Olivier Fontaine tête de liste FDSEA à l'élection de la Chambre d'agriculture.

La FDSEA veut mettre l’administration au service de tous les agriculteurs

3/3 PAROLES D’AGRICULTEURS

Olivier Fontaine (FDSEA) défend le modèle agricole réunionnais qu’il qualifie de raisonné et familial et salue les filières organisées. Il en appelle à son évolution pour aider l’installation des jeunes agriculteurs.

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Après Jean-Michel Moutama de la CGPER (Confédération générale des planteurs et éleveurs de La Réunion), et Magaly Onésio, Dominique Clain et Florent Picard pour l’UPNA (Unis pour nos agriculteurs), c’est au tour d’Olivier Fontaine, pour la FDSEA (Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles), de prendre la parole. Son syndicat a géré la chambre d’agriculture ces dernières années. 

Représentent-ils tous les agriculteurs réunionnais ? En tout cas, il n’y a pas meilleur moment que celui de l’élection des membres de la chambre d’agriculture (du 15 au 31 janvier), pour que les agriculteurs puissent faire entendre leurs voix. Nous sommes donc allés à la rencontre de chacune des trois listes candidates (FDSEA, CGPER et UPNA) pour connaître leur vision de l’agriculture et leurs combats pour vivre dignement de leur métier.

En trois interviews les candidats à l’élection des membres de la chambre, donnent leur vision d’agriculteurs sur ces questions qui intéressent tout le monde mais dont ils sont les premiers acteurs : l’aménagement du territoire, la monoculture de la canne, l’autonomie alimentaire, la pollution des nappes phréatiques…

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Olivier Fontaine défend le modèle réunionnais mais appelle à son évolution

Comment vont les agriculteurs ?

L’agriculteur est en grande difficulté. À cause du climat d’abord car on a eu le cyclone Belal puis la sécheresse. Au niveau économique, une augmentation des charges fulgurantes met à mal la trésorerie des exploitations qui ont du mal à retrouver des revenus. En plus il y a de plus en plus de règles qui s’imposent et rendent l’agriculteur coupable avant d’être jugé.

Année catastrophique pour la canne, pas terrible pour le letchi, est-ce une conséquence du réchauffement climatique ? Comment l’agriculture réunionnaise doit-elle se transformer pour faire face au dérèglement climatique ?

Les anciens confirment sur le terrain l’impact du bouleversement. Il faut apprendre à stocker l’eau, multiplier les initiatives de retenues collinaires, utiliser des techniques nouvelles. La chambre d’agriculture doit accompagner les agriculteurs à une meilleure gestion de l’eau.

Quel est selon vous l’avenir de la canne, pilier de l’agriculture réunionnaise ?

La canne a toujours tenu un rôle central pour l’agriculture. Il faut continuer à en produire parce qu’elle a de nombreux atouts, pour la production de sucre, pour l’énergie, pour la préservation des sols, pour les enjeux climatiques aussi. Il faut garder cette filière qui est source de diversification pour la souveraineté alimentaire en fruits et légumes. Elle est aussi utile à l’élevage qui a besoin de surface d’épandage pour ses effluents. Il faut être cohérent pour donner aux agriculteurs la capacité de produire à travers les problématiques des intrants sur les traitements phytosanitaires. 

Quelles photos pour la FDSEA ?

Olivier Fontaine a choisi les 5 photos suivantes pour illustrer son propos

Il faut accompagner l’installation des jeunes alors que 50% des agriculteurs ont plus de 53 ans

La Réunion pourra-t-elle un jour atteindre son objectif d’autonomie alimentaire, et comment ?

On ne pourra pas nourrir la population de La Réunion avec des incantations. Lorsqu’on dépend des importations, les prix flambent et les consommateurs n’ont pas accès à une bonne alimentation parce que ce qui est produit à l’extérieur ne respecte aucune norme. On a l’objectif de tendre vers l’autonomie et la sécurité alimentaire. Les agriculteurs et agricultrices veulent produire de la qualité. Il faut accompagner l’installation des jeunes alors que 50% des agriculteurs ont plus de 53 ans. C’est à la chambre d’agriculture de les accompagner économiquement, administrativement et écologiquement. 

Avec un passé marqué par l’esclavage, puis le colonat, comment l’agriculteur réunionnais peut-il affirmer son épanouissement économique et son indépendance vis à vis des grosses structures ?

Déjà, l’agriculteur doit trouver sa place dans la société. Il est au centre de l’alimentation de La Réunion. On a choisi ce métier pour nourrir la population et être présent sur le territoire. La chambre d’agriculture est là pour faire passer le message à l’administration et aux collectivités. 

Lors du contentieux à Evollys, l’Urcoopa et ses méthodes ont été fortement critiquées. Pensez vous que le système coopératif, qui s’est développé à La Réunion, soit dévoyé au profit des plus gros contre les petits ?

Je pense que tout le monde a sa place à La Réunion. De manière générale, on a de très petites exploitations. On a créé le système coopératif pour mutualiser les moyens. Et c’est une bonne chose. Mais il faut que ces outils soient vraiment accessibles et c’est le cas. Il faut saluer les agriculteurs qui ont créé ces outils, les ateliers et les filières de commercialisation. Maintenant il faut peut-être réorganiser parce que l’agriculture de 2025 n’est pas celle de 2005 et ne sera pas la même dans dix ans. 

C’est vrai qu’on trouve des traces de pollution mais elles sont souvent très loin des seuils critiques.

Souvent les petits agriculteurs, notamment en « bio », se plaignent de ne pas être accompagnés pour obtenir les subventions comme le sont les adhérents des coopératives ?

C’est le rôle de la chambre d’accompagner tout le monde. C’est dans notre programme d’apporter des solutions à tout le monde et d’être en proximité avec les agriculteurs.

Comment protéger les terres agricoles face à l’urbanisation, face à l’appétit des lotisseurs et des investisseurs du tourisme ?

Nous sommes sur un très petit territoire avec seulement 42 000 ha de SAU (surface agricole utilisée) et beaucoup de terres en friches qu’il faut récupérer. Il faut sanctuariser le foncier agricole. Il y a suffisamment d’espaces urbanisables et urbanisés pour poursuivre le développement économique et la construction de logements. 

Des forages ont dû être abandonnés à cause des pollutions aux pesticides et herbicides, le Cirad a relevé dans le Sud que la pollution des eaux était chronique… Comment expliquer alors que monde agricole continue à plaider pour l’utilisation de produits chimiques ?

On utilise les produits chimique de façon raisonnée. On doit trouver des méthodes de lutte alternatives contre les mauvaises herbes et les insectes ravageurs qui arrivent de plus en plus sur notre territoire. En attendant il faut bien continuer à produire. C’est vrai qu’on trouve des traces de produits mais elles sont souvent très loin des seuils critiques. En tout cas, on tient compte des alertes en participant régulièrement à des réunions sur le sujet.

Les premières victimes ne sont-ils pas les agriculteurs qui peuvent être atteints de maladies professionnelles ?

On a énormément de formations pour mieux se protéger. Les agriculteurs sont professionnalisés et ne font pas n’importe quoi. On limite les dangers. 

Sur les marchés forains et dans les grandes surfaces, on a des prix inférieurs par rapport à la métropole

L’élevage, notamment industriel, est l’une des causes du réchauffement climatique, comment rendre ce secteur plus vertueux ?

Nos élevages sont à taille humaine, comparés à la Chine où ils ont construit une porcherie de 21 étages avec un million de cochons. Avec nos standards d’élevages porcins autour de 32 truies, on est très loin des élevages industriels. Nos produits sont de qualité. Il faut alerter les consommateurs en leur disant : Attention, n’importons pas ce que l’on ne veut pas produire chez nous. Ce sont des produits qui ne respectent aucune norme, avec des prix de dégagement, et qui nous font une concurrence totalement déloyale.

Comment l’agriculture réunionnaise pourra être un jour capable de nourrir la population avec des produits sains, bios, et à un prix abordable ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Sur les marchés forains et dans les grandes surfaces, on a des prix inférieurs par rapport à la métropole. Le kilo de tomates en métropole c’est 3 à 4 euros. Ici on est souvent autour de 2 euros, voire moins. On sait que le consommateur doit pouvoir acheter mais il faut aussi que l’agriculteur puisse vivre de son métier.

Qu’attendez-vous des pouvoirs publics pour protéger la production locale ?

On attend la future loi agricole. Nous avons fait énormément de propositions pour la simplification administrative, pour répondre aux enjeux climatiques, pour le renouvellement des générations avec l’installation des jeunes et des solutions pour les départs à la retraite. En tout cas, c’est le rôle de la chambre d’agriculture d’être force de proposition, pour que l’administration soit au service des agriculteurs et pas pour que l’agriculteur doive s’adapter à l’administration.

Pourquoi voter FDSEA plutôt que CGPER ou UPNA ?

Je porte la liste FDSEA-JA  (Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles et Jeunes Agriculteurs) où je suis engagé depuis 2001. J’étais dans l’ancienne mandature en tant que secrétaire général. Je suis motivé avec une équipe solide, jeune, dynamique et qui a envie de porter les dossiers de La Réunion demain.

Entretien : Franck Cellier

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A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.

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