Le changement climatique menace gravement les arbres indigènes et endémiques

L’Office national des forêts a publié mi-avril une nouvelle étude sur les arbres indigènes et endémiques les plus vulnérables au changement climatique sur l’île de La Réunion. Parmi les chiffres à retenir, près de 40 % des 112 espèces indigènes, dont 49 endémiques, identifiées à La Réunion, sont menacées d’extinction. Julien Triolo, co-auteur de l’étude, tire la sonnette d’alarme.

L’objet de cette étude part d’un constat : la température augmente et le climat se dérègle. Julien Triolo, responsable du pôle écologie à l’ONF Réunion, et Léa Marie, chargée de mission botanique, se sont penchés sur l’impact de ce dérèglement climatique sur les espèces d’arbres indigènes et endémiques de La Réunion, et en ont sorti un rapport détaillé.

Selon les données du GIEC et les scénarios du projet BRIO sur l’évolution du climat à La Réunion, l’île enregistrera une augmentation de température située entre +1 °C et +3,5 °C d’ici à 2100, contre +5 °C à l’échelle mondiale. Si ce réchauffement est moins rapide que sur le reste du globe, c’est en partie grâce au rôle que joue l’océan pour tempérer la chaleur. Pourtant, les conséquences de cette hausse seront majeures. C’est aussi le point de départ de la réflexion de Julien Triolo : « On sait qu’à La Réunion, on a énormément de microclimats avec une végétation spécifique pour chacun d’eux. Il y a un lien très étroit entre le climat et les plantes, les arbres, etc. Donc, si la température globale augmente, je me suis demandé quels impacts cela aurait sur les espèces, et particulièrement sur les espèces inféodées à un type de climat en particulier. »

Modéliser le climat pour anticiper le risque

Pour étudier ce lien, Julien Triolo et Léa Marie ont croisé le jeu de données des espèces (60 000 individus d’arbres identifiés issus du SINP) avec les observations faites sur leurs exigences climatiques (précipitations et températures), ce qui a donné lieu à des groupes écologiques. Pour bien comprendre comment pourraient évoluer ces espèces des différents groupes écologiques d’ici à 2070, les enveloppes climatiques de chaque groupe ont été modélisées, grâce aux données du GIEC, de Météo-France, de CHELSA et de WorldClim. Un classement des espèces les plus menacées a finalement été établi, tandis que Julien Triolo explique à quel point « ce sont surtout les espèces inféodées aux zones humides (forêts tropicales humides des bas et forêts de montagne) qui vont pâtir de ce dérèglement climatique. » En tête du classement des espèces les plus menacées par le changement climatique, on retrouve le Bois blanc ( Hernandia mascarenensis ) et le Bois de pomme blanc (Syzygium borbonicum).

Bois blanc, Crédit photo: Etude ONF
Bois blanc, crédit photo: ONF
Bois de pomme blanc, Crédit photo: Étude ONF

Disparition des disséminateurs, disparition des arbres

Par ailleurs, est admis à la fin de l’étude, la nécessaire action de l’Homme pour assurer la survie de certaines espèces d’arbres endémiques ayant perdu leur capacité de se disperser naturellement dans les zones qui leur seront climatiquement favorables. Si ces espèces n’arrivent plus à se disperser, c’est qu’elles ont perdu leurs disséminateurs, comme les oiseaux. Leurs graines tombent à terre et y restent. Les espèces d’arbres à gros fruits, par exemple, n’ont plus aucun disséminateur, explique Julien Triolo : « Le bois de senteur blanc, par exemple, si on ne le replante pas, il meurt. Aujourd’hui, il en reste 6 individus, et pourtant, c’est une des espèces les plus résistantes à la sécheresse. »

Julien Triolo, Crédit photo: Département de la Réunion

Risque incendies, parasites, espèces envahissantes, et maintenant : dérèglement climatique

Si la sécheresse pose tant problème, c’est qu’elle constitue une pression supplémentaire à toutes celles qui existent déjà pour les espèces d’arbres endémiques et indigènes de La Réunion. Car d’ores et déjà, les espèces de plantes et d’arbres doivent se battre contre les espèces envahissantes, les parasites, ou encore les risques d’incendie. Le tamarin des Hauts, par exemple, en paye les frais, attaqué par un petit insecte ravageur, le psylle. Si les arbres ont naturellement des organismes très résistants, ils ne peuvent lutter efficacement contre toutes les attaques extérieures s’ils sont affaiblis par de gros épisodes de sécheresse et de chaleur.

La pertinence d’une gestion coordonnée

Ce que préconise l’étude, c’est donc d’agir, mais d’agir ensemble, et non en silo. Julien Triolo soutient : « Pour protéger nos forêts, il n’y a pas de suivi organisé comme c’est fait dans le milieu agricole. Quand les cochenilles ont attaqué les arbres fruitiers, par exemple, tous les acteurs du monde agricole ont ensemble essayé de savoir de quelles cochenilles il s’agissait pour lutter efficacement contre le problème. Le souci avec la forêt, c’est qu’elle ne rapporte pas d’argent directement, donc c’est difficile d’attirer l’attention et d’avoir des moyens pour travailler et protéger ce patrimoine. »

L’ONF a d’ores et déjà lancé un dispositif de suivi du dépérissement dans la forêt d’Étang-Salé. Avec un dispositif de placettes, les agents effectuent une évaluation sanitaire de toutes les essences d’arbres (chute des feuilles et branches, étude de la ramification, etc.). Par ailleurs, en parallèle, l’idée soutenue par l’étude serait aussi de renforcer la concertation de tous les acteurs du territoire pour préparer l’adaptation de la filière forestière, partager les connaissances scientifiques et organiser la gestion de crises pour sauvegarder ces forêts naturelles réunionnaises, véritable patrimoine réparti sur un quart du territoire.

Etude complète parue en avril 2025

Sarah Cortier

A propos de l'auteur

Sarah Cortier | Journaliste

Issue d’une formation de sciences politiques appliquées à la transition écologique et persuadée que le journalisme est un moyen de créer de nouveaux récits, Sarah a rejoint l'équipe de Parallèle Sud. Elle souhaite participer à ce travail journalistique engagé, et apporter de nouveaux regards sur le monde.

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