LIBRE EXPRESSION
En opposition aux réflexes nationalistes et populistes
L’Eglise catholique via ses évêques a l’habitude de faire entendre sa voix à la veille de scrutins majeurs. À l’approche des élections européennes du 9 juin, nous avons retenu deux importantes déclarations : celle des évêques de la Commission des Épiscopats de l’Union européenne (COMECE) et celle, sous forme de Lettre pastorale, des évêques de l’Euregio (Allemagne, Belgique, France et Luxembourg). Il s’agit d’abord, pour l’un et l’autre groupe d’évêques, d’un appel à voter aux prochaines élections européennes de juin 2024. Car « s’abstenir et un manquement à la responsabilité qui incombe à chacun à l’égard de tous», avait déjà fait savoir la COMECE, en 2017, en pleine campagne pour l’élection présidentielle.
Une Europe de respect et de la promotion de la dignité de toute personne humaine
« Le projet européen d’une Europe unie dans la diversité, forte, démocratique, libre, pacifique, prospère et juste est un projet que nous partageons et dont nous nous sentons redevables. », déclarent les évêques représentants les Conférences épiscopales de l’Union européenne. « Nous sommes tous appelés à exprimer cet attachement en votant et en choisissant de manière responsable les députés européens qui représenteront nos valeurs et œuvreront pour le bien commun au sein du prochain Parlement européen », disent-ils dans leur déclaration du 13 mars 2024. Tout en indiquant qu’« il est essentiel que nous votions pour des personnes et des partis qui soutiennent clairement le projet européen et dont nous pensons raisonnablement qu’ils vont promouvoir nos valeurs et notre idée de l’Europe, telles que le respect et la promotion de la dignité de toute personne humaine, la solidarité, l’égalité, la famille et le caractère sacré de la vie, la démocratie, la liberté, la subsidiarité, le soin de notre ‘maison commune ».
Aujourd’hui, relèvent-ils, ce projet est confronté à plusieurs menaces. « Une série de crises et des questions délicates à résoudre dans un avenir proche, comme les guerres en Europe et dans son voisinage, les migrations et l’asile, le changement climatique, la digitalisation croissante et l’utilisation de l’intelligence artificielle, le nouveau rôle de l’Europe dans le monde, l’élargissement de l’Union européenne et la modification des Traités, etc. ». Par suite « pour aborder ces questions cruciales à la lumière des valeurs fondatrices de l’Union européenne et pour construire un avenir meilleur pour nous et les générations futures, non seulement en Europe mais aussi dans le monde, nous avons besoin de décideurs politiques courageux, compétents, animés par des valeurs et œuvrant avec honnêteté pour le bien commun. Il est de notre responsabilité de faire le meilleur choix possible lors des prochaines élections. » Et « en tant que chrétiens, nous devons essayer de discerner pour qui et pour quel parti voter en ces temps cruciaux pour l’avenir de l’Union européenne ».
Les évêques de la COMECE encouragent les nombreux jeunes qui voteront pour la première fois lors des prochaines élections « vivement à exercer leur droit de vote lors des prochaines élections européennes et à construire ainsi une Europe qui assure leur avenir et réponde à leurs véritables aspirations. »
Retrouver le goût de l’aventure européenne
Dans une lettre pastorale intitulée « Un nouveau souffle pour l’Europe », publiée le lundi 8 avril dernier, les évêques de l’Euregio (Allemagne, Belgique, France et Luxembourg) invitent à voter pour des candidats qui défendent le projet européen fondé sur un « humanisme de dialogue » et sur le « respect de la personne ». Alors que les partis populistes et eurosceptiques sont donnés haut dans les sondages en amont de ces élections, les huit évêques auteurs de cette lettre pastorale invitent également à « rejeter les égoïsmes personnels » et à « retrouver le goût de l’aventure européenne, malgré les conditions actuelles ». Et ce tout en reconnaissant que « l’Europe n’est pas parfaite et ne correspond pas toujours aux attentes de nos concitoyens ».
Dans cette longue lettre pastorale extrêmement riche d’un point de vue doctrinal (Philippe Portier)), les évêques de huit diocèses transfrontaliers de France, Belgique, Luxembourg et Allemagne rappellent les fondements de la construction européenne et les crises qu’elle traverse aujourd’hui – crises nationalistes, géopolitique, économique et migratoire. Face à cette « crise de la conscience européenne », il faut selon eux « un souffle nouveau afin de choisir l’union dans la diversité et la personne dans la solidarité. ». Ils définissent « un humanisme européen » qui résume les valeurs partagées par les Européens et qui éclaire la position à adopter lors du prochain scrutin (Romain Mazenod, dans Le Pèlerin, 07/08/2024.
Ils mettent ainsi en avant « un humanisme de dialogue », « ouvert à l’étranger et au migrant », contre la tentation des « fermetures ». « Les frontières ne sont pas des barrières, elles sont des lieux de rencontre ». La construction européenne, rappellent-ils, « a permis une paix durable en Europe, et en particulier la réconciliation franco-allemande » (Guillaume Daudé, dans La Croix, 08/09/2024). Aujourd’hui, « on stigmatise le fonctionnement supranational de l’Union européenne, déplorent-ils. On constate l’émergence de réflexes nationalistes et populistes qui, en ce moment, se répandent et risquent de traiter à nouveau, comme en d’autres temps, l’autre ou l’étranger comme une menace. On a du mal à accepter la diversité aujourd’hui ». Le « bien commun» qu’est l’Europe, alertent-ils, court « le risque de disparaître si elle ne retrouve pas sa raison d’être, la paix, la solidarité, dans la diversité ».
De cette lettre pastorale se dégage une réflexion plus ample que celle de la déclaration des évêques de la COMECE du 13 mars 2024, mais conscients de l’enjeu de ces élections européennes, ils appellent unanimement à voter en faveur d’un projet européen d’espérance, en rejetant les réflexes nationalistes.
Reynolds Michel
Chaque contribution publiée sur le média nous semble répondre aux critères élémentaires de respect des personnes et des communautés. Elle reflète l’opinion de son ou ses signataires, pas forcément celle du comité de lecture de Parallèle Sud.