise de conscience d’être un peuple (« la communauté de destin réunionnais »). Cette prise de conscience devrait se manifester. Et le couronnement politique institutionnel des manifestations que seront « La Conférence des Mille et « Les Etats Généraux de La Réunion », serait, bien entendu, le « Référendum Local » par plus de 695 000 électeurs : « le Projet d’un Peuple ». Lentement, trop lentement peut-être, ce « PROJET » fait son chemin. Au-delà des résultats dont se prévalent les élus à juste titre, c’est essentiellement cela que Le Peuple d’ici nous a dit : la fin de la peur, la prise de conscience, la manifestation de la prise de conscience et l’action : le développement d’un peuple enfin identifié, reconnu et responsable dans La République.
Paul Hoarau
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