Le Coruskan : un film puissant et d’une grande poésie

Le Coruskan, film de Fred Eyriey dont Parallèle Sud avait suivi le tournage en janvier 2024, a été projeté en avant-première ce jeudi 2 octobre au Ciné Grand Sud.

Synopsis

Gito est un homme heureux. Il vit en plein cœur de Cilaos, au milieu de ses champs de lentille et de sa vigne dont il tire les meilleurs rendements de tout le cirque. À la mort de son père, il découvre qu’il va devoir gérer l’héritage de plusieurs hectares de terrain, créant des jalousies dans un milieu où la terre est rare. Profondément amoureux de son métier, il surprend et inquiète tout le village en évoquant l’idée de donner des terrains aux paysans qui accepterait de se mettre à la culture bio, telle qu’il la pratique depuis toujours avec son père. Sa démarche, à contre-courant, est mal comprise. Dans le même temps, le lien très fort qui le relie à ses deux amis d’enfance, Hilaire et Ann, va être mis à mal par la naissance d’un triangle amoureux, pas toujours bien vécu dans ce petit village des hauts de l’île. Gito est-il vraiment un homme heureux ?

Un lien organique entre le lieu et ses habitants

Le film de Fred Eyriey est puissant et d’une très grande poésie. Il parvient à montrer et faire entendre les pulsations anciennes et profondes du cirque et de ses habitants reliés à la terre et aux remparts de manière organique. Il parle d’amour, de désir de retour « au paradis de l’enfance » et de l’appel des sirènes de la modernité, de la réussite et de l’ailleurs. Une île dans l’île, où  les morts ne le sont pas vraiment. Où lucioles, falaises, vignes et ciel étoilé respirent et murmurent.  « Le sirk i koz », comme l’a dit Jean-Laurent Faubourg. Cilaos est traité dans le film comme le prolongement des personnages, à moins que ce ne soit l’inverse ? Gito, imposant de silence comme une montagne, Hilaire, cyclone en quête d’une étoile, et entre les deux, Ann, l’eau des ravines qui murmure, gronde et chante…

Il faut saluer la grande justesse et la richesse du jeu des acteurs, la profondeur des personnages. La langue est savoureuse, les images somptueuses. La musique et les chants d’Ann O’aro sont comme le souffle du vent. Le silence est majestueux, attentif, et habité : le rythme du film est celui d’une lente respiration. Le récit liane autour d’un objet discret, le coruskan, un galet rond qui tient dans la main et sur lequel est collé un petit miroir qui réfléchit la lumière du soleil : jeu d’enfant ? C’est surtout un signal transmis de génération en génération, il ramène à des temps anciens où il fallait se cacher pour survivre…

Patricia de Bollivier

Contribution bénévole

projection cinéma du film Coruskan
L’équipe du film a été applaudie à la fin de la projection.
1678 vues

A propos de l'auteur

Patricia De Bollivier

Reporter citoyenne. Patricia de Bollivier est critique d’art et commissaire d’exposition indépendante. Elle a dirigé l’Ecole Supérieure d’Art de La Réunion entre 2014 et 2021, après avoir assuré la coordination technique du projet de centre d’art de la Ville de Saint-Pierre et la gestion et la valorisation de la collection d’art contemporain de la Ville de Saint-Pierre. Elle a enseigné la théorie des arts à l’ESA Réunion, l’Université de La Réunion et l’ENSAM-Antenne de La Réunion et assuré la direction de projets artistiques (résidences, commissariats d’exposition, éditions). Docteure de l’EHESS en sciences de l’art, sa spécialisation et ses domaines de recherche portent sur la création visuelle à La Réunion et la création en situation post-coloniale.

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