aveugle

[Chronique dans le noir] Tout quitter pour une vie meilleure

Voici un bel exemple de la vie d’un couple déficient visuel qui a choisi de s’envoler les yeux fermés vers des nouveaux horizons. Vivre pleinement son autonomie à Toulouse.

Samantha, une jeune femme originaire de la Réunion et vivant à Toulouse avec son conjoint, partage son expérience en tant que personne non-voyante dans cette ville cosmopolite. Elle souligne l’importance des applications et services qui facilitent son quotidien et lui permettent d’être plus indépendante et autonome.

Applications utilisées :

Parmi les applications qu’elle utilise, on retrouve :

– Seeing AI, développée par Microsoft, qui lit du texte en direct ou à partir de documents capturés.

– Be My Eyes, qui permet de contacter un bénévole pour obtenir une assistance visuelle sur divers sujets du quotidien, en plus d’une intelligence artificielle pour interpréter des photos.

– Yuka, qui fournit des informations sur la composition et l’impact sur la santé des produits alimentaires et cosmétiques en scannant leurs codes-barres.

– Zuzanka, qui permet de reconnaître les produits grâce à leurs codes-barres et d’obtenir des informations sur leur date de péremption.

– Medico, qui aide à identifier les médicaments et à lire leur notice. Ces applications sont également disponibles sur nos portables à La Réunion.

Courses en ligne :

 À Toulouse, Samantha utilise les applications des enseignes Leclerc et Carrefour pour faire ses courses en ligne.  

Pour Leclerc, elle a le choix entre un livreur particulier de Shopopop pour 7€ environ, ou un livreur professionnel pour 9€ environ, avec un minimum de 50€ de courses.

Pour Carrefour, la livraison est gratuite pour un minimum de 60€ de courses, mais Samantha doit appeler un numéro pour signaler qu’elle est une personne en situation de handicap afin de bénéficier de la livraison gratuite pendant un an renouvelable.

Valable également pour celle qui est enceinte ou pour une personne âgée.

Malheureusement, ces services de livraison de courses à domicile par Carrefour, Leclerc et Shopopop, ne sont pas encore disponibles à l’île de la Réunion. Il serait souhaitable que de tels services, éventuellement via d’autres plateformes comme Uber Eats, soient proposés aux Réunionnais afin de faciliter leurs achats, en particulier pour les personnes non-voyantes.

Déplacements du quotidien :

Pour se déplacer, Samantha utilise Mobibus à Toulouse, un service de transport à la demande destiné aux personnes à mobilité réduite ; géré par Tisséo l’autorité organisatrice des transports en commun de l’agglomération toulousaine.

Ce service propose deux options :

– Le service porte-à-porte, où le conducteur accompagne Samantha de la porte de son lieu de départ jusqu’à la porte de sa destination pour 2,80 euros.

Ce service très pratique et permettant une grande autonomie n’est malheureusement pas disponible à la Réunion.

Les horaires sont du lundi au vendredi de 7h à 0h30, et le samedi, dimanche et jours fériés de 9h à 0h30, soit quasiment les mêmes horaires que les transports en commun classiques.

– Le service adresse à adresse, sans accompagnement du conducteur, avec une prise en charge et une dépose sur le trottoir.

Samantha a également droit à une carte gratuite pour les transports en commun, ainsi qu’une carte d’accompagnateur.  

Aussi elle et son conjoint prennent souvent le train pour aller chez les parents de ce dernier. Pour réserver les billets, Samantha utilise l’application SNCF Connect qui est accessible aux personnes non-voyantes. Elle peut même faire les réservations d’assistance en gare en toute autonomie sur la plateforme en ligne également accessible.

Des accessoires adaptés utiles du quotidien :

Pour cuisiner, Samantha utilise une plaque parlante à induction à un seul feu, achetée sur la boutique en ligne AVH. Cet appareil lui donne beaucoup d’assurance et l’envie de cuisiner un peu plus chaque jour pour s’améliorer dans ce domaine.

Elle possède également une friteuse sans huile Actifry-Express, très pratique pour frire des aliments délicats comme les cordons bleus, les poissons panés ou les frites potatoes.

Grâce à ces équipements adaptés, Samantha se débrouille de mieux en mieux en cuisine au fil du temps, en autonomie.

En ce qui concerne le ménage à l’aide de robots, à son appartement, Samantha utilise un robot aspirateur iRobot Roomba I5+ et un robot laveur iRobot Braava Jet M6 pour l’aider dans les tâches ménagères. Des robots qui avant tout sont accessibles via les assistants vocaux Google, Alexa et Siri, ainsi que par l’application iRobot.

autonomie mal-voyante

Le robot aspirateur Roomba I5+ se vide automatiquement sur sa base après avoir terminé son cycle d’aspiration. Samantha n’a donc pas à s’en occuper pendant plusieurs mois.

Tandis que pour le robot laveur Braava Jet M6, Samantha fixe une serpillière dédiée sous le robot et remplit son bac d’eau additionnée d’un peu de savon spécifique. Le robot se charge alors de nettoyer les sols de la maison de manière autonome.

Grâce à ces robots ménagers contrôlables par la voix et une application, Samantha peut réaliser les tâches de nettoyage en toute autonomie.

Se donner un nouveau point de départ :

Samantha se dit très contente de vivre toutes ces expériences à Toulouse. À La Réunion, elle n’était probablement pas encore prête, et avoue que la chaleur la déprimait beaucoup. C’est pour se donner une nouvelle chance d’avoir une vie meilleure, mais aussi pour permettre à son conjoint de se rapprocher de ses parents très âgés désormais et de son filleul qui vit également à Toulouse, qu’ils ont décidé de s’installer dans cette ville.

Loin des siens, elle en est consciente du sacrifice et des décisions qu’elle a dû prendre avec son conjoint pour pouvoir obtenir une certaine autonomie. Faire confiance et se laisser guider par des applications existantes qui aujourd’hui font partie de leur quotidien.           

Deux déficients visuels qui n’ont pas froid aux yeux. Je sais de quoi je parle vu que je les connais bien !

Une amitié renforcée par la découverte des intelligences artificielles.

Au-delà de faciliter le quotidien de Samantha, les nouvelles technologies nous ont aussi permis de renforcer nos liens d’amitié. En effet, nous testons régulièrement ensemble les capacités des assistants virtuels. De mon côté, sur mon ordinateur, j’explore Gemini de Google et Bing de Microsoft. Samantha, elle, utilise sur son iPhone les applications ChatGPT d’OpenAI et Poe de Quora, qui sont des modèles de langage conçus pour avoir des conversations naturelles, ainsi que Perplexity, un moteur de recherche boosté par l’intelligence artificielle tout comme ceux que j’utilise.  

Nous réalisons alors des exercices de résumé, de rédaction ou tout simplement des conversations avec ces IA. Cette activité partagée nous permet non seulement de découvrir les avancées de ces outils d’assistance, mais aussi d’échanger nos impressions et de passer un bon moment ensemble. Les intelligences artificielles deviennent ainsi un loisir commun qui renforce les liens entre Samantha et moi, en plus de l’aider individuellement au quotidien.

Je dois reconnaître que chaque non-voyant ou malvoyant possède ses propres applications, en fonction de ses besoins et de ses compétences. Tout dépend de ce que l’on veut faire avec son téléphone ou ordinateur portable.

Des outils utiles et agréables du quotidien relativement coûteux mais qui en valent la peine.  

Témoignage de Samantha Clain rédigé par Jean-Philippe Sévagamy

A propos de l'auteur

Jean-Philippe Sevagamy | Reporter citoyen

Jean-Philippe Sévagamy est non-voyant et membre actif de l'Association Valentin Haüy. Il surmonte son handicap en portant de multiples projets au profit des déficients visuels (DV). Il raconte comment « vivre dans le noir » pour les lecteurs de Parallèle Sud.