L'ancien légionnaire et patron de la société de sécurité COPS, Lionel Lelièvre a été extradé vers la France. Il est suspecté de tentative de meurtre • ©Capture d'écran L'Express de Madagascar

Un ex-policier accuse la justice française de laisser courir un tueur à gage

MADAGASCAR 

« Un tueur en liberté ! » C’est ce que dénonce aujourd’hui un ancien officier de police français, qui était en poste à Madagascar en septembre 2020 quand un citoyen français a été assassiné, il en est sûr, par un autre citoyen français.

Lionel Lelièvre ©Capture d'écran Midi-Madagaskara
Lionel Lelièvre lors de son procès à Tananarive. ©Capture d’écran Midi-Madagaskara

« Qui mieux que notre ministre pourrait actionner la justice pour mettre hors d’état de nuire un tueur… C’est la raison pour laquelle j’ai écrit au garde des sceaux au mois de juin. Malheureusement, le ministre de la Justice ne s’intéresse pas à la justice. » 

Devant le cas de celui qu’il considère comme un « tueur » et l’inaction de la justice française, Hervé Taillandier n’arrive pas à cacher son amertume. Aujourd’hui à la retraite, l’homme a terminé sa carrière à Madagascar détaché auprès de la DCSD (direction de la Coopération de sécurité et de défense) comme conseiller sûreté immigration. Et, dans le cadre de ses fonctions, il a été le témoin d’une étrange affaire de meurtre où la victime et l’auteur présumé sont français.

« Même si mon secteur d’activité se situait à l’aéroport d’Ivato, ayant passé quasiment toute ma carrière à faire du judiciaire, je me tenais régulièrement informé des affaires traitées par mon collègue, le commandant de police Thierry Depraetere conseiller auprès de la police judiciaire malgache que j’avais connu au SDPJ 92 alors que j’étais à la Crim et lui aux Stup nord », raconte l’ex-officier de police.

Étranges circonstances

C’est ainsi que, en septembre 2020, il apprend qu’un Français d’origine Karane, Danil Radjan, a été assassiné dans d’étranges circonstances. 

« En septembre 2020 mon collègue Thierry Depraetere m’informait d’un homicide assez étrange. Un samedi matin vers 9h30 dans une zone commerciale densément fréquentée, un Français d’origine karane, dénommé Danil Radjan, était découvert étranglé dans le hall de son immeuble d’habitation.

« Tout était mystérieux, la victime liée aux trafics multiples existants à Madagascar, le lieu choisi pour l’exécution, une zone publique fréquentée et, en plus, à une heure de grande affluence. Bref rien de bien discret. » 

Du coup, un ancien légionnaire français dénommé Lionel Lelièvre, patron d’une grosse entreprise de sécurité à Tananarive, était interpellé dans le cadre de l’homicide. Une vidéo de l’interpellation a même fuité sur les réseaux sociaux montrant Lelièvre se rebellant contre les policiers venus l’arrêter dans les locaux de sa société COPS, société de gardiennage.

Pour autant, les policiers malgaches n’arrivent pas à démontrer la culpabilité du suspect. Peut-être, laisse entendre l’ancien policier, parce que le coffre-fort de l’entreprise a été saisi pendant l’interpellation, et les 100 000 euros qu’il contenait ont disparu.

Thierry Depraetere, de retour de congés, s’en émeut auprès du directeur de la PJ et le suspect est à nouveau arrêté, et incarcéré.  

De fait, la présence d’une moto caractéristique sur les lieux et à l’heure du crime ainsi que le téléphone portable du suspect qui y borne sont des indices, sinon des preuves de la culpabilité de l’ancien légionnaire. Sans compter qu’une vidéo, cette fois des aveux du suspect, apparait à son tour trois mois après le procès, dans laquelle il reconnait qu’on lui a promis 60 000 euros en échange du contrat.

Le procès acquitte l’accusé en première instance, puis en seconde instance après que le gouvernement malgache ait fait appel. « Il est connu des initiés que Lelièvre aurait payé aux juges la même somme en première instance et en appel soit environ 500 000 euros au total. Libéré, Lelièvre quittait Madagascar avec interdiction d’y revenir. », affirme Hervé Taillandier.

D’autres affaires

« Thierry Depraetere m’indiquait qu’une instruction avait été ouverte en France, mais que le magistrat était pieds et poings liés avec les deux jugements malgaches. Lelièvre, pour les faits au préjudice de Danil Radjan ne pourrait plus être jugé en France », regrette l’ancien policier. « C’est justement contre ça que je suis devenu flic, pour que les assassins ne puissent dormir tranquilles », indique-t-il. 

Fin du premier épisode. Avec un probable tueur à gage en liberté quelque part en France. Comme témoignent d’autres personnes, l’homme était déjà connu à Tana avant cette affaire. Quand il avait bu, il racontait à qui voulait l’entendre qu’il avait déjà tué, qu’il était armé, et qu’il était responsable de la mort d’un autre Karane découvert quelques années plus tôt mort dans une rizière.

Le frère de Danil Radjan accuse également Lelièvre d’une tentative de meurtre sur sa personne. Mais ces affaires, qui pourraient faire tomber Lionel Lelièvre, semblent ne pas intéresser la justice française. Même après que l’ancien policier a écrit au ministre de la Justice pour lui faire part de cette injustice.

Hervé Taillandier est prêt à témoigner, à être entendu, mais il n’est jamais convoqué. « Cela fait deux ans que je suis à la retraite et je veux en finir avec cette affaire, tourner la page et, surtout, que justice soit rendue. » « Une enquête dans les différents lieux que fréquentait Lelièvre à Tananarive permettrait rapidement d’avoir des informations compromettantes pour ce dernier. Il avait l’habitude quand il était ivre de se vanter d’avoir exécuté des gens. Les endroits où Lelièvre buvait, ses fréquentations de travail (ses concurrents dans la sécurité) savent ou ont entendu des bruits le concernant », souligne Hervé Taillandier. Qui se demande, comme d’autres dans la presse malgache, pourquoi l’enquête n’a pas cherché à retrouver les commanditaires de l’assassinat de Danil Radjan.

Philippe Nanpon

Vignette capture d’écran L’Express de Madagascar

Un ex-policier témoigne

Ex-policier et tueur à gage en liberté

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.

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