N’AYONS PAS PEUR DES MOTS
Parallèle Sud accueille dans ses colonnes les critiques d’un dévoreur de phrases qui peut passer pour un sacré pinailleur.
Ceux qui fréquentent régulièrement mon blog savent les relations intimes qui unissent mon épouse à l’émission de M6 La meilleure boulangerie de France. Cerise sur le baba, c’est à La Réunion que ladite émission est venue planter son décor tout au long de la semaine dernière. Raison de plus pour ma douce moitié de ne pas manquer ce rendez-vous quasi religieux qui, je le confesse, me sert régulièrement de source d’inspiration.
Car si je veux bien croire qu’ils soient les rois de la baguette au levain et du millefeuille marbré, les animateurs de l’émission ont encore du pain sur la planche en matière de maîtrise du français. Pour reprendre une expression dont ils sont friands, « il y a tous les ingrédients mais » souvent, « ils ne sont pas dans le bon ordre ».
Bruno Cormerais, MOF, fier de l’être et de le dire, ne perd ainsi jamais une occasion de revisiter la langue de Molière et de nous servir son mot signature, l’adjectif « gustatif », dont notre Jean-Marie Bigard du fournil fait tantôt un nom, tantôt un adverbe, tous les deux, je le précise, étant bien sûr absents des grandes enseignes du français correct. Morceaux choisis : « Le gustatif, c’est pas ça », « gustativement, c’est excellent » et ma préférée : « Gustativement, le goût est bon »… Ça se mange sans faim.
« Gustatif » n’est pas le premier adjectif à subir un tel sort. Avant lui, visuel, virtuel, numérique, digital, qualitatif et tant d’autres ont franchi le Rubicon sous les yeux noirs des Académiciens mais sous l’aile protectrice des dictionnaires usuels. Comme toutes les infractions langagières qui transitent par le petit écran, l’emploi erroné de « gustatif » ne devrait donc pas tarder à se répandre dans l’usage telle une crème chantilly qui a pris un coup de chaud. En témoigne cet extrait d’article lu récemment dans les colonnes du quotidien régional Midi Libre : « Amateurs ou professionnels siègent donc côte à côte, les narines ouvertes et les papilles attentives, pour noter avec sérieux chacun des quinze échantillons qu’il leur a été proposé de déguster durant leur session et ce, selon quatre critères : le visuel, l’olfactif, le gustatif et l’appréciation générale. »
Pas sûr que cela soit du meilleur goût.
K. Pello
Pour poursuivre le voyage dans le labyrinthe de la langue française, consultez le blog : N’ayons pas peur des mots