TiKatsou éjecte son président et rassure ses adhérents trois mois avant la mise en circulation de la monnaie péï

Les premiers billets de TiKatsou sont censés circuler à partir du mois de septembre prochain. Pour concrétiser ce rêve, l’association de la première monnaie locale réunionnaise a dû se séparer de son président et co-fondateur Richard Riani… qui affirme partir « sans rancune ».

Un comble : L’association Nout Moné, qui travaille au lancement de la monnaie locale TiKatsou, a tremblé sur ses fondations à cause de problèmes d’argent. Or elle se propose justement d’introduire des valeurs de citoyenneté, de solidarité et de culture réunionnaise dans les échanges monétaires.

Ce mercredi 11 juin s’est tenue l’assemblée générale de Nout Moné, sur le site de Bwa de Senteur de la Possession en présence d’un commissaire de justice (huissier), d’un représentant du Territoire de l’Ouest TO (financeur) et d’un journaliste (votre serviteur) pour seulement 9 adhérents présents, bureau exécutif inclus. Ces regards extérieurs ont sans doute pesé sur la tournure de cette réunion qui n’était pas aussi « ordinaire » que ça. 

En fait, le président co-fondateur, l’artiste Richard Riani était sur la sellette. Les deux autres membres du bureau exécutif, Joëlle Lacrôme et Loran Bridier-Payet lui reprochaient des dépenses injustifiées et les recrutements non validés de deux salariés qui ont été remerciés au bout de quelques semaines. Une plainte a été déposée par Richard Riani, une autre a failli l’être par ses contradicteurs et une procédure aux prud’hommes se profile.

50 000 billets imprimés

Le discours d’accueil du président contesté était donc particulièrement amer pour dénoncer sa mise à l’écart. Il a néanmoins pu démontrer que les retraits d’argent qu’il a effectués étaient autorisés car il disposait d’une carte bleue en bonne et due forme. Et il a produit les justificatifs des dépenses correspondantes. Il a d’ailleurs voté, comme toute l’assemblée, pour l’ensemble des rapports présentés (moral, activités et financier) et ne s’est finalement opposé que lorsqu’a été désigné le nouveau bureau exécutif comprenant 7 membres au lieu de 3. « Ils ont décidé de m’écarter. Mais je pars sans rancune, ce n’est pas le pouvoir qui m’intéresse et je souhaite bonne continuation à TiKatsou », a-t-il déclaré.

Il restera de lui les dessins qui orneront les billets de 1TK, 2TK, 5TK, 10TK, 20TK, 50TK… Au-delà de cet aléas de gouvernance, il faut surtout retenir que près de 50 000 billets ont été imprimés par la presse qui a fabriqué la monnaie basque Eusko. Cette première livrée représente 426 000 €, et se trouve encore au domicile de l’artiste saint-pierrois qui a évidemment promis de les remettre à l’association. 

Pour l’instant ils ne valent rien puisqu’on ne peut encore rien acheter en TiKatsou. Lorsqu’ils seront mis progressivement en circulation, ils auront la même valeur qu’en euro (1TK=1€). Et ils seront garantis par un fonds équivalent en banque pour assurer que tout détenteur de TiKatsou pourra les convertir en euros à tout moment…

Irriguer l’économie sociale de proximité

Ce n’est évidemment pas le but, les promoteurs du TiKatsou espèrent au contraire que la monnaie locale circulera pour faire vivre le réseau d’économie solidaire qui l’adoptera. Les premiers billets seront mis en circulation en septembre prochain à l’occasion du salon « Nou lé local » du Territoire de l’Ouest programmé du 11 au 14 septembre prochains.

Le représentant du TO s’est félicité de voir « Nout Moné assurer sa stabilité, sa clarté et sa neutralité ». L’intercommunalité de l’Ouest et la Région sont les principaux financeurs de l’association en espérant que d’autres collectivités les rejoindront car les TiKatsou sont appelés à se répandre sur toute l’île. 

À l’issue de cette AG, riche en émotions, Joëlle Lacrôme se réjouissait du chemin parcouru depuis 2020. « Nous défendons un projet d’innovation sociétale en profondeur en restant fidèles aux valeurs du non lucratif, de l’ancrage territorial et d’une gouvernance démocratique et participative. Maintenant les gens nous connaissent. Tous les signaux sont au vert pour réaliser ce que tous les Réunionnais attendent. »

Franck Cellier