La Croix Rouge remplit la cuve du bidonville de Passamainty.

A Mayotte après le cyclone, Solidarités International et la Croix-Rouge amènent l’eau aux populations isolées

Mayotte traverse une crise de l’eau sans précédent, aggravée par des sécheresses récurrentes et, plus récemment, par le passage du cyclone Chido. Dans les quartiers précaires, où l’accès à l’eau potable est quasi inexistant, le risque sanitaire grandit avec un risque de  résurgence de maladies comme le choléra. Face à cette urgence, Solidarités International et la Croix Rouge déploient une réponse immédiate : le water trucking, une solution d’urgence pour potabiliser et distribuer de l’eau aux populations les plus vulnérables.

Une crise de l’eau qui perdure

Depuis plusieurs années, Mayotte fait face à une crise hydrique sans précédent. L’île, qui dépend à 95 % des précipitations pour son approvisionnement en eau, subit de plein fouet l’intensification des sécheresses. A l’heure actuelle, les deux réserves collinaires de Dzoumogné et Combani ne sont remplies qu’à 45% et 30% de leurs capacités totales malgré les récentes fortes pluies. 

En 2024, un record a été atteint avec seulement 765,94 mm de précipitations (entre 1931 et 2023, elles étaient en moyenne de 1309,40 mm par an). Pour tenter de faire face à cette crise de l’eau, les autorités ont instauré, dès 2023, des restrictions drastiques, imposant des « tours d’eau » qui limitent l’accès au robinet à certains jours de la semaine. En parallèle, des distributions d’eau en bouteille, à raison d’un litre par jour et par personne, ont été mises en place et qui continuent depuis le passage du cyclone. Mais ces mesures restent insuffisantes face aux besoins quotidiens de la population, en particulier des publics précaires vivant dans les bidonvilles et les « zones blanches », ces territoires où l’accès à l’eau potable est inexistant.

Des difficultés accentuées par Chido

À cette crise est venue s’ajouter une dégradation brutale de la situation avec le passage du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi. S’il est difficile à ce jour de quantifier l’impact environnemental de ces phénomènes, il est clair que les difficultés liées à la crise préexistante de l’eau ont été accentuées. Dans un contexte où les sécheresses avaient déjà fragilisé l’approvisionnement, ces événements ont accentué les pénuries, aggravant les tensions autour de l’accès à l’eau potable et augmentant le risque sanitaire.

Le Water trucking, une réponse à l’urgence

Face à cette situation critique, Solidarités International et la Croix-Rouge française ont mis sur pied une mission d’urgence sur l’île, en s’appuyant sur une solution éprouvée dans les contextes de crises humanitaires : le water trucking. Cette approche consiste à potabiliser l’eau à partir de sources non potables, puis à la distribuer aux populations les plus vulnérables. À Mayotte, la mission a été rendue possible grâce au concours de la fondation Veolia qui a fourni le matériel de potabilisation. Le dispositif repose sur une équipe dédiée à la production d’eau potable et une autre chargée de sa distribution. A l’heure actuelle, les équipes sont en capacité de fournir près de 3 à 4 m³ d’eau sur chacun des deux spots. Une quantité insuffisante au regard des besoins journaliers pour les populations locales mais qui permet de répondre à l’urgence de la situation. Pour Nisrina*, habitante du bidonville de Passamainty où est distribuée l’eau, « l’eau qui est amenée ne suffit pas pour tous les usages donc pour la vaisselle ou la lessive on récupère toujours l’eau de pluie ». 

L’objectif n’est pas de fournir une eau parfaitement pure, mais surtout de réduire les risques sanitaires liés à la consommation d’eau insalubre, dans un contexte où la menace de maladies dues à l’ingestion d’eau impropre est bien réelle avec une épidémie de choléra, aujourd’hui terminée selon l’ARS, qui a touché Mayotte en 2024.

Dans les quartiers informels, où les habitants dépendent souvent de captages d’eau individuels et non contrôlés, Solidarités International s’efforce également de sécuriser ces points d’eau grâce à un processus de chloration. L’enjeu est double : garantir un accès minimal à l’eau potable et convaincre les populations locales de partager ces ressources, souvent considérées comme privées, pour le bénéfice de toute la communauté. 

Distribution d’eau et de nourriture organisée par le CCAS de Chirongui auprès des personnes âgées dans le village de Malamani en janvier 2025.
Distribution d’eau et de nourriture organisée par le CCAS de Chirongui auprès des personnes âgées dans le village de Malamani en janvier 2025. Olivier Ceccaldi/ Agence 43mm
Dans le bidonville de Mtsapéré, la rivière est presque à sec et le peu d’eau qu’il reste a été contaminé par les branches et déchets amenés par le cyclone.
Dans le bidonville de Mtsapéré, la rivière est presque à sec et le peu d’eau qu’il reste a été contaminé par les branches et déchets amenés par le cyclone. Olivier Ceccaldi/ Agence 43mm
L’eau rendue potable est stockée dans cette poche en attendant d’être transportée sur les lieux de distribution. Les niveaux de chlore sont ajustés pour faire face aux pertes durant les opérations de transport et de transfert.
L’eau rendue potable est stockée dans cette poche en attendant d’être transportée sur les lieux de distribution. Les niveaux de chlore sont ajustés pour faire face aux pertes durant les opérations de transport et de transfert.
Olivier Ceccaldi/ Agence 43mm
Le dispositif de potabilisation de l’eau a été fourni par la fondation Veolia. L’eau de la rivière arrive en premier dans les membranes (Tube blanc à gauche) qui vont arrêter les particules en suspension, bactéries et virus. Le filtre à charbon (en bleu à droite) permet ensuite de rendre l’eau claire, sans goût et sans odeur.
Le dispositif de potabilisation de l’eau a été fourni par la fondation Veolia. L’eau de la rivière arrive en premier dans les membranes (Tube blanc à gauche) qui vont arrêter les particules en suspension, bactéries et virus. Le filtre à charbon (en bleu à droite) permet ensuite de rendre l’eau claire, sans goût et sans odeur. Olivier Ceccaldi/ Agence 43mm
Pompe installée au niveau de la rivière de Passamainty pour amener l’eau vers la station de filtrage.
Pompe installée au niveau de la rivière de Passamainty pour amener l’eau vers la station de filtrage. Olivier Ceccaldi/ Agence 43mm
Les habitants du bidonville viennent remplir leurs bidons avec l’eau potable ramenée par la Croix Rouge. Les premiers sont arrivés tôt le matin plusieurs heures avant l’arrivée du camion.
Les habitants du bidonville viennent remplir leurs bidons avec l’eau potable ramenée par la Croix Rouge. Les premiers sont arrivés tôt le matin plusieurs heures avant l’arrivée du camion. Olivier Ceccaldi/ Agence 43mm
Nisrina, habitante du bidonville de Passamainty a attendu que la pluie arrive pour pouvoir faire sa lessive. Il est rare qu’elle récupère de l’eau à la cuve car lorsqu’elle arrive, elle est souvent vide.
Nisrina, habitante du bidonville de Passamainty a attendu que la pluie arrive pour pouvoir faire sa lessive. Il est rare qu’elle récupère de l’eau à la cuve car lorsqu’elle arrive, elle est souvent vide.
Olivier Ceccaldi/ Agence 43mm
Dans le bidonville de Passamainty, les habitants continuent de récupérer l’eau de pluie dans des bassines et des seaux.
Dans le bidonville de Passamainty, les habitants continuent de récupérer l’eau de pluie dans des bassines et des seaux. Olivier Ceccaldi/ Agence 43mm
La cuve de 1m3 installée par Solidarités International est rempli trois à quatre fois par jour ce qui permet à des centaines de personnes d'avoir accès à l'eau potable quotidiennement.
La cuve de1m³ installée par Solidarités International est rempli trois à quatre fois par jour ce qui permet à des centaines de personnes d’avoir accès à l’eau potable quotidiennement. Olivier Ceccaldi/ Agence 43mm
Les habitants du bidonville viennent remplir leurs bidons avec l’eau potable ramenée par la Croix Rouge.
Les habitants du bidonville viennent remplir leurs bidons avec l’eau potable ramenée par la Croix Rouge. Olivier Ceccaldi/ Agence 43mm
Les équipes de la Croix-rouge française forment les équipes locales avec pour ambition de permettre une continuité de la mission même après le départ des équipes d’urgence.
Les équipes de la Croix-rouge française forment les équipes locales avec pour ambition de permettre une continuité de la mission même après le départ des équipes d’urgence. Olivier Ceccaldi/ Agence 43mm

Vers une mission plus durable 

Au-delà de la réponse immédiate, la mission water trucking s’inscrit dans une volonté de réponse plus longue à une crise de l’eau toujours d’actualité . « Pérenne n’est pas forcément le terme le plus approprié de par la connotation très urgentiste d’un tel système. Mais il y a effectivement une volonté de prolonger le déploiement de la solution de par un contexte toujours très tendu où l’on repart notamment en crise de l’eau », explique Cédric Berthod de Solidarités International.

La Croix-Rouge française et la fondation Veolia, partenaires du projet, travaillent à la formation d’équipes locales afin d’assurer la continuité du dispositif. Dans un département où les crises hydriques risquent de s’intensifier sous l’effet du changement climatique, la mise en place de solutions durables est une nécessité absolue. L’adoption du plan eau Mayotte par le gouvernement pour la période 2024-2027 va dans ce sens et prévoit notamment la création d’une nouvelle retenue collinaire ainsi qu’une deuxième usine de dessalement à Ironi Bé pour 2025. 

Olivier Ceccaldi (article & photos)

*Prénom modifié

Ajouter un commentaire

⚠︎ Cet espace d'échange mis à disposition de nos lectrices et lecteurs ne reflète pas l'avis du média mais ceux des commentateurs. Les commentaires doivent être respectueux des individus et de la loi. Tout commentaire ne respectant pas ceux-ci ne sera pas publié. Consultez nos conditions générales d'utilisation. Vous souhaitez signaler un commentaire abusif, cliquez ici.

Articles suggérés