Chronique dans le noir

[Chronique dans le noir] Du centre de la Ressource à l’école Ephata de Madagascar

TÉMOIGNAGE DE SOEUR MARIE-JACQUELINE DE LA CONGRÉGATION DES SOEURS DE MARIE IMMACULÉE DANS L’ENSEIGNEMENT FRATERNEL

Amour et passion. Huit religieuses accompagnées de sœur Marie Jacqueline en mission sur notre île, se sont dévouées corps et âme au service des jeunes déficients visuels et auditifs de la Ressource. Elles leur ont transmis diverses méthodes pédagogiques adaptées pour un meilleurs suivi de leurs études. Soeur Marie-Jacqueline évoque aujourd’hui le jumelage avec l’école Ephata de Fianarantsoa à Madagascar.

Doyennes et représentantes de l’établissement depuis plus de 68 ans de carrière, les Soeurs de la Ressource ont toujours été présentes pour leurs petits frères et sœurs.

Sans leurs enseignements beaucoup d’entre nous déficients visuels et auditifs aujourd’hui seraient complètement perdus.

Reporter non-voyant de Parallèle Sud, je salue le courage, l’engagement et le travail réalisé par l’ensemble de la congrégation des sœurs de Marie immaculée de l’IRSAM.

Et pour le 49e anniversaire de la journée internationale des droits de la femme, je me suis permis d’écrire cet article.

Pour marquer cet évènement, voici un petit cadeau qui nous vient du ciel de Sœur Marie Jacqueline.

Bonne lecture à tous…

Soeur Marie-Jacqueline évoque l’histoire de la Ressource

Sœur Marie-Jacqueline arrive au Centre de La Ressource au début des années 1961 et a connu les nombreuses évolutions qui ont conduit à l’actuelle IRSAM La Ressource. Aujourd’hui, l’Institution de La Ressource est dirigée par des laïcs. Sœur Marie-Jacqueline, Sœur Danièle, Sœur Marie-Fernand et Sœur Emilienne de la Congrégation des Sœurs de Marie Immaculée vivent toujours sur le site de l’Institut. Sœur Marie-Jacqueline a accepté de répondre à nos questions sur l’histoire de La Ressource.

– Votre mission

Les sœurs de Marie Immaculée sont arrivées de Marseille en 1956 à La Réunion. Elles se sont installées d’abord à Bois d’Olives, ouvrant une petite école pour aveugles et sourds. Elles y sont restées seulement pendant deux ans, les conditions d’un travail scolaire ne pouvant pas répondre aux besoins des jeunes. Par la suite, en 1958, s’offre aux Sœurs une proposition de l’Evêque du diocèse : l’ancien petit séminaire, situé à La Ressource à Sainte Marie, une grande et ancienne maison où elles peuvent donc s’installer et avoir libre champ pour une éducation plus efficace. 

Au début des années 1961, j’étais institutrice à l’Education Nationale. J’étais en vacances scolaires. La directrice du Centre était en panne sur le poste d’enseignante pour la section des aveugles, la maitresse ayant démissionné. Je me suis proposé, pour les deux semaines de vacances qui me restaient, d’apporter aux sœurs mon aide auprès des jeunes, malgré mon ignorance à ce type de handicap.

J’ai découvert le braille et à l’époque il s’agissait encore de l’apprentissage sur la tablette. Une classe unique comptait 23 élèves et il fallait donc jongler : mise en place d’un travail par petits groupes ou individuel. Pas de personnel spécialisé, seul un professeur de musique elle-même aveugle a pu m’apporter une aide bien efficace. Heureusement que l’ambiance familiale : enfants, personnels et les huit sœurs bien sûr, m’a beaucoup confortée. Finalement, la rentrée scolaire de l’Education Nationale a été pour moi annulée. J’ai décidé de rester sur le Centre de La Ressource.

Le lieu très sympathique s’est développé très vite : une grande maison, son cloître, la verdure, une allée de cocotiers…

En 1964 la construction du bâtiment des sourds a vu le jour. Les classes des sourds étaient au rez-de-chaussée et les chambres des garçons et des filles aux étages. Le nombre de jeunes sourds augmentait de plus en plus. Il est à noter que les jeunes ne rentraient chez eux qu’une fois par an. Ils restaient en internat. La Ressource se situe à Sainte-Marie, les jeunes sourds et aveugles venaient de toute l’Ile. Les communications étaient encore difficiles. A l’époque, la route n’était pas carrossable. Se rendre sur Saint-Denis demandait de descendre à pied jusqu’à la Grande Montée ou à Sainte Marie pour avoir un bus.

En 1969, il y a eu la construction d’un 2ème grand bâtiment pour les amblyopes et les aveugles. Par la suite, la responsable de la section des sourds, orthophoniste, a ouvert une section pour des jeunes ayant de troubles de la parole. Cette section s’est intégrée dans celle des aveugles.

En 1978, nous avons vu fleurir les premiers élèves professeurs : formation spécialisée dans le domaine de l’enseignement aux aveugles et aux sourds. La FISAF (Fédération des instituts de sourds et d’aveugles de France) a commencé à assurer la formation spécialisée. Les formateurs de la FISAF venaient sur l’île, périodiquement tant du côté des aveugles que de celui des sourds. Cette première session pour les aveugles a duré 3 années consécutives et les résultats ont été très satisfaisants.

Aujourd’hui, je peux dire combien notre joie est grande de constater que beaucoup d’anciens élèves ont réussi leur vie malgré leur handicap : professeurs de musique, de mathématiques, d’informatique, kinésithérapeute… Il y a 2 ans, j’ai été très touchée par la visite surprise d’Alain Turby, ancien élève déficient visuel, tenant le poste de maire dans la région de Bordeaux et assurant la gestion de l’informatique à la Chambre de commerce.

– Vos relations avec les personnes accompagnées

Actuellement, les jeunes, en majorité, sont en inclusion. Le Centre est devenu un Institut d’Education Sensorielle. Avec ceux que nous côtoyons quotidiennement, les relations sont plus rares. Nous assistons à un accompagnement des jeunes tout à fait différent.

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– Vos projets

La Congrégation des Sœurs de Marie Immaculée est représentée au Conseil d’Administration de l’Association IRSAM. Nous apportons notre contribution à titre bénévole dans certains établissements IRSAM. Nous avons des relations constantes avec nos sœurs de Marseille.

A Madagascar, à Fianarantsoa, nous suivons le centre « EPHATA Fianarantsoa » qui est une école fondée par les Sœurs de Marie Immaculée en 2000. Elle reçoit une soixantaine de jeunes aveugles et connaît un essor dû au courage de nos sœurs et spécialement de Sœur Chantal Ruppert. Cette école nous tient à cœur. En ce moment, nous accueillons Seur Emilienne qui vient de Madagascar, pour parfaire ses connaissances sur les jeunes de l’institut. « EPHATA Fianarantsoa » est une école qui fonctionne grâce aux apports des parrainages et du bénévolat. Les besoins des jeunes sont importants.

– L’école de Fianarantsoa

A Fianarantsoa l’établissement d’enseignement spécialisé privé mixte pour enfants et jeunes déficients visuels est dirigé par sœur Chantal Ruppert.

Créée par la Congrégation des Sœurs de Marie Immaculée, dont le siège est à Marseille, l’école a une capacité d’accueil de 60 élèves, dont 55 en internat. Elle offre différents types d’enseignement en fonction de l’âge et du profil de chaque élève. Le Centre a reçu l’autorisation d’ouverture du Ministère de l’Education Nationale en septembre 2003 et l’agrément du Ministère de la Population en décembre 2018. L’équipe est composée de 29 salariés répartis en 5 services et une communauté de 5 religieuses assurant des fonctions différentes : directrice, infirmière, monitrice d’atelier et enseignante technique.

– La mission d’EPHATA

Pour couvrir les besoins d’enseignement et d’accompagnement spécialisés des enfants et jeunes déficients visuels, EPHATA met en place des moyens éducatifs et pédagogiques assurant une prise en charge globale des bénéficiaires. L’école permet aux bénéficiaires de suivre un cursus scolaire complet par différents types de prise en charge en fonction de l’âge et du profil de chaque élève.

Des actions de sensibilisation auprès de la société malgache font également partie des missions d’Ephata pour faire connaître les capacités et défendre les droits des personnes en situation de handicap, afin de favoriser l’insertion socioprofessionnelle des élèves sortants.

Les ressources financières d’EPHATA proviennent essentiellement des parrainages, des dons et des recherches de subventions auprès de bailleurs pour l’école EPHATA, fondée en 2002 à Fianarantsoa.

Jean-Philippe Sevagamy

photos : Stéfan Grippon

L’IRSAM SAMSAH DV en action pour une mission humaintaire

Le projet Irsam Mada 2024, initié par Jennifer, Henry et Jean-Philippe, bénéficiaires-partenaires de l’IRSAM SAMSAH DV à Saint Louis, se concrétise. Leur voyage a pour objectif d’aller à la rencontre de 52 enfants malgaches (centreecarephata.com) pour :

  • Apporter du matériel adapté et des outils de compensation à la déficience visuelle (matériel éducatif, pédagogiques, basse vision, AVJ, santé, déplacements, NTIC)
  • Animer des ateliers : jeux, braille, NTIC, réparation de cannes de détection entre autres, ron kozé (groupe de parole, partage de vécus expérientiels et échanges culturels : musiques, danses, contes)
  • Transmettre des compétences professionnelles pour les accompagnateurs malgaches

Pour financer ce projet, ils travaillent actuellement sur des demandes de subventions publiques, des levées de fonds via du mécénat, une cagnotte solidaire pour les particuliers et ils organisent une tombola.

Vous pouvez donc vous aussi contribuer à la réussite de cette aventure humaine et solidaire en les aidant à travers ces différentes actions. La vente des billets commencera mi-mars. D’ici là, n’hésitez pas à les contacter si vous avez des lots à offrir (en contactant IRSAM SAMSAH DV) ! Le tirage se fera fin avril autour d’un pique-nique « partaz » à Grande Anse dans une ambiance conviviale et festive.

Jean-Daniel Lépinay est le parrain de cette aventure. Pépiniériste au Tévelave et guide « patrimoine Péi », cet ancien bénéficiaire de l’IRSAM SAMSAH DV et CASE DV accueillera prochainement dans sa pépinière un évènement rassemblant l’ensemble des partenaires et amis du projet. Pépinière endémique : à la rencontre de Daniel (texte, photos et vidéos) – Samsah DV (irsam.fr)

Bienvenue à Aurélie Boutier, instructrice en locomotion indépendante, à Eva Tarby, orthoptiste du CAMSPS IRSAM Les Jacarandas et à Jean-Paul Mourot, qui rejoignent l’aventure et pourront apporter leurs expertises, leurs compétences et énergies.

Enfin, le projet s’inscrit aujourd’hui dans une dimension de coopération internationale et pourrait ouvrir de nouvelles perspectives à l’Association IRSAM dans la zone océan indien.

Pour plus d’information, contacter Jean-Philippe au 0692 07 20 66

Nou compte d’su zot’ !

Jean-Philippe Sévagamy.

A propos de l'auteur

Jean-Philippe Sevagamy | Reporter citoyen

Jean-Philippe Sévagamy est non-voyant et membre actif de l'Association Valentin Haüy. Il surmonte son handicap en portant de multiples projets au profit des déficients visuels (DV). Il raconte comment « vivre dans le noir » pour les lecteurs de Parallèle Sud.