COMMÉMORATION AU JARDIN DU LUXEMBOURG
Ce mardi 10 mai, se tenait la « Journée des mémoires et de réflexion sur la traite, l’esclavage et leurs abolitions ». La quasi-totalité du gouvernement français, le président de la République, le président du Sénat et de nombreux parlementaires, ont participé à une cérémonie de commémoration au Jardin du Luxembourg, dans le sixième arrondissement de la capitale.
La cérémonie d’hommage s’est ouverte et a été conclue au son du maloya. La Réunionnaise Christine Salem a interprété à deux reprises un chant de cette musique traditionnelle de son île. Interdit et réprimé jusque dans les années 80, c’était le chant des esclaves. Cette fois, pour l’écouter et rendre hommage aux figures de la lutte pour la liberté, le président de la République Emmanuel Macron a fait le déplacement, entouré de son gouvernement presque au complet : pas moins d’une vingtaine de ministres étaient présents dans la tribune officielle ainsi que de très nombreux élus, députés et sénateurs.
La journée nationale du 10 mai a été instaurée par la loi mémorielle de Christiane Taubira, adoptée en mai 2001 : il s’agissait autant de rappeler que l’esclavage et la traite ont constitué un crime contre l’humanité que d’instituer un jour national de mémoire et de recueillement. Cette année, entre le scrutin présidentiel et les élections législatives, le calendrier mémoriel a percuté l’agenda politique. Le score très élevé de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, il y a deux semaines à peine, est dans toutes les têtes.
Le sénateur de Guyane, Georges Patient, est venu à cette cérémonie pour faire passer un message : « Travailler sur la mémoire collective, sur nos identités, est important parce que voir Marine Le Pen faire un tel score dans l’Outre-mer prouve que nous n’avons pas assez travaillé sur cette histoire commune, déplore-t-il. Je ne juge pas, je ne suis pas en colère, mais je suis venu pour rappeler à beaucoup de nos compatriotes ce qu’est notre histoire, ce qu’est l’esclavage et les énormités que profère le Rassemblement national et les Le Pen en particulier. »
« Une demande de respect »
Ce positionnement de non-jugement et d’écoute de la colère qui couve dans les territoires français marqués par l’esclavage est partagé par la grande majorité des responsables politiques participant à cette cérémonie de commémoration. Jean-Marc Ayrault, ancien premier ministre de François Hollande, est l’actuel président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, l’un des organisateurs de cette journée nationale du 10 mai. Pour lui, « les société antillaises et réunionnaises, les sociétés marquées par l’esclavage, sont encore traversées par cette mémoire douloureuse. L’aspiration au respect, à la reconnaissance, à la justice, s’exprime sous différentes formes, y compris sous forme de cri, y compris électoral. Il faut l’entendre, il faut entendre cet appel à la République parce que si on ne l’écoute pas, si on ne met pas en œuvre concrètement la devise de la République, on risque de laisser une distance s’installer. »
Emmanuel Macron n’a pas pris la parole. Avec les membres du gouvernement et les élus présents, ils ont écouté des extraits de textes relatifs à cette période douloureuse, lus par des écoliers. Parmi les textes lus, le roman d’André Schwarz-Bart, « La mulâtresse Solitude ». Cette figure romanesque et historique de la lutte pour la liberté est à l’honneur cette année : elle a été exécutée il y 220 ans. Une statue la représentant en héroïne de la liberté a été dévoilée dans le 17è arrondissement de Paris.
Hommage aux figures de la lutte pour la liberté, transmission de cette histoire à la jeunesse : voilà les angles de communication de l’exécutif, au beau milieu de ce carrefour politique et électoral.
C’est aussi là qu’il faut chercher les raisons de la discrétion relative du président réélu et du fait qu’il n’a pas fait de discours : alors que ce gouvernement vit ses dernières heures puisqu’il devrait être démissionnaire d’ici la fin de la semaine, le pouvoir ne voulait pas donner l’image d’une récupération politicienne.
Julien Sartre