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Rallye, c’est fini…

ÉDITO

Tragédie après tragédie, les rallyes automobiles poursuivent leurs rondes insensées, dans l’îe comme ailleurs. Pourquoi ne pas interdire ce spectacle qui cause régulièrement la mort de ses spectateurs ?

« Ce qui devait être une fête est devenu une tragédie », a réagit le maire de Saint-Joseph, Patrick Lebreton, après qu’une voiture a percuté un groupe de spectateurs qui regardaient passer la course. Le 26 octobre dernier, une voiture de rallye a causé la mort de trois enfants. Le drame était annoncé. « La fête s’élabore autour d’un thème mythique particulier et organise, sinon un désordre, du moins des dérogations à l’ordre… », indique le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales. Une « fête » donc et les dérapages qui vont avec, des bolides qui foncent à pleine vitesse dans une zone habitée, en effet Monsieur le maire de Saint-Joseph, ça devient une tragédie. Comment pourrait-il en être autrement ? Les organisateurs du rallye des 1000 Km prévu en décembre semblent l’avoir compris, et annulent la manifestation, au moins cette année. 

En effet, chaque rallye voit l’ordre et la sécurité bafoués. Chaque rallye fait fi de la vie humaine pour « la fête » que représente la course. Des règles de sécurité (toutes relatives) sont édictées, jamais respectées. Je ne parle pas ici des spectateurs mal placés, ceux de Saint-Joseph étaient devant chez eux, un chez eux qu’ils avaient interdiction de quitter ce jour-là. Pourquoi n’arrête-t-on pas la course quand des spectateurs sont placés dans un endroit dangereux comme le règlement s’y engage ? Pourquoi n’y a-t-il pas un gendarme ou un vigile auprès de chaque rubalise, dans chaque virage ? « On ne peut mettre un gendarme derrière chaque spectateur », entend-on. Eh bien si, on peut, et on doit ! Un gendarme à chaque virage, des plots en béton comme ceux qui empêchent les voitures béliers terroristes, interdire les spectateurs… les solutions existent. La plus simple, on peut et on doit, est d’interdire purement et simplement les courses automobiles sur les routes de l’île. « La préfecture de La Réunion rappelle que « la sécurité du public, des concurrents et des personnels engagés lors des manifestations sportives est une priorité absolue » », citent nos confrère d’Imaz Press ; la preuve que non.

Des morts et des blessés par dizaines

Quel autre sport, quelle autre activité, quel autre spectacle accepte la mort de spectateurs événement après événement ? Aucun. Seul le sport automobile. Même le foot a changé les règles après la catastrophe de Furiani, un type de tribune a été interdite. À La Réunion, un mort en 2019, sept blessés en 2015. Ailleurs en France, trois morts en juillet 2025 dans le Puy-de-Dôme, deux morts et dix-huit blessés dans le Var en 2012, un mort et cinq blessés en Aveyron en 2019. Et on ne compte ni les accidents dont les victimes sont les pilotes, ni les accidents qui n’ont fait que des blessés. Quel autre sport joue à ce point avec la vie des spectateurs ? Aucun.

Faisons abstraction, si c’est possible, de la vie des gens. Quel sport, quelle activité, permet la fermeture d’une route huit heures durant et impose aux riverains de rester cloitrés chez eux. Quand, Covid excepté, peut-on priver de la liberté d’aller et venir plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d’individus ? Et ce sans concertation, sans demander aux intéressés leur accord, ou même leur avis. Aucun. Ni le cyclisme, ni la course à pied ne sont aussi restrictifs. Largement moins en tout cas, sept rallyes sont organisés dans l’île chaque année.

Consulter les riverains

Dans une pétition mise en ligne l’an dernier à la suite d’un accident dans la cour d’un particulier, Ibrahim Moullan demande que les riverains soient consultés, ou que les courses se déroulent là où personne n’habite. Ce serait en effet un minimum. « En 2022, un couple m’a contacté parce qu’un voiture de rallye s’est écrasée contre des pieds de palmiste dans leur jardin. Sans les arbres, la voiture aurait fini dans la maison », souligne le Saint-Joséphois, habitant de La Crête. « Regardez les murets cassés, il y a beaucoup d’accidents chaque année », poursuit-il. « De plus, quand une voiture perd le contrôle, on ne sait pas où elle va terminer sa course. » « Dans la zone rouge, dans la zone verte, c’est comme une balle perdue à la chasse », souligne Ibrahim Moullan, qui remarque aussi que bien peu de spectateurs ou de riverains sont au courant de ces règles de sécurité. « Et si un riverain est malade, a besoin d’un infirmier, doit se rendre à une dialyse… l’organisation du rallye n’en a rien à faire », dénonce-t-il. 

Ce n’est pas demander aux riverains s’ils sont d’accord qu’il faudrait en réalité, c’est au plus vite interdire ce genre d’activité. La vie d’un spectateur de rallye vaut-elle moins qu’une autre ?

Philippe Nanpon

Les illustrations sont des copies d’écrans, notamment de Réunion la Première.

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A propos de l'auteur

Philippe Nanpon

Reporter citoyen. Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud en tant que journaliste pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable. Depuis son départ à la retraite, il continue à contribuer bénévolement au média.

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