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(À l’attention des candidats aux législatives) La spécificité

LIBRE EXPRESSION

J’entends ici, dans cette île de plus en plus intense, des candidats aux législatives parler de spécificités (au pluriel), mais il en est une sinon La, essentielle, qui est perdue de vue : LA RÉUNION EST UN TERRITOIRE-NATION. 

Une telle définition, véritable défi au principe de non-contradiction, se présente comme un scandale logique. En effet, selon la logique classique, on ne peut pas affirmer qu’une chose est A et non A en même temps. Ici, selon la logique aristotélicienne La Réunion ne peut être un territoire et une nation (c’est-à-dire un non-territoire) à la fois. 

Une clarification des termes s’impose ici. Le champ sémantique de « Territoire » est relativement étendu. C’est au sens utilisé dans la sphère administrative (zone administrative placée sous l’autorité d’une Région, collectivité territoriale) que renvoie la définition supra. 

Quant au mot « nation » rapporté à La Réunion, ce n’est pas le sens d’« Etat-nation » qui est convoqué. Comme chacun le sait, le concept d’Etat-nation fait se rencontrer une notion d’ordre identitaire (des individus qui se considèrent liés entre eux) et une notion d’ordre juridique (l’Etat en tant qu’organisation politique). S’agissant de La Réunion, c’est évidemment l’acception identitaire (sans tomber dans l’identitarisme) qui est pertinente. Mais la juxtaposition des deux termes dans le syntagme TERRITOIRE-NATION convoque aussi le sens juridique du deuxième mot. S’installe donc une contradiction entre « territoire-nation » avec un « n » minuscule et « Nation » (Etat-nation).

Cette contradiction pourrait expliquer pourquoi les politiques de développement de notre île manquent souvent leur but. Il suffit de citer tous les records négatifs que nous enregistrons ici (chômage, illettrisme, alcoolisme…), litanie bien apprise par nos politiciens, qu’ils déploient de manière incantatoire à chaque prise de parole, ou presque.

Ces derniers ne parviennent pas à penser LA RÉUNION comme un TERRITOIRE-NATION, c’est-à-dire à l’envisager comme une partie et un tout à la fois (d’autres diraient « en même temps »). 

il faut sortir de la logique habituelle pour penser différemment et examiner chaque problème en ayant à l’esprit que l’île est un territoire d’un ensemble plus vaste ET qu’elle constitue une forme de nation d’un point de vue socio -culturo-historique

Une telle manière de penser, il faut l’avouer, ne va pas de soi. Il faut éviter, en effet, deux écueils majeurs : il ne faut pas que la partie se prenne pour un grand Tout, en oubliant son inclusion dans l’Hexagone (on sait ce qu’il est advenu de la Grenouille qui voulait se prendre pour un Bœuf), ni que le grand Tout oublie que la partie est un tout.

Dans la définition proposée, c’est le trait d’union (trait de Ré-union) qui est essentiel, et c’est cet élément qui, à mon sens, est le plus souvent négligé par nos gouvernants.

Jean-Louis Robert

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