anacoluthe Capitaine Haddock

[Chronique] Espèce d’anacoluthe !!!

N’AYONS PAS PEUR DES MOTS

Parallèle Sud accueille dans ses colonnes les critiques d’un dévoreur de phrases qui peut passer pour un sacré pinailleur.

Les bachi-bouzouks, moules à gaufres et ostrogoths qui, comme moi, ont vu leurs jeunes — ou moins jeunes — années bercées par les aventures de Tintin, ont forcément en mémoire ce terme aux contours bizarroïdes qui faisait partie des jurons favoris du capitaine Haddock. Je veux parler de l’« anacoluthe ».

Quèsaco, mille millions de mille sabords ? Rien de bien méchant, rassurez-vous. Une anacoluthe n’est autre qu’une « rupture dans la construction syntaxique d’une phrase », selon la définition de l’Académie française, reprise en chœur par tous les dictionnaires usuels. En clair, une insulte bien inoffensive à la logique grammaticale, mais une insulte quand même.

Pour mieux comprendre, un exemple : « Petit, ses parents le choyaient. » Tout le monde aura saisi le sens de cette phrase à la silhouette bancale. La logique eût pourtant exigé que l’on écrivît : « Ses parents le choyaient quand il était petit » ou « Petit, il était choyé par ses parents ». 

Les anacoluthes envahissent notre langage et celui des médias :

« Blessé, son entraîneur ne l’a pas retenu », au lieu de : « Blessé, il n’a pas été retenu par son entraîneur ». Anacoluthe ! 

« Encore groggy, les secours l’ont aussitôt dirigé vers l’hôpital le plus proche », au lieu de : « Encore groggy, il a aussitôt été dirigé par les secours vers l’hôpital le plus proche ». Anacoluthe encore !

« En espérant avoir de vos nouvelles, veuillez agréer mes salutations distinguées » au lieu de « En espérant avoir de vos nouvelles, je vous prie d’agréer mes salutations distinguées ». Anacoluthe toujours !

Et l’une des plus célèbres, signée Blaise Pascal : « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, la face du monde en aurait été changée. » 

Cette semaine, figurez-vous, j’ai débusqué quelques jolies anacoluthes dans nos médias locaux. Fourbe que je suis, je vous en livre une au hasard : « Un engouement inouï, au sein duquel on retrouve Judicaël Sautron, victorieux l’an dernier et meilleur Réunionnais de la dernière Diagonale des Fous ».

Je vous laisse effectuer les corrections… ad hoc. 

K.Pello

Pour poursuivre le voyage dans le labyrinthe de la langue française, consultez le blog : N’ayons pas peur des mots

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