[Chronique dans le noir] Impossible d’avoir un chien guide à La Réunion

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A La Réunion, il est quasiment impossible quand on est non-voyant ou mal-voyant de se faire accompagner d’un chien guide. Jean-Philippe Sevagamy, reporter citoyen non-voyant, a rencontré Aurélie, instructrice dans l’utilisation de la canne électronique. C’est l’outil privilégié sur l’île à la place des chiens guides. Elle travaille pour l’association l’Ecole de chiens guides d’Angers et explique l’accompagnement qu’offrent les chiens aux non-voyants.

Le chien guide est un animal qui a été éduqué spécialement pour guider des personnes déficientes visuelles. Son éducation dure en moyenne deux ans et s’effectue au sein d’une école affiliée à la fédération des chiens guides.

Le chien est capable de comprendre une cinquantaine d’ordres et peut ainsi répondre aux demandes de son maître, telle que trouver un passage piéton, un arrêt de bus…

Il permet aussi à la personne déficiente visuelle d’avoir un déplacement fluide, car il va lui permettre d’éviter les obstacles et lui signaler les dénivellations éventuelles.

Cependant, le chien guide n’est pas magique ! La personne reste actrice de son déplacement et c’est elle qui indique au chien les directions. Le chien guide n’est pas un GPS. De même, concernant les traversées, la personne analyse son carrefour et décide du moment de traverser. Le chien n’est pas en mesure d’analyser la circulation des véhicules.

Ainsi, il est indispensable avant d’acquérir un chien guide d’être autonome dans ses déplacements. Des évaluations en locomotion ont lieu avant tout stage chien guide et si besoin une remise à niveau est effectuée.

Voici ci-dessous un texte de présentation des bienfaits apportés par un chien guide d’aveugles. On peut retrouver ces informations sur le site de l’association Les chiens guides d’aveugles de l’ouest basée à Angers :

  • Notre association a pour but d’étudier, de développer et d’apporter toutes les solutions de nature à aider, dans sa vie personnelle, familiale, professionnelle et sociale, chaque personne atteinte d’un handicap visuel, inné ou progressif, quelle qu’en soit la gravité. Plus d’autonomie, de confort et de sécurité dans ses déplacements, c’est aussi plus de liberté pour une personne déficiente visuelle pour mener à bien les actes de la vie-courante.

L’itinéraire d’un chien guide :

  1. Le maternage consiste à améliorer le potentiel de chaque chiot. Ce programme leur procure le maximum de stimulations : olfactives, tactiles, visuelles, auditives ainsi que le travail de locomotion au travers de parcours. Dès l’âge de 10 jours, au moment où leurs sens se développent, nous initions également la confiance des chiots envers l’Homme.
  2. Sevré à 2 mois. Nous les préparons en vue de faciliter leur arrivée en famille d’accueil et ce, dès leur naissance. Ainsi, lorsqu’ils quittent la Maison du Chiot pour rejoindre leur famille d’accueil, ils sont propres, dorment à leur place, se laissent approcher, manipuler et ne craignent ni les hommes, ni les autres animaux.
  3. De 2 à 14 mois. Il acquiert, au sein de cette famille, toutes les habitudes d’obéissance et de “savoir vivre” d’un bon chien de compagnie (marche en laisse, propreté, rappel…). Il est suivi par les éducateurs en charge de la pré-éducation, afin d’installer un programme de travail simple avec la famille d’accueil. Pendant cet apprentissage, la famille favorise sa socialisation en lui faisant découvrir différents environnements auxquels il sera confronté tout au long de sa vie de chien guide (centres commerciaux, marchés, campagne, transports…).
  4. De 14 à 20 mois. Le chien passe la semaine à l’École, où il est pris en charge par un éducateur spécialisé et le week-end dans sa famille d’accueil. À ce stade, le chien a acquis un degré de maturité suffisant pour assimiler les directives de l’éducateur. L’éducation porte sur l’obéissance, l’évitement des obstacles (y compris ceux en hauteur), les traversées de rues, les trottoirs et les routes de campagne, les passages protégés, les ronds-points, les portes, les escaliers, l’usage des transports en commun…
  5. C’est entre 20 et 24 mois, que le chien guide est confié à son nouveau maître, une fois son certificat d’aptitude au guidage obtenu. Un stage de deux semaines est consacré à l’apprentissage commun, sous l’égide de l’éducateur : la première semaine à l’École, en terrain connu par le chien, et la deuxième semaine au domicile de la personne déficiente visuelle où le chien s’adapte à sa nouvelle famille et à son nouvel environnement. L’équipe se soude progressivement au cours des mois suivants et bénéficie du suivi régulier de l’éducateur.
  6. A la mise à la retraite, en général quand le chien atteint ses 10 ans, l’Association veille à ce que le chien garde des conditions de vie favorables (disponibilité des maîtres, lieu de vie adapté, promenades…). Certains chiens resteront chez leur maître déficient visuel, mais tous n’en ont pas la capacité (en temps ou en espace). Il sera alors adopté, le plus souvent par la famille de la personne déficiente visuelle, placé dans des familles répondant aux critères d’adoption, ou parfois même dans sa famille d’accueil d’origine.

Et enfin, voici les étapes pour recevoir un chien guide :

  1. Faire connaissance. Prise de contact de la personne ou d’un tiers concerné par la demande de chien guide (conjoint, ami…) puis envoi d’un protocole définissant la procédure d’attribution et d’un dossier médical (ophtalmologique et ORL).
  2. Se rencontrer. La première rencontre s’effectue au domicile de la personne candidate pour évaluer ses attentes et l’aider à remplir son dossier de candidature comprenant les renseignements familiaux et administratifs.
  3. Faire l’essai. Le candidat est hébergé à l’École pendant une journée et demie pour s’entretenir avec des professionnels de l’Association et découvrir le déplacement avec un chien guide ou une canne électronique selon la demande.
  4. L’attribution. Après concertation d’équipe dédiée, l’Association communiquera sa réponse au candidat dans un délai de quinze jours. Sa demande sera acceptée ou ajournée si son autonomie nécessite un stage en locomotion ou un stage de connaissance canine. Elle peut éventuellement être refusée au profit de solutions mieux adaptées à la personne et à ses attentes.
  5. La remise. Un premier essai est réalisé avec le chien pressenti, au domicile de la personne déficiente visuelle. S’il est concluant, le planning de la remise est envisagé. Le stage de remise du chien guide se déroule en cours particuliers, pendant une semaine à l’École (hébergement en pension complète au Centre), suivi d’une semaine au domicile du futur maître, afin de personnaliser les déplacements “en situation réelle”.
  6. Le suivi de l’équipe « maitre-chien guide ». Une visite est effectuée par l’éducateur du chien guide au bout de 2 mois, puis 6 mois après la remise, date à laquelle le contrat définitif de mise à disposition du chien est signé. Puis, c’est l’éducateur responsable du suivi des équipes qui prend en charge les visites à domicile à intervalles programmés (tous les 2 ans environ). Le maître de chien guide s’engage à donner, au moins une fois par an, des nouvelles de la santé de son chien et de l’évolution de leur équipe.

Sur l’île de la Réunion, nous n’avons malheureusement pas de chien guide, alors que le terrain de type campagne ou même en ville s’y prête tout à fait.

Le premier problème rencontré est que nous avons de nombreux chiens errants sur les chemins. Ils peuvent être agressifs, se regrouper en meute et attaquer. Le chien guide n’est pas éduqué pour se défendre. On lui apprend au contraire à ne pas s’intéresser à ses congénères lorsqu’il travaille de manière à rester concentré sur sa tâche.

Le second problème est que la population Réunionnaise n’est pas habituée à autoriser des animaux à entrer dans des lieux publics ou dans les transports en commun.

Le chien a ici le statut de gardien de la maison, il reste donc dehors. De même, rappelons que pendant l’esclavage, les marrons étaient pourchassés par les chiens. Il demeure encore dans l’inconscient collectif une peur de cet animal.

Espérons que nous parviendrons à sensibiliser le grand public et à rendre le chien guide accessible sur notre belle île, où il aurait toute sa place.

Aurélie, instructrice de locomotion en canne électronique à La Réunion

Association de l’Ecole de chiens guides de l’ouest

Moi aussi j’ai pu bénéficier d’un chien guide en 2001, il s’appelait Oural comme le Mont Oural.

Oural était avant tout un jeune berger allemand de 18 mois qui m’a été remis par l’association Orgah de Saint-Paul. Je venais tout juste d’emménager rue Monthyon à Saint-Denis avec ma femme et mon fils qui à cette époque avait 3 ans. J’avais fait la demande comme je ne connaissais pas les rues de Saint-Denis. Autonome dans mes déplacements avec ma canne blanche, du jour au lendemain j’ai voulu un chien guide pour pouvoir être plus performant sur mes trajets.

C’est ainsi qu’on me présenta Oural qui ma foi est resté avec moi pendant 8 mois vu que mon fils présentait une importante allergie aux poils de mon animal. Une expérience inoubliable, remplie d’émotion, de sensations que j’ai plaisir d’évoquer avec vous lecteurs, lectrices de Parallèle Sud.

L’association a duré 4 ou 5 ans avant d’être dissoute. Il n’y a pas assez de demandes, il n’y avait pas assez de non-voyants à La Réunion.

Aujourd’hui, comme on ne peut pas avoir de chien guide, on peut le remplacer par une canne électronique. Il s’agit d’un boitier qui se met sur la canne, qui coûte 2 500 euros, c’est beaucoup moins cher qu’un chien guide qui coûte lui 25 000 euros.

Quand on a besoin d’un chien guide, il faut le chercher à Angers. L’association s’occupe de la canne blanche, la canne électronique et les chiens guides. Mais il faut faire la formation là-bas, payer l’hébergement, le billet d’avion. Ici, on ne paye rien pour les cannes électroniques, c’est sponsorisé par les écoles de chiens guides et par les dons.

Deux mal et non-voyants à La Réunion possèdent des chiens guides. Les races les plus adaptées sont les labrador et les golden.

Bonne lecture à tous.

Jean-Philippe Sevagamy

A propos de l'auteur

Jean-Philippe Sevagamy | Reporter citoyen

Jean-Philippe Sévagamy est non-voyant et membre actif de l'Association Valentin Haüy. Il surmonte son handicap en portant de multiples projets au profit des déficients visuels (DV). Il raconte comment « vivre dans le noir » pour les lecteurs de Parallèle Sud.