Sika Rlion

Sika Rlion, une artiste engagée pour La Réunion

MUSIQUE

Dix ans après ses débuts dans les sound systems réunionnais, Sika Rlion s’impose comme une artiste engagée. Entre reggae, dancehall et hip-hop, elle raconte son parcours, son départ pour la métropole, son rapport à La Réunion et la sortie de son premier album Endemik.

Retrouvez l’entretien complet avec Sika Rlion en vidéo :

Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas encore ?

Je suis chanteuse de reggae, dancehall, soul, hip-hop, rap et maloya. Un mélange de tout ça ! Ça fait trois ans que je me professionnalise, mais je chante depuis environ dix ans. Actuellement, j’habite à Montpellier, j’ai dû quitter ma magnifique île pour conquérir le continent.

D’où te vient cette diversité musicale ?

Ça vient de mon métissage et de mon métissage musical. À La Réunion, on est exposés à plein d’influences : maloya, dancehall, reggae, musiques réunionnaises et de l’océan Indien.
En arrivant en métropole, j’ai redécouvert le rap, car ici, on écoutait surtout du rap créole. Là-bas, j’ai découvert d’autres styles de rap.
Niveau reggae, j’ai une grosse influence jamaïcaine, un vrai coup de cœur musical.

Si tu devais citer trois artistes qui t’ont le plus influencée ?

D’abord Burning Spear, ensuite Katia Cassia et Mike Jaz de La Réunion, et enfin Kalash des Antilles.

Tu as dû partir en métropole. Est-ce que ça a changé ta musique ?

Oui, ça a changé ma vision. La métropole m’a apporté une ouverture d’esprit, des rencontres, du partage avec plein d’artistes de différentes origines.
À La Réunion, on a un fort métissage, mais on se connaît un peu tous. En arrivant ici, j’ai pris conscience que le monde était encore plus grand et plus riche.
Musicalement, c’est en métropole que je me suis développée. J’ai rencontré mon équipe, mon label, et grâce à ça, j’ai pu me professionnaliser et vivre de ma musique.

« Les sound-system c’était notre terrain de jeu »

Donc aujourd’hui, tu vis de ta musique ?

Ouais ! Grâce aux concerts principalement. Après, c’est un choix : j’aurais peut-être gagné plus en travaillant avec mon diplôme, mais j’ai préféré investir mon temps dans la musique.

Tu parles de ton diplôme, quelles études as-tu faites ?

Je suis éducatrice spécialisée de formation et j’ai aussi un diplôme de musicothérapeute.

Tu as pu exercer en tant qu’éducatrice ?

Oui, plusieurs années. J’ai travaillé dans des centres d’addictologie avec des ados et avec des enfants en situation d’autisme.
Par contre, en tant que musicothérapeute, non, car la musique est devenue mon métier à la fin de mes études.

J’ai entendu que dans tes débuts à La Réunion, tu étais souvent la seule fille dans les open mics. Comment tu l’as vécu ?

C’était une époque de passion et d’insouciance !
On était vers 2012, les sound systems étaient nos terrains de jeu. On écrivait nos textes, on les testait devant un public, vu qu’il y avait peu de studios à l’époque.
J’étais toujours entourée de mecs, et sur le coup, je ne réalisais pas trop. Avec du recul, je me rends compte qu’en tant que femme, il fallait prouver encore plus.

Il y avait une pression supplémentaire ?

Oui, forcément. Déjà, dès que j’arrivais, le présentateur faisait une annonce spéciale :
« Eh les gars, là y’a une meuf, faites du bruit pour elle ! » C’était bienveillant, mais ça mettait encore plus d’adrénaline.

Tu te définis comme une artiste engagée. Quel est ton message ?

Mon engagement, c’est La Réunion. Je veux représenter la culture réunionnaise au mieux et être au plus proche de la réalité.
Je ne vais pas parler de sujets qui ne me concernent pas, mais je connais mon île, son histoire, son combat pour exister, et je veux transmettre ça.
Mon message, c’est la liberté, la fierté, l’espoir. On est là, la jeunesse est là, on ne lâchera pas.

« On a essayé de me formater »

Quels sont, selon toi, les plus grands défis de La Réunion ?

Il y en a beaucoup…

Déjà, faire rayonner la musique réunionnaise dans le monde. Il y a aussi la question du patrimoine : il y a trop de constructions, moins de cases créoles. L’alcoolisme est un vrai fléau, tout comme l’accompagnement des jeunes isolés. Et puis il y a la vie chère. Tout ce qui se passe dans le monde, ça se passe aussi ici.

Tu as joué sur plusieurs scènes comme les Electropicales, la Fête Kaf, le Séchoir… Tu trouves que les artistes locaux sont mieux mis en avant aujourd’hui ?

Ça évolue, mais il manque encore beaucoup. Il y a de la bonne volonté, mais les artistes réunionnais devraient être encore plus programmés.

En écoutant tes morceaux, on ne retrouve pas trop de musique de lover. Pourtant, dans le dancehall, le hip-hop ou le reggae, c’est un thème qui revient souvent. C’est pas ton truc ?

C’est quoi, les sons lover pour toi ?

En fait, je trouve qu’il y a plusieurs façons de chanter l’amour. Je pense que dans mes textes, il y en a énormément, mais c’est juste que le « chéri doudou je t’aime », c’est pas trop mon truc.
L’amour, c’est pas que dans les relations de couple. Moi, j’ai l’amour pour mon pays, j’ai l’amour pour mon public, pour ma culture, pour ma famille, pour mes amis, pour la musique. Des fois, dans l’amour, il y a de la mélancolie, de la colère, il n’y a pas que du truc bien propre et romantique.

Dans Père sévère, tu dis « On m’a trop dit de me taire, écoute ». Tu fais référence à quoi ?

Plein de choses. Déjà, au collège, on veut que tu sois sage, que tu suives le troupeau. Dans le monde du travail, pareil. Même dans la musique, certains veulent te formater.

« Mon premier album sort bientôt »

On a essayé de te formater ?

Oui, mais j’ai vite esquivé.
J’ai rencontré des gens qui voulaient me rendre docile, mais je suis restée libre. Mon équipe actuelle respecte qui je suis.

Tu vas bientôt sortir ton premier album ?

Oui, il s’appelle Endemik, en hommage à La Réunion et ce qu’on doit préserver.
Il y aura 13 titres, 4 featurings, du reggae, dancehall, hip-hop, afro… Je suis venue bosser cet album à La Réunion pendant deux mois. J’y ai mis beaucoup d’amour et d’investissement.

Une tournée prévue ?

J’espère ! Mon équipe bosse dessus.

Ton feat ultime ?

Avant, je disais toujours Damian Marley, mais là, je choisis Kalash !
Si tu m’entends, Kalash… M’oublie pas !

Entretien : Léa Morineau

A propos de l'auteur

Léa Morineau | Etudiante en journalisme

Cocktail de douceur angevine et d'intensité réunionnaise, Léa Morineau a rejoint l'équipe de Parallèle Sud pour l'éducation aux médias et à l'information, elle s'est rapidement prise au jeu du journalisme. A travers ses articles, elle souhaite apporter le regard de sa génération et défendre un journalisme qui rayonne au-delà des apparences.

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