UNE DIZAINE DE SALARIÉS DE SOLIHA EN GRÈVE DEPUIS AVRIL
Le 5 août dernier, jour-même où les grévistes dénonçaient la non-publication des comptes de Soliha depuis 12 ans, les rapports de 2019 et 2020 sont apparus sur le site internet du Journal officiel. On y lit qu’une dette de 1,8M€ due au Département a été effacée sans accord formel. Explications…
Bientôt quatre mois de grève à Soliha Réunion, association chargée de l’amélioration de l’habitat, et personne n’en voit l’issue… Les grévistes, des salariés historiques de la structure, ne demandent pas d’augmentation de salaire mais dénoncent la nouvelle gouvernance instaurée par le directeur général Mickaël Sihou, également élu régional de la majorité, recruté en novembre 2020.
En juillet, ils ont obtenu que celui-ci demande une rupture conventionnelle qui est toujours en cours d’examen avant d’être soumise au conseil d’administration. L’annonce de ce départ ainsi que la proposition de protocole de sortie de crise n’ont pas suffit à mettre fin au mouvement. Les grévistes exigent « de l’éthique et des garde-fous » dans un contexte assombri par deux plaintes consécutives, en 2020 et 2022, alléguant des détournements de fonds publics et prises illégales d’intérêt.
Apparition soudaine des comptes de Soliha
Bien que le parquet ait décidé en juin de rouvrir une enquête après la réception de la deuxième plainte, les grévistes accentuent la pression. Il y a une semaine, Clara Derfla, secrétaire générale de l’UR974, dénonçait devant les grilles du tribunal de Saint-Denis le fait que Soliha ne publiait pas ses comptes au Journal officiel tout en continuant à bénéficier des subventions du Département, principal financeur de l’amélioration de l’habitat.
Il faut croire qu’elle a été entendue car, le lendemain, le 5 août, les comptes des années 2019 et 2020 sont apparus sur le site du Journal officiel des associations et fondations. Soit 12 ans après la dernière publication qui datait de l’époque ou Soliha s’appelait encore Pact-Réunion.
Il apparaît dans le rapport 2020 du commissaire aux comptes, un élément rapporté dans la dernière plainte : à savoir que l’association a décidé d’effacer une dette de 1,8M€ due au Département pour la transformer en « produit exceptionnel ». Alors que le commissaire aux comptes précise qu’« aucun accord définitif n’a été formalisé à ce jour entre les parties tant sur le montant que sur les modalités du paiement ».
La dette était prescrite
Dans la plainte, ce jeu comptable est présenté comme ayant servi à combler un déficit creusé par la nouvelle direction. Clara Derfla dénonce quant à elle « un détournement de fonds » : « cet argent correspond à de l’argent public destiné à financer des chantiers bien identifiés d’amélioration de l’habitat. Si ces chantiers n’ont pas pu être menés, pour une raison ou une autre, cet argent du contribuable doit retourner au Département. Là, c’est trop ! Comment le Département peut-il renoncer à percevoir ces dettes et continuer à verser des millions de subventions à une association qui ne publie même pas ses comptes »? Elle et les grévistes sont donc retournés hier matin sur le perron du Palais de justice de Champ-Fleuri pour réclamer des comptes.
Selon la présidente de Soliha, élue départementale, Viviane Payet Ben Hamida, la réaffectation de la dette de 1,8M€ en « produit exceptionnel » a fait l’objet une étude juridique et est légale car il s’agit d’anciennes dettes, prescrites. « Il n’y a pas eu d’accord formel avec le Département mais j’en ai discuté avec la direction générale du Département qui m’a confirmé que c’était possible, précise-t-elle. Une partie de cette somme a permis de compenser la baisse de nos recettes dues au contexte du Covid et à la mise en place du télétravail qui ont retardé nos chantiers ».
La présidente de Soliha conteste également les accusations sur la non-publications des comptes : « Ces comptes existent et sont validés par un expert comptable. Il n’apparaissaient peut-être pas sur internet mais ils étaient évidemment transmis à tous nos financeurs. On ne peut pas dire que le Département ait fait preuve de négligence. Il avait tous les chiffres en main ».
Les grévistes reprochent au Département d’avoir laissé mourir des dettes pendant des années et de ne pas récupérer ses fonds lorsque les chantiers ne sont pas réalisés. Contacté, le palais de la Source n’a pas trouvé hier le temps de répondre à nos questions.
Franck Cellier