AZALI MET LA PRESSE SOUS PRESSION
Le correspondant de Reuters aux Comores vient de passer une nuit en garde à vue. Le président comorien Azali l’accuse de « désinformation » parce qu’il conteste les propos qui lui ont été prêtés. Les syndicats de journalistes des Comores et de La Réunion – océan Indien dénoncent des pressions injustifiées.
Le président des Comores, Azali Assoumani, a-t-il déclaré : « Je placerai mon fils pour me remplacer à la tête de l’Etat et du parti » ? C’est ce qu’annonçait Reuters le 24 janvier. Le journaliste comorien, Abdou Moustoifa, à la fois correspondant de l’agence internationale et journaliste au journal d’Etat Alwatwan, avait traduit en français le discours que le président avait tenu en comorien lors d’une visite sur l’île de Mohéli.
Face au tollé provoqué par cette annonce qui faisait basculer l’archipel dans une dynastie, la présidence avait démenti et ce démenti avait été publié par Reuters. À en croire le communiqué du bureau du président, celui-ci a « plutôt parlé d’un enfant qui lui succéderait, sachant qu’il est d’usage aux Comores de qualifier tout citoyen d’enfant, sans forcément parler de sa propre progéniture. »
Bon… pourquoi pas ? Même si le fils en question, Nour El Fath Azali, est déjà secrétaire général du gouvernement et secrétaire général adjoint du parti au pouvoir… Le sujet est si sensible qu’Azali ne s’est pas satisfait de la publication de son démenti. Il s’est lancé dans une chasse au journaliste plus ou moins masquée. Les journalistes comoriens ont d’abord appris que le gouvernement envisageait de porter plainte contre leur confrère.
Réaction des syndicats de journalistes
Ils ont mis le sujet sur la table lors d’une conférence de presse des représentants de la présidence et des cadres du parti au pouvoir. « le directeur de cabinet chargé de la Défense et secrétaire général de la CRC, Youssouf Ali Belou, ainsi que le porte-parole de Beit Salam , Mohamed Ismaël, ont nié catégoriquement l’existence d’une quelconque plainte contre Abdou Moustoifa », rapporte le Syndicat National des Journalistes des Comores.
Hélas, les faits ont contredit cette parole officielle et, ce mercredi 29 janvier, deux gendarmes sont venus chercher Abdou Moustoifa dans les locaux d’Alwatwan. Ils ne l’y ont pas trouvé et, dès le lendemain, le journaliste était convoqué en gendarmerie sur les ordres du procureur. Il s’y est rendu en compagnie de nombreux confrères. Le directeur de la communication gouvernementale a confirmé les craintes du SNJC : une plainte a bien été déposée pour « désinformation ».
Lors d’une conférence de presse, le syndicat a affiché son soutien à Abdou Moustoifa, journaliste au quotidien d’État Alwatwan et correspondant de plusieurs médias étrangers, dont Reuters. Il dénonce « une pression injustifiée ». Ce matin, après une nuit en garde à vue à la gendarmerie de Moroni, il devait être déféré au parquet de la République. (Actualisation à 18h50 : Abdou Moustoifa a été relâché en fin d’après-midi. Il comparaîtra devant le tribunal de première instance de Moroni le 6 février pour répondre « d’avoir divulgué des propos mensongers de nature à porter atteinte au moral de la population comorienne et à jeter le discrédit sur les institutions publiques et leur fonctionnement » selon le la convocation judiciaire)
« Nous considérons cette situation comme un acharnement pur et simple contre le correspondant de Reuters, une attitude inacceptable qui perturbe son travail quotidien. Abdou Moustoifa est un journaliste professionnel qui vit de ses publications et doit pouvoir exercer son métier librement », déclarent les représentants syndicaux qui concluent : « le Syndicat National des Journalistes Comoriens réaffirme sa détermination à soutenir Abdou Moustoifa et tout journaliste victime d’injustice. La liberté de la presse est un pilier fondamental de notre démocratie, et nous continuons à la défendre avec force et conviction. »
Le SNJ Réunion – océan Indien a lui aussi qualifié la procédure engagée contre le journaliste comorien d’« atteinte à la liberté de la presse et révélant le caractère autoritaire d’un président dont la réélection, il y a un an, avait été entachée d’allégations de fraudes électorales. »
Franck Cellier
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