« Elle partait une à deux fois par mois », confirme une de ces sources. « Elle s’absentait deux ou trois jours qui pouvaient se prolonger sur un week-end ».
Ces voyages sont effectués par Corine Robert-Beaulieu dans le cadre de son poste de directrice de la communication. Mais les intitulés des ordres de missions – consultés par Parallèle Sud et Mediapart – demeurent énigmatiques pour la grande majorité : « RDV institutionnels », « diverses réunions de travail », « accompagnement du président » ou à peine plus précis « délégation Mozambique » ou encore « conférence des présidents des régions ultrapériphériques ». « Les intitulés de mission, faut pas se baser là-dessus », lâche un ancien proche du cabinet de Région qui a lui-même eu l’occasion de voyager dans le cadre de missions. « Faut juste que ce soit justifié au cas où il y a un contrôle, mais arrivés sur place ils font ce qu’ils veulent ». Dans une longue réponse écrite, la collectivité conteste le nombre de voyages effectués par la directrice de la communication dans le cadre de son service et évoque des déplacements à titre personnel réalisés pendant les congés. Le mail de la Région est à lire ici en intégralité : https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=979780426109811&id=233721630715698
Des photos postées à l’époque sur les réseaux sociaux – supprimées depuis – sèment toutefois le doute. En 2019, par exemple, le couple se rend à Madagascar pour rencontrer le pape François aux frais de la collectivité. A quel titre exactement se déplace-t-elle ? En tant qu’agent de la collectivité, femme du président ou même représentante non officielle de la culture? Egalement artiste-peintre, sa passion pour le luxe et la culture se lit sur ses tableaux exposés actuellement au magasin Roche Bobois à Saint-Denis. Vous pouvez apercevoir ses peintures ici : https://www.facebook.com/233721630715698/posts/979856819435505/
« Il faut voir si Corine valide »
Aline Murin-Hoarau, élue sur la liste de Didier Robert en 2015 en charge de la politique culturelle, devenue opposante politique à l’approche des échéances électorales, a un début d’explication : « À la Région, « il faut voir si Corine valide » revient tout le temps : pour moi, elle n’a pas pris que la direction de la communication, elle a aussi pris les affaires culturelles et j’ai été mise de côté, systématiquement, dès le début de la mandature. Plusieurs de mes déplacements ont été empêchés voire non financés par la collectivité régionale » !
Corine Robert-Beaulieu, à la ville épouse de l’actuel président de Région, Didier Robert, voyage à bord d’Air Austral, comme c’est la règle lors de la majorité des vols organisés par la Région Réunion, actionnaire majoritaire de la compagnie. « A 80% ils voyageaient toujours avec, entre guillemet, leur compagnie, ils étaient surclassés, c’est très rare qu’ils voyagent avec la bétaillère », témoigne un agent au fait de ces pratiques sous couvert d’anonymat.
Ces voyages n’ont d’ailleurs jamais été cachés et, dans les couloirs de la pyramide inversée, étaient connus de tous. « Ce n’est pas nouveau, d’ailleurs elle n’était pas la seule. Corine et d’autres collaborateurs du cabinet voyageaient à tout bout de champ », se souvient un témoin. Le président de Région ne fait pas exception. « Les voyages de Didier Robert occupaient la moitié ou disons plutôt le tiers de son temps », rapporte de son côté un ancien attaché de groupe. Celui-ci s’interroge alors sur le cumul de ses différentes responsabilités professionnelles en tant que président de Région, président de SPL, représentant de la Région auprès d’Air Austral…
« On n’est pas là pour faire de la morale »
« Comment justifier ces salaires alors que le président était souvent à l’autre bout du monde » ? La justification des salaires est d’ores et déjà un enjeu pour Didier Robert, condamné vendredi 21 mai à quinze mois de prison avec sursis et trois ans d’inéligibilité pour abus de biens sociaux, prise illégale d’intérêts et non déclaration de ses salaires au sein de la SPL Réunion des musées régionaux à la Haute autorité de la transparence de la vie publique (HATVP). Il a fait appel.
Si ces voyages ne sont pas illégaux en eux-mêmes, ils posent la question d’un train de vie luxueux mené aux frais de la collectivité. « On n’est pas là pour faire de la morale, pour savoir si untel tient ses engagements ou pas. On est là pour savoir si le droit permet de faire telle chose ou pas » ! L’avocat de Didier Robert, Me Djalil Gangate, lors de l’audience le 22 avril dernier, semble avoir tout dit. Notons au passage qu’en cette période électorale, la pression s’intensifie et les différents camps sont sur le qui-vive, lancés dans la bataille à la pyramide inversée dont les scrutins se tiendront le 20 et le 27 juin prochain.
Jéromine Santo Gammaire avec F.C. (22/05/21)