Épinglé par la Chambre régionale des comptes pour sa gestion financière défaillante, le cyclotron de La Réunion veut rassurer la population quant à sa capacité à accompagner les dépistages de cancer. Ces dépistages sont en effet de plus en plus précis. Leur nombre a doublé et ils vont également concerner nos voisins mauriciens.
Derrière des chiffres, il y a une activité, des hommes et des femmes, des médecins, des milliers de patients atteints par un cancer… Aussi lorsque la Chambre régionale des comptes a étrillé la gestion du Groupe d’intérêt public Cyclotron Réunion océan Indien (Cyroi) pour les défaillances de son organisation financière et comptable, son rapport-flash a aussi terni la réputation technique du seul accélérateur de particules de l’océan Indien…
Et ce n’était pas mérité ! C’est en tout cas ce que veulent dire Christian Meriau, le directeur de la structure créée en 2004 et son chef des opérations Kevin Gille. Il nous ont invité à visiter ce mystérieux équipement afin de souligner sa fiabilité. Selon eux, le dépistage du cancer à La Réunion n’est pas fragilisé ; au contraire, il se renforce depuis ces trois dernières années.
Un cyclotron, donc, c’est une grosse machine qui accélère des particules comme les protons dans le but de créer un produit radioactif, le fluor 18. Ce marqueur, combiné à des molécules de glucose, est ensuite injecté dans le corps d’un patient et va s’accumuler au niveau des tumeurs cancéreuses gourmandes en glucose.
Grâce à la radioactivité du fluor 18, la caméra TEP (tomographie par émission de positons), située au Centre hospitalier universitaire de Bellepierre, illumine littéralement les tumeurs en 3 dimensions. Bref, c’est le moyen de dépistage le plus précoce et le plus précis qui soit.
10 ans avant la Guadeloupe
Et, grâce à son cyclotron, La Réunion en est dotée depuis le 18 avril 2008 à une époque où les cyclotrons étaient encore rares en France. C’est un outil indispensable dans la lutte contre le cancer car le fluor 18 s’éteint en quelques heures. Il doit donc être produit à proximité des caméras TEP.
Christian Meriau fait d’ailleurs remarquer que la Guadeloupe a mis son cyclotron en oeuvre 10 ans après celui de Saint-Denis, alors que la menace cancéreuse y est bien plus présente à cause du scandale du chlordécone. Le CYROI n’a cessé d’évoluer en obtenant un statut d’Etablissement Pharmaceutique auprès de l’Agence Nationale de la Sécurité du médicament (ANSM).
Chaque jour, dès 1h00 du matin, l’équipe est mobilisée pour produire une cinquantaine de doses de traceur radioactif : procéder au « tir » du cyclotron, marquer le glucose, vérifier la stérilité et la composition des doses, conditionner le radiotraceur dans des pots en tungstène et les expédier à l’hôpital à 7h00 du matin. Sachant que chaque dose correspond au profil particulier d’un patient qui sera « scanné » dans les 8 heures suivant la production.
Le cyclotron a certes connu une panne de vingt jours en novembre et décembre dernier. La faute à des micro-coupures électriques imputables à la fragilité du réseau EDF mais pas aux défaillances financières relevées par la CRC. « Il convient de noter que le taux de panne du CYROI est identique au niveau des sites métropolitains, remarque Christian Meriau. Il s’agit d’installations techniques complexes, dont le fonctionnement doit répondre strictement à des impératifs radiopharmaceutiques, mais aussi nucléaire, une partie étant classée en niveau A en terme de risques pour les personnels. »
Un scan TEP deux fois plus rapide
Pour prévenir de nouvelles pannes, le CYROI a acheté pour 100 000 € de pièces de rechange afin de ne pas subir des délais de plusieurs semaines de livraison. Il va produire des radiotraceurs sur sa deuxième ligne qui était jusqu’alors dédiée à la recherche afin d’assurer la continuité de production en cas de défaillance de la première ligne. Et il va installer un onduleur pour pallier les faiblesses du réseau EDF.
Il s’agit surtout de confirmer la montée en puissance des dépistages par TEP de ces deux dernières années, depuis que le service de médecine nucléaire de Bellepierre s’est équipé d’une nouvelle caméra dite « grand champ ». Les scans complets, de la tête aux pieds, sont réalisés en seulement 10 minutes au lieu de 20. La capacité de prise en charge de patients a ainsi été doublée.
« On est passé de 4 900 examens en 2023 à 6 100 en 2024, explique le directeur du CYROI. Ce chiffre devrait passer à 7 000 en 2025. A titre d’information, au cours du 1e trimestre 2025, ce sont 1 808 examens qui ont été déjà réalisés, dépassant ainsi le chiffre contractuel avec le CHU qui est de 1 750 doses par trimestre. »
Le cyclotron-Réunion ne peut se permettre aucune défaillance. Déjà pour assurer l’activité de dépistage à La Réunion. Mais aussi pour soutenir le dépistage des cancers à l’île Maurice qui se lance dans la nouvelle technologie des caméras TEP. Les premières doses seront expédiées dans les jours à venir à titre expérimental mais l’exploitation régulière pourrait être rapide tant le cancer est une cause nationale dans l’île Sœur.
Franck Cellier
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