[Lecture] Beyrouth-sur-Seine de Sabyl Ghoussoub

BEYROUTH-SUR-SEINE DE SABYL GHOUSSOUB

Prix Goncourt des lycéens 2022, après l’avoir lu, je comprends pourquoi…

Edité chez Stock, Beyrouth-sur-Seine est un roman dont plusieurs médias ont parlé. Le titre suffit à donner une idée du roman !

Interviewer ses parents, l’idée est déjà originale… Encore faut-il raconter tout cela ! Une saga familiale ? Sans aucun doute (les oncles, tantes, cousins, cousines, … y sont pour la plupart présents) ! Raconter le déracinement et la vie parisienne d’une famille libanaise ? Aucun doute non plus ! Raconter aussi l’histoire du Liban, … 

Ce roman, c’est un peu tout cela, et bien plus ! L’auteur y dévoile bien sûr sa vie et celle de sa famille, partie du Liban en guerre pour habiter temporairement Paris, et qui va finalement y faire sa vie…  Une mère qui ne rêve que de retourner au Pays, un père journaliste-écrivain-poète-traducteur, qui ne veut plus y retourner mais reste très attaché à ses origines. Et ce fils, né à Paris, mais qui se sent et se dit aussi profondément libanais : « Je suis né à Beyrouth dans une rue de Paris ». 

On pourrait être gêné par la présentation non chronologique des chapitres, mais le fait de les dater aide à se situer, et cela permet d’alterner des épisodes de vie parisienne, des épisodes strictement familiaux, des échanges familiaux (WhatsApp – courrier…) et bien entendu l’histoire de ce pays déchiré depuis des dizaines d’années par la guerre notamment entre chrétiens nationalistes et musulmans pro-palestiniens. 

Bien sûr, ce roman est à la fois un récit de vie et une fiction, d’ailleurs on peut parfois s’y perdre (il dit lui-même en interview : « mon livre est une auto-fiction ». Mais rien n’est laissé de côté, en particulier pas cette « guerre sale » qui finit par débarquer dans la capitale (attentats rue des Rosiers, rue de Rennes, …) et les tensions entre membres d’une même famille, d’un même village, qui sont tantôt bourreaux, tantôt victimes… A aucun moment l’auteur n’émet de jugement, car il n’y a aucune raison de tuer… 

Un livre de plus sans doute sur l’exil (Tant qu’il y aura des Cèdres de Pierre Jarawan traite exactement du même sujet), mais c’est original, sans concession, drôle, parfaitement documenté historiquement, diablement bien écrit, et bourré de séquences émouvantes. Un roman dont, quoi qu’on puisse dire, on ne sort pas totalement indemne…

Dominique Blumberger

Quelques passages qui m’ont particulièrement marqué : 

« Les avions n’arrivent plus à m’effrayer, pas plus que l’héroïsme ne réussit à m’animer. Je n’aime personne, je ne hais personne, je ne veux personne. Je ne sens rien, ni personne. Je suis sans passé ni avenir. Sans racines ni branches. Seul comme cet arbre abandonné sur un rivage ouvert au vent du large où se déchaîne la tempête ».

« En fait, le Liban, c’est mes parents. Je ne sais pas ce que représentera pour moi ce pays après la mort de mes parents. Quand je passe les voir dans leur appartement parisien, j’atterris au Liban… Dans leurs yeux, je vois ce pays. […] A chaque fois que le Liban est touché par un attentat, une explosion ou une guerre, j’ai l’impression que l’on vise mes parents, et ça, je ne le supporte plus ».

« La vie est un cadeau, il faut embrasser la vie. Comme l’amour. L’amour est une chose précieuse. L’amour, c’est des devoirs, mais aussi des droits. L’amour, c’est un package : vous donnez, vous prenez ».

A propos de l'auteur

Kozé libre

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