[PRESENTATION DE MADAGASKAR PROJEKT PAR L’AUTEUR ]
Un jour, en me promenant sur Internet, je suis tombé par hasard sur Eric T. Jennings, un historien décrivant Madagascar durant la guerre. De fil en aiguille, ça m’a amené sur cet incroyable projet des années 30, souvent méconnu du grand public : exiler tous les juifs d’Europe vers les colonies françaises.
J’étais étonné de constater qu’à ma connaissance, aucun auteur réunionnais n’ait écrit un livre sur ce sujet qui aurait peut-être pu, s’il avait abouti, changer l’avenir du monde.
J’ai alors pensé que ce thème original permettait d’en aborder un autre : la vie au temps « béni » des colonies , à Madagascar et même un peu à La Réunion. D’autant que depuis quarante ans, je n’arrête pas de titiller mes amis écrivains locaux sur cette question : pourquoi tant d’ouvrages sur l’esclavage, et si peu sur les abus coloniaux, comme la loi de l’indigénat, qui n’était souvent qu’un code noir vaguement amélioré ? Sujet encore trop proche dans le temps ?
J’ai alors pu constater que la plupart des civilisations considèrent trop souvent les autres comme des sous-hommes qu’il est normal de conquérir, exploiter, voire détruire : aryens méprisant les non-aryens, colons vis à vis des indigènes… et même Merinas contre côtiers. Sans cependant généraliser : d’ailleurs je mets en scène des personnages très variés dans leurs actions. Le seul qu’on pourrait juger caricatural est l’administrateur du district de Soavinandriana où se passent les deux-tiers de l’aventure. Pourtant, ce personnage a réellement existé ! J’ai juste modifié son nom. Je donne les informations historiques le concernant, ainsi que bien d’autres, dans la bibliographie à la fin du livre.
Un projet polonais, français, puis allemand…
D’ailleurs j’adore mettre en avant les « méchants », ils sont souvent plus fascinants que les gentils… tout comme au cinéma !
J’ai écrit le premier tiers de l’ouvrage sous forme de roman, imaginant les dialogues entre des personnages plus ou moins célèbres ayant réellement existé, sur des actions réellement accomplies. Donc, ce fameux projet, mis au point d’abord par les Polonais et les Français, avant d’être repris par les Allemands en 1940.
Ensuite, deuxième partie : on bascule dans l’uchronie ! Je change le cours de la grande Histoire. Hitler suspend la guerre, fait la paix avec les Anglais et conserve son alliance avec Staline. Il se contente des territoires européens qu’il a annexés, et peut mettre son projet à exécution : se débarrasser de tous les indésirables, en les envoyant pourrir dans les colonies françaises. Mais peu après, il aura une mauvaise surprise… C’est une uchronie, mais on y trouve cependant des éléments réels, modifiés dans le temps, comme la révolte malgache de 1947.
Il me faut toujours une bonne raison pour écrire. Surtout pour noircir des dizaines de pages. En tant que lecteur, je suis toujours déçu d’avoir lu un bouquin qui ne m’a rien appris. Pour moi, le livre n’est pas fait seulement pour passer le temps et oublier ses soucis. Si c’est le cas, autant regarder une bonne série Netflix ou autre — ce que je fais aussi d’ailleurs. Je n’oppose pas le livre à l’écran : pour moi, le livre est avant tout un support.
Mélange d’humour, provocation et romance
Donc en tant qu’ « écrivant », comme disait Alain Gili dans les années 70, alors que la littérature locale se réveillait enfin après un long sommeil, en tant qu’écrivant, donc, j’ai besoin d’avoir le coup de foudre pour mon sujet. Si je n’ai pas ce coup de foudre, je peux rester des années sans tenter de publier. Ma seule prétention, c’est de convaincre le lecteur que le thème que j’aborde va peut-être lui apprendre quelque chose. J’ai envie de partager une information que j’ai trouvée et que je trouve géniale !
J’aborde des genres littéraires différents en fonction du sujet. Le point commun à chaque livre, c’est un mélange d’humour, de provocation, avec parfois un zeste de romance et d’aventure pour ne pas non plus tomber dans la prise de tête.
En fait, je sais que je ne sais pas grand chose, et j’aime les gens qui doutent, comme chantait Anne Sylvestre. Les gens pétris de certitudes nous mènent toujours à la catastrophe. Je doute donc, entre autres : des gouvernements, des ateliers d’écriture, de l’existence de Dieu, de l’indépendance des médias, du sérieux de la plupart des nouveaux gourous thérapeutes auto-proclamés, et de la sincérité de bon nombre d’intégristes pas seulement religieux. Bref, je me considère comme un emmerdeur, gentil, certes, mais un emmerdeur quand même. On en manque beaucoup dans ce monde d’hypocrites et de fausse bienveillance.
Alain Bled
MADAGASKAR PROJEKT -éditions l’Eclipse du Temps. 17 euros. Couverture : Fabrice Urbatro
L’Eclipse du Temps d’Arnold Jaccoud, c’est la maison d’édition de l’association « l’Intelligence aux pieds nus ». Elle vit de la vente de ses ouvrages, qui concernent le plus souvent des sujets sociétaux, et visent à donner la parole à ceux qui ne l’ont pas. Diffusion par l’agence Komkifo. Tous les ouvrages peuvent être commandés en librairie où via l’agence Komkifo.
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