LIBRE EXPRESSION
En cette veille de Fèt’ Kaf’, jour désigné par les institutions pour que soient organisées les commémorations de l’esclavage sur le département de La Réunion, jour que le territoire s’est approprié pour rendre hommage à ces racines india-océaniques et noires en particulier, il nous apparait insupportable de lire des chroniques rances attisant le fiel de la haine anti-noire dans la presse nationale.
Tout grand reporter et fierté de La Réunion qu’elle soit, Mme Hinterman ne peut à ce point ignorer la réalité contrastée de La Réunion. Ses origines indo-musulmanes et son parcours remarquable ne l’ont malheureusement pas prémunie de biais qu’il nous semble crucial de remettre en perspective.
Le petit laboratoire social réunionnais, pour reprendre ses termes, est né dans la violence. La violence d’hommes, arrivés sur l’île avec seulement 3 femmes en 1663, a donné naissance aux premiers natifs de La Réunion. 3 femmes malgaches ont été violées par un équipage d’hommes pour que les premiers « Réunionnais » voient le jour.
Cette violence s’est perpétuée et institutionnalisée au travers de l’esclavage, puis de l’engagisme. Elle se poursuit depuis la départementalisation jusqu’à ce jour empruntant des chemins tortueux et sinistres jusque dans l’esprit même des réunionnais, qu’ils soient noirs, blancs, jaunes, rouges.
Est-il nécessaire de revenir sur le ventre des femmes réunionnaises saccagés par des médecins payés par l’assurance maladie? De revenir sur les enfants du pays arrachés par l’aide sociale à leur famille pour être déportés en main d’œuvre gratuite dans la Creuse?
De revenir sur le bumidom ou encore aujourd’hui le CNARM, l’ADOM qui envoient nos forces vives, notre jeunesse se faire exploiter dans des jobs mal payés sur le continent faute de leur donner accès à l’emploi à La Réunion?
L’ histoire du »petit laboratoire de La Réunion » de Mme Hinterman est encore une perpétuation de cette violence. Non La Réunion n’est pas un petit laboratoire madame, c’est une grande nation. C’est une magnifique société réunionnaise, née dans la violence, nourrie par la discrimination, et grandie, sublimée, par sa résilience.
Cette résilience de nos gênes de l’océan Indien comme du continent, mélangés, mayés, pour faire de nous ce peuple accueillant malgré tant d’adversité et d’humiliation en permanence perpétrées.
Mme Hinterman, dont la crédibilité et la notoriété auraient dû la préserver, est elle même tombée dans le piège. Le piège de la division, qui depuis l’origine du peuplement est chausse-trapé sur le moindre grain de poussière que foule le pied réunionnais.
Oui Mme Hinterman, grand reporter, vous vous êtes rendue à St André pour constater la présence d’une communauté et répertorier les fissures, pour collecter les incivilités. Peut-être avez vous recouru aux services d’un fixeur comme tout grand journaliste se rendant en zone de guerre?
Que n’êtes vous allée vous embusquer sur notre côte ouest? C’est là, le théâtre d’une guerre aussi destructrice que celle menée par Poutine au Kosovo. Votre courage et votre pugnacité vous auraient permis d’y dénombrer la multitude de crimes impunis perpétrés contre les Réunionnais.
Vous auriez été frappée par l’appropriation implacable de nos plages, de nos pentes, de nos terres, de notre culture par une autre communauté qui dépossède les Réunionnais de leur foncier natal.
Cette communauté là est unie, dans un communautarisme qui n’est jamais suspect, contrairement aux autres. Cette communauté se reconnait et se protège dans une auto-défense systématique de ses seuls intérêts. La similitude des traits que vous partagez avec elle vous empêche peut être tout analyse critique et objective.
Oui des yeux clairs parfois et la peau blanche toujours, l’origine hexagonale indéniable de ces privilégiés forment la nuée invasive qui nuit bien plus massivement et profondément au bien vivre ensemble réunionnais, et ceux qui traînent leurs savates et leur camionnette comme autant de verrues sur le littoral de St Leu, ou se pavanent en voiture de luxe, ou dans des épaves polluantes ramenées sans payer l’octroi de mer bien sûr dans le cadre d’un déménagement, quand nous payons le moindre morceau de plastique sur roue 2,5 fois plus cher qu’en hexagone.
Ce sont les mêmes, les mêmes qui nous aliènent notre île, et détruisent notre bien vivre ensemble en attirant notre regard sur les peaux sombres, les sombres pauvres de la zone, pour éviter que l’on constate à quel point ils (les migrants de l’hémisphère Nord) nous dépossèdent de notre patrimoine, à quel point ils nous exproprient de notre foncier ombilical.
Leur arrivée à eux est bien plus massive que celle d’une poignée de Sri Lankais ou de quelques milliers de Comoriens. Leur arrivée à eux perpétue la colonisation par d’autres moyens quand les Comoriens et les Sri Lankais ont, eux, bien plus apporté à notre réunionnaisité au fil des peuplements tandis que ces gens là n’ont apporté que violence, destruction et humiliation, domination par des moyens détournés: la langue, la monnaie, l’économie, la loi et leurs normes, la soi disant civilisation du « développement » qui n’est qu’enveloppement et consumérisme, leurs armes de notre destruction massive.
Respect, amour et solidarité, à tous les peuples de l’Océan Indien, aux Malgaches, aux Comoriens, au Sri Lankais, au Mahorais qui nous enrichissent de leur culture, là où la France nous appauvrit de son assistanat perfide et fratricide et non émancipateur.
Ti somin gran somin
Chaque contribution publiée sur le média nous semble répondre aux critères élémentaires de respect des personnes et des communautés. Elle reflète l’opinion de son ou ses signataires, pas forcément celle du comité de lecture de Parallèle Sud.