L’intelligence artificielle s’impose à l’Est Républicain et Vosges Matin

LIBRE EXPRESSION

La direction voudrait utiliser la moulinette ChatGPT pour retraiter les textes des correspondants

L’intelligence artificielle (IA) est entrée pleinement dans notre quotidien. Et, après les résultats électoraux et l’alimentation des réseaux sociaux via l’application Echobox, se voit offrir une nouvelle étape du travail journalistique.

« Une opportunité majeure, une modernisation qu’il serait illusoire de mépriser, de nier », veut convaincre le directeur général de L’Est républicain et de Vosges matin, Christophe Mahieu. Ou un cheval de Troie qui surfe sur ce sempiternel et fallacieux refrain : « Nous allons alléger les secrétaires de rédaction (SR) des tâches chronophages »… pour toujours mieux poser les bases d’une autre IA malheureusement éprouvée : l’intelligence antisociale ? Doit-on ouvrir nos colonnes à ce robot conversationnel, « à cet outil digital qui doit nous aider à faciliter le travail de nos équipes, notamment le SR ». Voici la synthèse non artificielle des intentions de notre DG qui a invité les organisations syndicales de L’Est Républicain et Vosges Matin à un « temps d’échange sur l’IA ».

Echange ou passage en force ? Car Ebra, dans sa charte sur les principes éditoriaux, qui se soumet aux exigences de l’adhésion au dispositif de « certification des médias » créé par RSF au niveau international (Journalisme Trust Initiative), avait prémédité son coup en gravant dans le marbre que « la rédaction peut faire appel à des outils pour des contenus générés automatiquement. Dans ce cadre, il est porté clairement à la connaissance du public la nature de la production du contenu par une signature y faisant référence ».

Christophe Mahieu, tout en nuance, ne s’en cache d’ailleurs pas : « Cette initiative Est Républicain-Vosges atin (ERV) a la prétention de servir de phare. L’IA est là, elle existe, ce sont des outils incroyables. Il nous semble important, dans un périmètre défini, de pouvoir commencer à l’utiliser, la pratiquer… C’est le meilleur moyen de tester son impact. Mettre un pied dedans pour être prêt à agir le mieux possible ».

Mais avant, la direction veut inscrire ce point à l’ordre du jour du prochain CSE, pour une information-consultation des élus. On ne parle pas, en effet, de renouveler le parc de souris mais bien d’un projet d’entreprise (comme Mepi, Hermès par le passé) qui influera durablement sur nos organisations de travail. C’est ainsi que le conçoit le SNJ.

En résumé, ce sont (d’abord ?) les textes des correspondants, donc les pages de petites locales, que la direction et la rédaction en chef espèrent passer au filtre ChatGPT. En commençant par « tester la pertinence d’une utilisation massive à petite échelle, sur les départements de la Meurthe et Moselle et de la Meuse, et en production, pour après déterminer quel est le bon process » !

Et, si l’essai est concluant, « l’étendre, le déployer ». Il s’agit de « la récupération de contenus faits par des humains, sourcés. Rien ne sera publié sans une relecture humaine. Nous voulons donner les moyens aux éditeurs de s’appuyer sur la puissance de l’IA et leur permettre de se concentrer sur des missions à valeur ajoutée comme la hiérarchie de l’info, le choix de la photo, du titre, gestion des CLP ».

L’IA ne serait donc qu’une aide aux corrections orthographiques et grammaticales, une assistante capable de résumer, de recalibrer le lignage des articles de petites locales, de générer différents titres répondant notamment aux besoins du référencement… Plus qu’un Prolexis amélioré, en fait, un robot capable de retraiter, de réécrire un texte en fonction du « prompt » retenu.

« Le SR garde la liberté de déterminer si le résumé est bon ou pas, de le retoucher, de le régénérer, de choisir son propre titre… » En combien de clics ? « On a fait des dizaines de tests et c’est extrêmement efficace », certifie le rédacteur en chef, Sébastien Georges. « Et ça se fait en moins d’une minute. Ne pas utiliser cet outil-là parce qu’on a des préventions contre l’intelligence artificielle revient à dire que l’on a des préventions contre l’avenir ».

Le SNJ ne laissera pas les clés de l’information aux ordinateurs ! Les chartes relevant de la déontologie et de l’éthique journalistiques ne sont pas désuètes. Elles doivent s’imposer à l’IA, c’est non négociable ! Cela doit faire l’objet d’un consensus, d’un accord incluant des précautions d’emploi et des lignes blanches à ne pas franchir. Des utilisations à risque faible sur l’information délivrée au public, à risque modéré ou à proscrire. Et ce n’est pas à l’IA de rédiger ce texte…

Syndicat national des journalistes

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