Le parc des volcans : projet de l’ancien monde

LIBRE EXPRESSION

La CDPENAF réunie le 26 juillet 2023 pour statuer sur le projet de parc d’attractions à Bourg-Murat a rendu son verdict. A la majorité absolue, elle a rendu un avis défavorable sur ce projet qui « artificialiserait un site naturel à forte valeur environnementale et paysagère ». Le maître d’ouvrage devra s’y conformer.

Parallèlement, suite à la demande du commissaire enquêteur, l’enquête publique a été prolongée jusqu’au 9 août. Cette demande est intervenue étant donné que l’avis de la CDPENAF ne serait rendu qu’après le 26 juillet tandis que l’enquête publique s’achevait le 25 juillet à minuit, privant les citoyens de s’exprimer sur cet avis. En date du 4 août, par voie de courrier électronique, les contributions d’avis favorable, souvent sans aucun argument, ont explosé depuis l’annonce de cette prolongation, vraisemblablement, des consignes auraient été données.

La CDPENAF a donc émis un avis défavorable d’aménager sur la Zone N, ce qui signifie concrètement, la disparition d’une serre géodésique, d’un parking de plus de 400 places, du guichet d’accueil, et d’une partie de la parcelle immersive. Ce n’est pas rien…Cette décision fait écho aux mobilisations citoyennes dont Domoun la Plaine (DLP) est le porte drapeau depuis le début, Attac Réunion est un soutien actif de DLP depuis septembre 2021, et désormais est officiellement adhérente en tant que personne morale.

Mais la plus grande parcelle classée en zone 1AUto, selon le PLU, « zone à urbaniser à vocation touristique » reste d’actualité, la CDPENAF n’a pas compétence sur cette parcelle.

Apparemment, la municipalité renonçant à la zone N, pourrait être autorisée à aménager le reste, l’avis préfectoral va être déterminant et attendu dans la première quinzaine de septembre.

Ce projet, même amputé, n’est pas entendable dans un contexte où les dérèglements climatiques s’accélèrent. L’été 2023 sera sans aucun doute un repère important : records de chaleur, notamment, en Sardaigne, Tunisie, Arizona, incendies en Grèce, en Turquie, en Italie, inondations dévastatrices en Chine.
De surcroît, nous venons de franchir le jour du dépassement qui est survenu le 2 août, ainsi, nous entamons la deuxième moitié de l’année, et l’humanité a d’ores et déjà consommé l’ensemble des ressources que la planète peut régénérer en un an.

Le système économique libéral actuel épuise les ressources naturelles, maltraite le vivant, animaux, insectes, plantes et menace les humains dont la survie dépend de la qualité de l’air, de l’eau, des terres agricoles nourricières et des espaces naturels. Le gouvernement parle beaucoup de sécurité des biens et des personnes, qu’en est-il de notre sécurité vitale ? Notre insularité devrait pousser nos décideurs politiques à accélérer et mettre en place une autosuffisance alimentaire aux regards des enjeux climatiques, un transport maritime ralenti ou entravé, quid de l’approvisionnement alimentaire pour notre île ? Notre insularité devrait impliquer nos décideurs politiques dans la préservation des espaces naturels, véritable réservoir de captage de gaz carbonique, la Plaine des Cafres comporte des zones humides de qualité exceptionnelle qui retiennent l’eau et préservent des inondations et offrent un biotope précieux à la faune et à la flore de cette zone. Elles seront impactées par une artificialisation des sols liée aux futures constructions, et les déchets laissés par les activités de pique-nique.

Dans une partie du dossier présenté par la municipalité pour aménager le parc de loisirs(pièce-jointe n°105-107 : Demande de dérogation à l’interdiction générale de défricher) nous pouvons lire la définition du défrichement : « une opération volontaire ayant pour effet de détruire l’état boisé d’un terrain et de mettre fin à sa destination forestière. Est également un défrichement toute opération volontaire entraînant indirectement et à terme les mêmes conséquences, sauf si elle est entreprise en application d’une servitude d’utilité publique. »

Voilà qui est clair « détruire l’état boisé d’un terrain et mettre fin à sa destination forestière ». Comment pourrait-on accepter cette déforestation pour un parc de loisirs dont aucune étude sérieuse n’a démontré le besoin ni même l’existence d’une demande forte de la population ou des touristes, alors qu’aujourd’hui tous les experts disent qu’il faut développer les zones forestières car elles luttent contre le changement climatique en raison de leur capacité à retirer le carbone de l’atmosphère et à le stocker, ce que l’on appelle l’atténuation forestière.

C’est le sens du vote des parlementaires européens du 12 juillet 2023. Le parlement européen a adopté une loi pour la restauration de la biodiversité en reboisant une partie des surfaces en friche, dans le but de lutter contre le réchauffement climatique. A La Réunion, la municipalité du Tampon demande une dérogation pour défricher, non pour reboiser, mais pour artificialiser les sols en construisant des installations d’un parc de loisirs.

Ce projet « de l’ancien monde » va à contre-courant de la législation actuelle, ce serait grave pour l’autorité environnementale d’autoriser un tel chantier de saccage environnemental. La réalisation d’un tel projet n’est-il pas en contradiction totale avec les objectifs affichés de lutte contre le changement climatique ?

Le projet amputé garde son aspect écocide car les aménagements qu’il prévoit, artificialiseront à outrance nos paysages uniques et reconnus par l’UNESCO. En outre, ils comportent, de l’avis même de l’Agence régionale de santé (ARS), des atteintes graves à la santé publique. Ce projet induira la modification significative du caractère rural de cette partie de la commune du Tampon et de ses paysages pastoraux. Les animaux des pâturages avoisinants seront eux-mêmes en souffrance en raison des bruits intrusifs causés par les toboggans, les usagers des pumptracks, les barbecues géants et leurs
fumées.

Cet espace naturel n’est pas qu’une parcelle relevant d’un PLU municipal, dans un contexte d’insularité et de crise climatique, il devient un espace vital de mieux-vivre ensemble, un bien commun qui appartient à toutes et tous, dont il convient de conserver l’intégrité à tout prix.

Ainsi, notre association Attac Réunion ne peut que s’opposer à cet accaparement de terres dont la vocation première serait le divertissement, projet aux antipodes des priorités de notre époque.

La vraie modernité aujourd’hui réside dans la reconnaissance de biens écologiquement vertueux dont il faut assurer la pérennité pour les générations futures.

Attac Réunion

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Kozé libre

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