FÊTE DE LA FORÊT À SAINT-PAUL
Le second volet du 6e rapport du Giec est tout chaud de la veille. Le 21 mars 2023, l’association 5000 piéd’bwa et la mairie de Saint-Paul célébraient la fête internationale de la forêt aux abords de la grotte du peuplement. L’objectif : faire du lien entre les scientifiques, les acteurs de terrain, les associations, les institutions mais aussi les enfants. Une chercheuse climat de Météo France a pu restituer au public présent les prévisions de changements climatiques qui nous attendent à La Réunion. Nous publions la conférence en intégralité pour l’intérêt public que représente son contenu et la qualité des échanges qui ont suivi.
La joie se lit sur les visages. Une soixantaine d’enfants se presse déjà à la suite des porteurs de pelles et de pots. On va replanter des arbres endémiques à la place de ceux qui ne sont plus là. C’est la fête de la forêt à la grotte du Peuplement et ne restent plus depuis longtemps que les noms des endémiques joliment inscrits sur de gros galets, pareils à des pierres tombales.
« C’était un cimetière, pas une forêt », relève un intervenant. Mardi 21 mars, la mairie de Saint-Paul et l’association 5 000 Pied’bwa organisaient l’événement. Etaient aussi invités le conservatoire botanique, l’ONF, Nature Océan Indien (association de protection des reptiles sauvages), le Parc national, les associations Greenpeace, Hisse un arbre (qui proposait une fresque pour le climat), les Jardins de Fond Imar, mais aussi Parallèle Sud.
Des plantes endémiques pour le peuplement de la grotte
Tout l’après-midi, une centaine de marmays venus des centres de loisirs de Savanna et de l’Eperon a arpenté les abords boisés de la grotte du Peuplement. Ils ont planté une vingtaine de plantes endémiques sur place, après les cinquante mises en terre le matin même sur le front de mer. Les enfants et les services municipaux se sont engagés à protéger ces plantes et espèrent qu’elles ne seront pas volées comme la plupart de leurs prédécesseurs. Chaque enfant a pu construire son pot en vacoa — comme alternative aux pots en plastique — et est reparti avec son petit plant de mouroum. Ils ont découvert le tressage de pot en coco. Puis c’est l’heure du conte du Tek tek.
C’est la première fois que la mairie, sollicitée par 5000 piéd’bwa, co-organise cet événement. Elle a accompagné sur tout ce qui est logistique : sono, chaises, tables, plants sélectionnés avec une grande expertise par la nouvelle direction de la biodiversité et des ressources naturelles. « On ne plante pas n’importe quoi sur la commune de Saint-Paul », pointe avec amusement Marie Faham, qui a lancé le collectif 5000 piéd’bwa il y a 4 ans avec l’ambition de « reboiser La Réunion en conscience ».
Faire du lien
« C’est-à-dire qu’en conscience on plante des endémiques, des indigènes, des mellifères pour les abeilles, on plante des médicinales et des comestibles. Ce qu’on souhaite, c’est réussir à créer une forêt et vraiment reconstituer la bulle verte au-dessus de La Réunion. »
Avant tout, Marie Faham veut sensibiliser le maximum de personnes possible et pour cela, elle s’efforce de faire du lien. C’est pour cette raison qu’elle a tenu à ramener au sein de l’événement les connaissances scientifiques qui, trop souvent, restent dans des bureaux, à l’écart du public.
Marie-Dominique Leroux est chercheuse climat à Météo France. Elle décrypte les incidences du réchauffement climatique à La Réunion, notamment l’augmentation des périodes de sécheresse, la modification probable de la trajectoire des cyclones, le risque majeur d’une raréfaction de la ressource en eau… Elle s’étonne elle-même que nos logements à l’heure actuelle ne soient pas encore équipés pour récolter et stocker l’eau de pluie ou encore qu’ils utilisent encore de l’eau potable pour les toilettes.
La ressource en eau est en train de s’appauvrir à cause de la sécheresse
La conférence dure quarante minutes et peut s’écouter en podcast au volant de la voiture ou en faisant la vaisselle par exemple. A la 41e minute, interviennent les questions du public particulièrement concerné et l’intervention d’une experte.
« La personne de Météo France l’a très bien expliqué », fait remarquer Mélissa Cousin, élue Europe écologie les verts, en charge de l’écologie à la mairie de Saint-Paul. « Grâce aux forêts, on a le label de l’Unesco, mais pourtant, elles restent très menacées, que ce soit par les plantes envahissantes, les incendies, ou la sécheresse. Des arbres meurent parce qu’ils n’ont plus assez d’eau. » Elle reconnaît que la mairie a connaissance des prévisions d’évolution du climat rapportées par Météo France. « Dans tous nos projets d’aménagement, on doit prendre en compte la question de la ressource en eau des nappes phréatiques. Et cette ressource en eau est en train de s’appauvrir à cause de la sécheresse. »
Face à l’urgence grandissante, l’élue indique que plusieurs mesures ont été mises en place pour faire bouger les choses. Elle énumère : « On essaie d’éviter d’envoyer du gaz à effet de serre dans l’atmosphère. On a mis en place une politique vélo qui était inexistante. Je suis vice-présidente des transports au TCO. On a mis en place le service Mobi’Ouest donc on a 300 vélos qu’on propose à la location longue durée. On propose aux gens de se déplacer autrement qu’avec la voiture. Le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre est le transport. On va développer l’installation de trottinettes et scooters électriques. Il faut améliorer les bus, on a un projet de téléphérique également à Saint-Paul. […] Sur Saint Paul, on est en train de remplacer notre parc de lampadaires en remplaçant les ampoules par des leds, on va faire des économies d’énergie. » Des actions plus localisées sont également réalisées sur la commune, précise Mélissa Cousin, comme replanter des arbres pour se prémunir de la sécheresse à venir.
« Les institutions doivent travailler avec nous »
Si Marie Faham encourage les citoyens à planter « en marron », « parce qu’on n’a plus le temps d’attendre », elle a fait le choix également d’aller vers les institutions, de les solliciter pour « avancer ensemble ». « Dans cette politique de transition écologique, on devient acteur et on doit proposer des choses aux institutions, estime la conteuse. Ils doivent travailler avec nous maintenant. S’ils pensent qu’ils vont encore faire seuls et continuer sans nous consulter à faire n’importe quoi, ça ne va pas marcher comme ça. Aujourd’hui, des institutions sont prêtes à nous aider. En fait, elles ne peuvent pas faire autrement. On arrive à un moment où les institutions ont besoin des idées et de la force citoyenne et il y a des budgets. »
Après les contes pour petits et grands enfants, la journée se termine au son du maloya et puis, attentif face à l’écran blanc déployé pour l’occasion, le public a pu visualiser le documentaire Les dames de la forêt.
Jéromine Santo-Gammaire
Philippe Nanpon