intelligence artificielle

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Chat GPT : l’anniversaire d’une catastrophe annoncée

LIBRE EXPRESSION – 30 novembre 2022, Sam Altman patron de OpenAI présente officiellement chat GPT. La mise en ligne de l’Intelligence Artificielle Générative plonge l’humanité dans une nouvelle ère. Peu de gens mesurent l’ampleur de la révolution en cours. Cette date marque un changement dans l’histoire de l’humanité comme elle n’en a jamais connu, un bouleversement anthropologique majeur.

Aucune technologie ne s’est imposée à nous de manière aussi soudaine, aussi massive, aussi profonde. Et jamais nous n’avons accueilli une technologie avec autant d’exaltation et d’espoir. 

Dès le début du siècle, nous avons tous plongé avec bonheur et confiance dans le grand bain numérique et continuons à nous réjouir de l’envahissement d’innovations connectées. Pourtant toutes les études, toute la littérature scientifique va dans le même sens. Notre rapport au numérique n’est plus normal, avec des conséquences désastreuses et même dangereuses. Partie de l’invention d’outils puissants (Google) et connectant (FB, applis de rencontres, etc), la démarche était révolutionnaire.  Mais très vite l’enthousiasme et l’espérance ont fait place à l’asservissement et l’abrutissement.

Ils devaient nous offrir plus de liberté. Ils nous emprisonnent. 

IIs devaient nous faire économiser du temps. Ils sont chronophages comme aucune autre activité.

Ils devaient nous rassurer. Ils sont anxiogènes et nous rendent malheureux.

Ils devaient nous rapprocher, ils nous éloignent, nous isolent. 

Ils devaient nous « augmenter ». Ils nous figent, atrophient nos capacités cognitives et physiques. 

Ils devaient être écologiques, ils nous détournent de notre environnement naturel, pillent nos ressources et polluent.

Nous n’avons pas fait d’internet le royaume du partage, du savoir et de la solidarité qu’il aurait pu être. Comme une tumeur dans le tissu de la société, il ronge les liens qui nous unissent pour les remplacer par de la fibre optique et des ondes WI-FI. L’avènement des Intelligences artificielles n’est que le prolongement logique de l’ère numérique, avec les mêmes conséquences néfastes, mais largement démultiplié.

Nous entrons dans l’ère des avatars. Ils sont partout autour de nous, sur nos écrans, dans nos écouteurs, nos objets connectés. Ils sont nos assistants personnels, nos conseillers, notre mémoire, nos confidents, nos amis ou même nos âmes sœurs.

Ils choisissent les contenus et les produits que nous consommons, orientent nos décisions, planifient notre temps, trient les informations qui nous parviennent, suscitent et même anticipent nos désirs. Ils répondent à toutes nos questions, tous nos désirs. Ils promettent un monde rapide, efficace, sûr, prévisible, confortable, sans effort.

D’un point de vue cognitif, en confiant nos choix, nos raisonnements, et même nos émotions à des systèmes automatisés, nous appauvrissons nos propres capacités. Le recourt systématique et régulier à l’intelligence artificielle modifie en profondeur notre fonctionnement cérébral. Dans une enquête publiée  en avril 2025 par le centre Imagining the Digital Future, 61% des experts interrogés estiment que l’utilisation massive d’IA modifie directement notre manière de penser, de comprendre le monde et de raisonner. Ce bouleversement n’est pas superficiel : il concerne notre “système d’exploitation natif”, selon les termes du rapport, c’est-à-dire nos capacités de réflexion autonome et de jugement personnel. Quand l’effort intellectuel devient accessoire, notre cerveau ne trouve plus matière à se câbler, se structurer, se renforcer. Au contraire, il s’atrophie. 

Peu à peu nous abandonnons notre imagination et notre créativité, notre jugement et d’autres aptitudes essentielles déléguées aux machines. Nous devenons de plus en plus dépendants de la technologie. À terme, notre renoncement cognitif risque de réduire des capacités que l’humanité a mis des siècles à développer.

Une étude menée par Microsoft et Carnegie Mellon vas dans le même sens. Même à court terme, les IA génératives altèrent le raisonnement critique. Leur facilité d’usage freine la réflexion, décourage l’analyse et bloque l’envie de résoudre des problèmes. Cette perte d’engagement, si elle se prolonge, nuit à notre rapport au savoir. Elle réduit aussi notre aptitude à gérer l’inattendu, à nous adapter, trouver nos propres solutions…

Une étude  au sein du Massachusset Institut of Technologie (MIT) chroniquée dans le magazine américaine Time, le 17 juin 25, révèle des résultats tout aussi inquiétants. L’IA prend en charge les efforts cognitifs à court terme, mais affaiblit durablement la mémoire, la pensée critique et la créativité. Selon les chercheurs, cette dépendance aux suggestions algorithmiques entraîne un appauvrissement progressif de l’autonomie intellectuelle.

Au-delà des capacités cognitives, se sont nos émotions, nos relations interpersonnelles et nos compétences sociales qui sont profondément impactées par l’utilisation quotidienne des « assistants » ou « agents » AI. 

Ces outils capables de nous orienter, nous conseiller, nous enseigner, réserver un restaurant, faire des achats, négocier un contrat, résoudre un conflit… sans aucune intervention humaine, érodent notre implication dans les échanges sociaux les plus fondamentaux.

ChatGPT, Mistral, Gemini, Google assistant… sont tous d’une politesse, d’une patiente, d’une disponibilité, d’une réactivité, d’une précision, d’une pédagogie, d’une « empathie »… quasi parfaite… et donc parfaitement inhumaine. Nous habituer à cette forme de relation parasociale nous « déshabitue » des relations humaines, avec leurs « défauts », les conflits, les maladresses, les frustrations, les émotions… 

Cela nous prive de l’apprentissage relationnel fondé sur l’altérité, la patience ou la compassion.

Nous développons des liens presque affectifs avec nos Chatbots et nos assistants virtuels. Certains en tombent même amoureux !  Parallèlement, nous devenons vis-à-vis de nos congénères de plus en plus exigeants, intolérants, méfiants… ou pire, indifférents.

Les mondes virtuels créés par ou à l’aide des IA génératives nous immergent dans une pseudo réalité ou le vrai et le faux se mêlent sans cesse, dans un univers de fantasme généralisé, de manipulation et de mensonge continu. Le vivre ensemble dans un monde de méfiance, de soupçon et d’incertitude permanente devient impossible.  

Quant aux conséquences écologiques de l’utilisation massive d’IA, elles sont connues, mesurées et documentées. Des conséquences néfastes ignorées ou peu prises en compte. L’exploitation de minerais et de matériaux rares et la consommation d’énergie pour optimiser et faire fonctionner data centers et algorithmes complexes nécessaires aux IA explosent. 

L’impact environnemental est désastreux, source de pollution, de destruction de l’environnement, une gabegie d’énergie et de matériaux.

Dans une tribune au « Monde », une vingtaine d’organisations, parmi lesquelles la Ligue des droits de l’homme et les Scientifiques en rébellion, estiment qu’il faut résister au déploiement massif de l’IA, au nom des droits humains, sociaux et environnementaux. « L’intelligence artificielle accélère le désastre écologique, renforce les injustices et aggrave la concentration des pouvoirs »

Il ne s’agit pas de s’opposer au progrès, mais bien de s’en servir pour le bien et l’intérêt de tous.  

L’intelligence artificielle doit être un formidable outil au service de l’astrophysique ou de la physique quantique, de la médecine et de la biologie, de toutes les sciences et scientifiques qui augmentent nos connaissances et contribuent aux progrès humains, à notre humilité face aux mystères de l’univers et de la vie.

Mais l’intelligence artificielle à la disposition de tout un chacun, partout, tout le temps, l’intelligence artificielle qui s’immisce dans chaque décision du quotidien, dans nos choix, nos projets, nos vies familiales, professionnelles, sociales, affectives… Cette intelligence artificielle là est nocive. Elle n’est pas et ne sera jamais à notre service. Elle est aux services d’une toute petite minorité de concepteurs, développeurs, financiers, marchands d’illusions et manipulateurs de masse. Ou pire, elle sera un jour à son propre service.   

Depuis un quart de siècle, que retirons nous de l’expérience d’internet pour tous, partout et tout le temps ? La généralisation de son utilisation est-elle une réussite ? Chacun d’entre nous, sa connexion internet entre les mains, se sent-il plus intelligent, plus libre, plus heureux ???

D’innombrables études, témoignages et publications montrent le contraire. Le monde connecté, les écrans, partout, tout le temps, ne tiennent pas leurs promesses. Pas plus que ne le fera l’Intelligence Artificielle. Elle ne résoudra pas nos problèmes, ne nous augmentera pas, ne nous rendra pas plus heureux. C’est même tout le contraire qui se profile, à qui veut le voir. 

En aucun il ne s’agit de fatalité, d’avancées incontournables, d’obligation… Encore moins de complot. Il s’agit de décisions, de choix de société, de programmes politiques, économiques… Et lorsque nos choix sont mauvais, nos décisions malheureuses, il faut savoir le reconnaitre. Faire marche arrière n’est pas synonyme de régression, mais plutôt de raison, de conscience, d’intelligence, Humaine celle-là. 

Steyer Gauthier

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