MUSIQUE
Thierry Bénétoux est technicien, facteur (il répare, restaure, fabrique) et créateur d’accordéons depuis 1978. Il est de passage sur l’île pour réparer des accordéons, et pour une conférence à l’Ecole de Musique et de Danse de Saint Joseph (mercredi 18 décembre).
L’accordéon, un instrument à part
L’accordéon est un instrument à vent de la famille des bois. Il se compose de trois parties : un bloc main droite avec des boutons (qui jouent la mélodie, chaque bouton joue une note), un bloc main gauche (qui joue essentiellement l’accompagnement, avec certaines notes qui jouent des accords complets) et un soufflet au centre. Ce soufflet, c’est un peu les poumons de l’instrument. En tirant et en poussant ce soufflet, on fait entrer une colonne d’air qui permet la production des sons.
Il existe deux types d’accordéons, les accordéons chromatiques (les notes produisent le même son quand on tire et quand on pousse) et les accordéons diatoniques (le son est différent quand on tire et quand on pousse). Souvent, les accordéons ont plusieurs registres (ou timbres, ou voix).
Une « mécanique » très complexe
Lorsqu’on ouvre un accordéon, on s’aperçoit que l’instrument est particulièrement complexe. Des anches dites « libres » recouvertes d’une peau en cuir ou matériau souple sont montées par deux sur des plaquettes appelées aussi lames. Le son est produit par l’air qui met en action ces lames et les fait vibrer. Les plaquettes qui forment une sorte de châssis sont fixées sur des sommiers de bois généralement (deux entrées d’air, deux séries de plaquettes, une de chaque côté du sommier). En principe, un sommier correspond à une rangée de boutons. Ces sommiers sont ensuite assemblés à l’intérieur de l’accordéon (dans chacun des blocs). Quand le musicien appuie sur une note, un bras métallique déclenche l’ouverture d’une soupape, l’air entre grâce au soufflet et la hanche peut alors produire un son.
Un passionné d’accordéon
Lui-même accordéoniste de bon niveau (1er Prix de France en catégorie Basses chromatiques de 1978 à 1980), il a travaillé pendant trois ans pour la marque d’accordéon très connue Cavagnolo. Il a même été éclairagiste manipulateur de jeux d’orgues pendant cinq ans aux chorégies d’Orange ! C’est en 1984 qu’il crée sa société « Le Piano à Bretelles : atelier d’accordage – réparation d’accordéons et de bandonéons ».
En parallèle, il est depuis 2003, responsable de la formation accordéon à l’ITEMM (Institut Technologique Européen des Métiers de la Musique), anime de nombreux stages de formation au métier d’accordeur en France et à l’étranger. Il a écrit plusieurs ouvrages de référence, en particulier « Comprendre et réparer votre accordéon ».
Le « papa » des accordéons Snoopi
Depuis un peu plus de quinze ans, il a créé son entreprise Snooopi, basée au Thor dans le Vaucluse. Cette entreprise crée et fabrique des accordéons d’une gamme particulièrement innovante, d’une musicalité exceptionnelle, spécifiquement adaptée aux enfants. Accordéons colorés, transparents, voire « flashy » dont la caisse est parfois en bois noble, mais souvent en PMMA* coulé, une sorte de plexiglass dont la transparence est excellente et supérieure au verre.
Une petite merveille pour les yeux, mais aussi pour les oreilles, car les sons main droite et main gauche sont parfaitement équilibrés, on les entend très bien même lorsqu’on joue « piano ». C’est un instrument qui donne envie d’apprendre la musique et de jouer de l’accordéon ! Et « à l’exception du soufflet et des lames, tout est fabriqué de A à Z : je découpe, je lime, je ponce, je polis, je perce (340 trous par accordéon!), je taraude, je visse, jamais de colle !, j’assemble… Mes instruments, je n’en fabrique que 14 par an, sont tous uniques, totalement démontables et remontables. Aucun accordéon Snooopi ne peut être fabriqué en série, l’objectif premier n’est pas de faire de l’argent, mais de faire vivre ma passion. Je considère que je ne suis pas qu’un fabriquant ou un créateur, mes accordéons sont des objets d’art que je signe avec mon sigle TB Snooopi » dit-il.
N’hésitez pas à en découvrir davantage en consultant son site internet : www.accordeon-thierryb.fr. De multiples informations d’un passionné, des photos, des vidéos….
Dominique Blumberger
(Contribution bénévole)
Echange avec Thierry Bénétoux pendant qu’il répare des accordéons…
L’accordéon, comment l’avez-vous découvert ? Pourquoi en avez-vous fait métier ? Un déclic, une opportunité, une rencontre ?
Les réponses sont assez simples. J’avais mon parrain qui, quand j’avais six ans, m’a offert pour Noël un accordéon en plastique piano. J’ai joué un petit air que mes parents fredonnaient « les gens du Nord ». Papa m’a dit qu’ils allaient me trouver un professeur. Je suis rentré dans le monde de la musique vers l’âge de huit ans et demi – neuf ans. Pourquoi ce métier-là ? Vers dix-sept ans je voulais prendre des cours de perfectionnement dans la musique et un professeur, monsieur Mornet, qui me voyait bricoler des registres et des choses comme ça, m’a dit que plutôt que de bricoler dans un garage, ce serait bien que j’aille me former dans une usine. Du coup, alors que j’allais pour prendre des cours pour devenir professeur, c’est lui qui m’a incité à me servir de mes mains pour réparer puis fabriquer. J’ai eu la chance de rentrer à l’usine parce que j’ai pu montrer une main droite d’accordéon que j’avais fabriquée seul de mes propres mains !
Quels sont les grands de l’accordéon à qui vous faites profiter de votre « savoir-faire » ?
Je dis rarement pour qui je travaille, je ne l’écris pas sur mon site. Ca fait 32 ans que je suis dans l’ombre de Richard Galliano qui a une confiance absolue en moi. Je travaille aussi avec Pascal Contet et bientôt avec Franck Angélis. Mais je ne travaille pas plus pour des vedettes que pour des non-vedettes, j’essaie de travailler le mieux possible pour tout le monde. Je ne souhaite pas particulièrement travailler plus avec des professionnels. J’ai beaucoup de satisfaction avec les enfants par exemple. Aujourd’hui, avec les réseaux et le bouche à oreilles on se fait facilement connaître. L’objectif quand on répare un instrument, c’est de le réparer sans qu’on ait vu qu’on a mis les mains dedans. Le métier de réparateur n’existe que parce que dans les usines on a fabriqué des instruments qui avaient des défauts. Ces instruments ne retournaient pas tous en usine, il fallait les réparer et trouver du monde pour le faire ! »
« J’ai formé 170 personnes »
Vous voyagez beaucoup pour des conférences, des ateliers de réparations. Envie de lever le pied, ou pas ? Vous préparez la relève ?
Je suis à la retraite depuis le 1er janvier. J’ai formé 170 personnes. Mais je ne suis pas vraiment formateur, je suis un artisan qui vient montrer comment j’exploite mon métier […] Le magasin, le local où je travaille sont en vente, accordéons.fr, notre marque (570 000 visites) est vendue, le parc de location aussi. Les « bijoux de famille » du piano à bretelles ne sont plus là. Ne reste que le Snooopi, et j’ai formé quelqu’un, Yohann Brechoteau, mon ancien salarié. Il est installé à Paris, il a monté la boutique « Accordéons Paris Sud ». Je l’ai formé et si je venais à décéder, il est parfaitement capable de faire ça !
L’aventure Snooopi. D’où vous est venue l’idée ? Y-a-t-il des demandes particulières, des envies particulières ?
L’aventure est venue de deux choses. D’abord des professeurs qui voulaient que je fabrique des petits instruments avec vingt notes main droite. Ma femme m’a proposé de fabriquer des instruments « transparents » en PPMA. L’avantage de ce produit c’est sa transparence, mais aussi le fait qu’il ne produit aucun son (ndrl : pas de « sons parasites dus à la résonnance). J’ai commencé à vendre dans des écoles d’accordéon et puis on m’a demandé de rajouter quelques boutons et le Snooopi est né ! En 2023, il a grandi avec Alain Musichini, grand accordéoniste de notre région, à qui j’ai fabriqué à sa demande un Snooopi pro-jazz.
Entretien : D.B.
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