« RSA SOUS CONDITIONS »
Après la réforme des retraites, le ministère du Travail va embrayer rapidement vers la transformation de Pole Emploi en France Travail. Ou comment – entre autres – amener au « RSA sous conditions ».
Pendant sa campagne électorale, Emmanuel Macron avait proposé un dispositif pour conditionner le RSA à 15 à 20 heures de travaux d’intérêt général. L’expérimentation a débuté dans dix-huit départements dont La Réunion et on semble s’orienter plutôt vers un accompagnement vers l’insertion professionnelle.
Pour autant, les contours de ce dispositif dont la gestion est confiée à Pôle Emploi avant de devenir France Travail restent particulièrement flous. Les communes, les syndicats et beaucoup d’autres acteurs sont de cet avis. « Pour résumer, France Travail ressemble à un cauchemar technocratique et libéral qui prétend faire des miracles », explique sur son site internet la CGT .
« Parcours personnalisé et intensif »
Après avoir reçu début décembre 2022 la réponse suivante de la préfecture, nous avons bien sûr voulu avoir des précisions, comment le dispositif allait s’organiser, auprès de Pôle Emploi.
« Vous nous avez saisis au sujet du dispositif rénové d’accompagnement des allocataires du RSA, veuillez trouver, ci-dessous, nos éléments de réponse :
Dans le cadre du chantier « France Travail », La Réunion a été retenue afin d’expérimenter, d’abord dans un bassin d’emploi donné, un dispositif rénové d’accompagnement des allocataires du RSA. Parmi différentes mesures, la signature d’un contrat est prévu, qui permettra un parcours d’accompagnement personnalisé et intensif, par exemple sous la forme d’une immersion et d’une formation en entreprise, d’ateliers collectifs, d’activité citoyenne, d’un accompagnement à la création d’entreprise, d’une démarche sociale accompagnée ou bien une intégration dans un chantier d’insertion. Le dispositif sera coordonné par Pôle Emploi avec tous les partenaires des services publics de l’emploi. »
Après de nombreuses demandes, semaine après semaine, de demandes, de rappels et d’entretiens avec la direction, leur service communication finit par nous convier à une conférence de presse qui aura lieu à la fin du mois de mars. Pourtant le temps presse. L’expérimentation a démarré. Depuis une dizaine de jours, 2 000 personnes doivent en bénéficier, mais la communication déficiente n’a permis jusqu’à présent qu’à une poignée de personnes de s’inscrire.
« Pas se sentir obligés »
Un appel à projet a été lancé auprès des associations locales. La maison des associations de Saint-Benoît y a répondu et propose 55 places aux bénéficiaires du RSA dans son dispositif appelé Mon Parkour Eroïque. Il n’avait mercredi que 10 inscrits.
Pourtant le programme est alléchant. Jimmy Bègue, directeur de la Maison départementale des associations de Saint-Benoît, nous dresse le menu. Il s’adresse aux bénéficiaires du RSA (BRSA) ainsi qu’au public qui ne maîtrise pas totalement la langue française. « Le dispositif est prévu pour les BRSA mais, si une dame veut venir avec sa copine, nous nous devons d’accepter tout le monde même si nous le faisons à nos frais. Les publics visés doivent être volontaires, ne doivent pas se sentir obligés par une administration ou un service social. D’obliger au bénévolat, ce serait une fausse bonne idée, il faut que ce soit si on veut et quand on veut, sinon ça ne fonctionne pas », explique-t-il.
Après les retraites… France Travail
Il s’agit d’ateliers pour d’abord retrouver de la confiance en soi, on n’imagine pas la carence en la matière pour les personnes qui galèrent depuis si longtemps. On valorisera les compétences, comme par exemple celles d’une mère de famille qui sait forcément s’occuper des enfants, renforcera les savoirs en calcul, lecture et écriture, ira voir in situ comment fonctionne une entreprise, s’essayera à des pratiques artistiques pour développer la créativité qui sommeille en chacun de nous et, enfin, apprendra le fonctionnement des institutions et mieux connaître ses droits.
Un beau programme finalement. Ou un appât alléchant pour faire passer le « RSA sous conditions ». Sinon, pourquoi Pôle Emploi rechigne-t-il tant à en expliquer la teneur ? D’autant que les sommes en jeu sont considérables : 99 000 euros pour 55 bénéficiaires pendant sept mois, plus les autres structures associatives qui s’occuperont des 1 945 autres. Juste pour l’expérimentation. Et comment imaginer les sommes en jeu pour janvier 2024, quand le dispositif sera, d’après la communication de Pôle Emploi, étendu à tout le monde, c’est-à-dire aux 100 000 bénéficiaires du RSA localement ? Nous aurions bien voulu savoir si l’Etat avait débloqué ces financements (ça fait quand même 180 millions d’euros juste pour notre île) ? Peut-être le saurons-nous fin mars, à l’occasion de cette fameuse conférence de presse? Vous avez aimé la réforme des retraites, vous allez adorer France Travail, ça c’est déjà une certitude.
Philippe Nanpon