L'agriculteur bio, Bruno Rivière

[Vidéo] L’agriculture de demain, « un rêve collectif »

AGRICULTURE BIO

On se pose avec Bruno Rivière dans sa petite case aux Jacques, à Saint-Joseph. Entre deux averses, entre deux ravines en crue, l’agriculteur remonte le temps, raconte les débuts de l’agriculture bio à La Réunion. Il mesure ce temps justement qui s’est écoulé, les changements de mentalités, entre ses premiers accompagnements de paysans en bio à Saint-Philippe il y a 35 ans et les projets qui émergent aujourd’hui.

Les changements prennent du temps à se mettre en place. Bruno Rivière, 56 ans, un pionnier de l’agriculture biologique à La Réunion, l’a bien compris. Il est « tombé dans la marmite depuis petit », à une époque où parler de bio, c’était passer pour un extraterrestre, s’exposer aux « attaques frontales ». 40 ans plus tard, le regard et les discours ont changé. C’est déjà ça. Mais on est loin encore, très loin, de l’agriculture de l’avenir telle qu’il l’imagine à l’échelle de l’île.

Après une formation en agriculture conventionnelle au lycée agricole, il s’est formé auprès de la première association en bio à la Réunion, Nature et Progrès. Puis il a intégré la première école d’agriculture biologique de France à l’âge de 20 ans.

« A l’époque, les gens tournaient les produits chimiques à la main ! »

A l’époque où il travaillait pour l’association des Paysans de Saint-Philippe, il menait déjà « des actions choc » comme, par exemple, faire intervenir la médecine du travail sur l’impact des pesticides sur la santé. « Je voyais les agriculteurs dans la salle qui réalisaient que les symptômes dont parlait le médecin, ils les avaient déjà eu au moins dix fois. Ils étaient intoxiqués régulièrement. C’était pas le but de choquer, mais en même temps, il y avait une prise de conscience qui passait par là. Faut se rendre compte qu’à l’époque, les gens tournaient les produits à la main ! »

A cette époque, Bruno Rivière accompagnait les agriculteurs dans leurs projets bio, la validation des premières certifications de l’île, et se frottait aux institutions. « Zot i admé pa ke bann zagrikulteur dann zot milieu rural i romont zot projé pou bann zinstitusiyon. Mé la pa changé. »

Le paysan se souvient. « C’est un système qui a débarqué. Du jour au lendemain, La Réunion la di met dézerban, met produi. Domoun la pri sa kom la panacé é la rant andan san réfléchir. » « Le problème de La Réunion c’est aussi qu’on a un modèle qui n’est pas pensé localement. »

« Nou ariv in tournan »

Aujourd’hui, Bruno Rivière estime que la société dans son ensemble arrive à un tournant. Un tournant qu’il mesure à travers les prises de conscience et le développement de nombreuses initiatives. « Il faudrait les connecter entre elles ». Dans ce changement de société, « le paysan na in rol fondamantal, li lé a la baz in ta de choz. »

En acceptant de devenir président de l’association Kazkabar à la fin de l’année 2023, Bruno Rivière sent qu’il est temps de porter à la lumière un projet qui défend un « modèl rényoné ». « Kazkabar i bras du monde mé lé pa visib. Nou ariv in tournan. Lobjectif i konsern la Rényon. Sé montré sak nou pe fé an nou bazan su not richès lokal. Montré ke nou peu mèt an plas in lédukasiyon diférant’, in sistèm diféran bazé su not kultur, nout konésans lokal, régional. Nou na in lespérians, dé konésans, nou dwa pran confians, valoriz ali. Nou mont dé dosiyé administratif an kréol, i sa lwin. »

Interview : Jéromine Santo-Gammaire

A propos de l'auteur

Jéromine Santo Gammaire | Journaliste

En quête d’un journalisme plus humain et plus inspirant, Jéromine Santo-Gammaire décide en 2020 de créer un média indépendant, Parallèle Sud. Auparavant, elle a travaillé comme journaliste dans différentes publications en ligne puis pendant près de quatre ans au Quotidien de La Réunion. Elle entend désormais mettre en avant les actions de Réunionnais pour un monde résilient, respectueux de tous les écosystèmes. Elle voit le journalisme comme un outil collectif pour aider à construire la société de demain et à trouver des solutions durables.