production de riz

[Agriculture] Le riz, une culture profitable

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

Plus d’oignons rouges à La Réunion ! Et si le riz subissait le même sort ? La question de l’autonomie alimentaire n’est pas qu’une lubie. Il est vital d’y penser et de s’y préparer. On ne parle pas d’autarcie totale, mais de s’assurer qu’une totale pénurie n’arrive pas. Explications avec Frédéric Amany, militant pour la sécurité alimentaire de l’île.

frédéric amany
Frédéric Amany prône une production de riz en filière de luxe pour assurer un stock de semence suffisant, au cas où…

« Le prix du riz va augmenter. Aujourd’hui, on mange le riz récolté fin 2022 début 2023, et l’Inde, premier exportateur mondial avec 40% des exportations mondiales, n’exporte plus », explique Frédéric Amany, militant pour la sécurité alimentaire. « Ça n’a pas d’impact pour l’instant, mais c’est le même schéma que ce qui se passe avec l’oignon et Madagascar », poursuit-il, ajoutant que le marché réunionnais, avec ses 800 000 habitants, passe au second plan pour les exportateurs. 

Alors, va-t-on devoir manger autre chose, va-t-on devoir se passer du riz avec le cari ?

En tout cas, on va le payer plus cher. Mais pourrait-on produire sur place notre consommation alors que 40 à 50 000 tonnes sont importées chaque année? La réponse est oui, mais il faudrait le prévoir. « On a un problème de semences. Il n’y en a pas suffisamment et il est interdit, pour des raisons sanitaires, d’en importer. Jusqu’ici, la production est anecdotique. Il faudrait au moins arriver à une production de niche, comme pour la lentille de Cilaos, pour avoir de quoi planter les 16 000 hectares nécessaires à la consommation locale », poursuit le technicien agricole. 16 000 hectares qui seraient mobilisés quatre mois dans l’année, le temps d’un cycle d’été, les huit autres mois pourraient voir pousser des bringelles ou des pastèques par exemple.  Et ce sans même toucher à la production de canne. 

  • semence production riz agriculture Roland Turpin Président de l'association Riziculteurs Péi 974.
  • semence production riz agriculture Roland Turpin Président de l'association Riziculteurs Péi 974.
  • semence production riz agriculture Roland Turpin Président de l'association Riziculteurs Péi 974.

« Il faut 16 000 hectares pour produire de quoi satisfaire le marché local », indique Frédéric Amany.  « Il faut surtout convaincre les agriculteurs que cette culture est rentable. » Et même très rentable. D’abord, c’est possible. L’île a produit jusqu’à 1 200 T au début du XVIIIe siècle, 50 T dans les années 80 et seulement 3 T aujourd’hui. Il y a quarante ans, le riz local était en concurrence avec les importations. On a augmenté ces dernières, vendues à un prix évidemment très inférieur, la production locale a été tuée. Tout comme celle des oignons  qui est montée jusqu’à 8 000 T (entre 2015 et 2018) avant d’être concurrencée par les importations et descendre à 500 T. 

La variété cultivée à La Réunion, le dourado, pousse très bien quelle que soit l’altitude et la région, en été en tout cas. Elle n’a pas besoin d’être inondée (technique de désherbage) et, si un filet est nécessaire pour la protéger de l’appétit des oiseaux (cardinal, travailleur à bec rouge, bélier), « ailleurs on s’en passe » remarque Frédéric Amany qui préconise un plan de lutte contre ces volatiles granivores qui sont des espèces exotiques. 

Pour autant, le riz bio coûte sept euros par hectare à produire (seulement trois avec désherbage chimique) et en rapporte douze. On peut produire en une seule récolte trois tonnes par hectare. Douze euros, un tarif acceptable pour un produit de qualité, consommé exceptionnellement. « Comme pour la lentille ; quand on va à Cilaos on en rapporte un kilo. Ce modèle de filière de luxe – un riz meilleur parce que frais – permet d’entretenir un fonds de semence qui permettrait de faire face à une production à grande échelle », calcule le militant, pour qui il s’agit d’une première étape de sécurité alimentaire. 

production riz agriculture Roland Turpin Président de l'association Riziculteurs Péi 974.
Le riz pousse partout dans l’île.

Et de calculer: le filet coûte 25 €/ha, il est financé à 50% et sert à d’autres cultures pour éviter la mouche des fruits. Ça s’amortit sur dix ans. Soit 6 000 €/ha et par an quand la culture en rapporterait 15 000 € au bas mot. Bien plus profitable que la tomate de plein champ (en temps normal), l’aubergine ou la pastèque, qui utilisent le même filet. « Si les agriculteurs savaient que le riz se vend 12 €/kg et que la plantation est mécanisée, il y aurait plus de monde », souligne Frédéric Amany. 

Philippe Nanpon

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.