En septembre dernier, plusieurs collectifs réunis sur la question du créole à l’école ont présenté un projet, le PELCR, pour favoriser son apprentissage. Un projet rejeté en partie par le recteur qui le qualifie de projet à caractère politique et refuse de le soumettre au vote du Conseil académique des langues régionales (CALR).
Le créole, une langue qui prend sa place
Au début des années 2000, plusieurs lois viennent entériner les luttes des militant.es qui demandent depuis longtemps dans les territoires outre-mer que le créole soit reconnu comme une langue à part entière et non comme un dialecte, une languèt comme le dit Jean Louis Robert.
En 2002, la loi d’orientation pour les Outre-Mer octroie au créole le statut officiel de langue régionale (Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion). Dans le même temps, plusieurs mesures institutionnelles viennent renforcer ce statut comme la création d’une licence créole à l’Université de La Réunion et d’un CAPES en langue créole régionale (LCR).
Pourtant, vingt ans ont passé et la place de la langue créole à l’école n’est toujours pas stabilisée avec une décision récente du ministère de l’Éducation nationale qui retire l’option créole du concours du CAPES pour l’année 2026. Une décision qui fait réagir dans les territoires dits d’Outre-mer et à La Réunion.
Nadia Sintomer, professeure des écoles et militante culturelle au sein du collectif MLK (Mouvman Lantant Koudmin), voit cette décision comme « symptomatique de ce qu’il se passe autour du créole » c’est-à-dire une non valorisation. Pour pallier ce manque de reconnaissance de la langue, elle a travaillé depuis des années avec plusieurs autres collectifs citoyens sur un projet visant à renforcer l’apprentissage de la langue et la culture créole à l’école, le PELCR.
Un plan « Pou Lamontraz Nout Zarlor »
Le Projet Pou Lamontraz Nout Zarlor ou PELCR (Plan pour l’Enseignement de la langue et de la culture réunionnaises) est un projet issu d’une réflexion collective autour de la place de la langue créole dans la société réunionnaise et défini par ses rédacteurs comme un « plan d’information qui a pour objectif principal de faire connaître les différentes offres d’enseignement concernant le créole réunionnais et d’informer la communauté éducative sur l’importance de la langue maternelle dans le processus d’apprentissage. »
Le projet part d’un constat simple mais concret, un enseignement du créole réunionnais pas assez structuré à l’école alors même qu’aujourd’hui encore, cela reste pour deux tiers de la population de l’île « le mode d’expression normal et spontané ». Pour Giovanni, du collectif Lantant LKR, « ne pas aller dans le sens d’une normalisation de l’apprentissage du créole à l’école, c’est prendre le risque de l’oubli; d’un pan de notre histoire, de notre culture. »
Car la langue, c’est le socle de la société, c’est la porte vers l’autre, vers son histoire, sa culture, vers son identité ou comme le dirait Audrey Azoulay, directrice générale de l’UNESCO, « c’est la condition même de notre humanité. »
Le PELCR tend à favoriser le développement d’un apprentissage bilingue dès le 1er degré, pour placer le créole réunionnais à la même hauteur que le français pour sortir de la diglossie actuelle : tendre vers au moins une filière bilingue dans chaque circonscription, aider les établissements qui voudraient évoluer vers une double filière, favoriser l’apprentissage de plusieurs langues dès la maternelle (français, créole et anglais).
Un enseignement de la langue qui s’accompagnerait de cours sur la culture réunionnaise : patrimoine, histoire, contes, légendes et traditions. On peut lire que les finalités de la LVR (langue vivante réunionnaise) sont de « découvrir, partager et se réapproprier pour transmettre » leur culture.
Le recteur rejette un plan qu’il considère comme politique
Le plan est soutenu de longue date par La Région qui a même voté une motion « pour une école en harmonie avec notre société » lors de la commission permanente du 8 décembre 2023 lors de laquelle, il est « demandé que soit élaboré et mis en oeuvre un Plan pour l’enseignement de la langue, de la culture réunionnaise et de l’Histoire de La Réunion. »
Dans un mail daté du 26 septembre 2025, Huguette Bello a d’ailleurs soutenu la demande des représentants du PELCR qui demandait à ce que celui-ci soit soumis à l’avis consultatif du prochain Conseil académique des langues régionales (CALR) qui regroupe un ensemble de représentants de l’administration, des collectivités territoriales, de syndicats d’enseignants mais aussi d’association de parents d’élèves.
Pour Giovanni, « le but était d’obtenir l’adhésion de l’ensemble des participants » pour que le plan puisse ensuite être utilisé comme base de réflexion. Dans le courriel adressé à La Région, le recteur, s’il souligne « la qualité du travail accompli par le collectif » qui « nourrit utilement la réflexion académique », considère qu’il s’agit « d’un texte à caractère politique (qui) ne saurait être soumis à validation ou adoption lors d’un instance académique. »
Recours gracieux et avenir du PELCR
Pour Giovanni de Lantant LKR, ce rejet marque « un non-respect de l’acte démocratique » mais ne marque pas la fin du PELCR. Concernant le supposé caractère politique du texte, il considère celui-ci comme « un document de politique linguistique mais pas de politique politicienne ». Porter ce projet est pour lui « un acte de citoyenneté » une manière « d’harmoniser la réalité sociale à celle de l’école. »
Mais le rejet n’est pour lui qu’une étape et le collectif va « continuer ses réflexions et ses actions pour mettre en application les textes de lois et permettre à chaque parent d’avoir le choix d’une éducation bilingue pour son enfant. »
L’association MLK, de son côté, a déposé un recours gracieux à l’encontre de la décision du recteur et dit « refuser le saucissonnage du plan » car « une langue, cela demande une cohérence pédagogique. » Contacté sur cette question-là, le rectorat n’a pour l’instant pas transmis de réponse à la rédaction de Parallèle Sud. Pour Nadia Sintomer, il y a pourtant une urgence à faire avancer ce projet pour « construire un citoyen réunionnais, avec toutes ses composantes ».
Olivier Ceccaldi


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