Photos des journalistes de PARALLÈLE Sud

Comment Parallèle Sud a créé six emplois en trois ans

Koman i lé ? Lé la mèm ! Alors que les météos mondiales et locales sont plutôt maussades, Parallèle Sud va bien et se doit d’être transparent, vis-à-vis de celles et de ceux qui le soutiennent depuis le début.

Retour en arrière : 2020. Jéromine Santo-Gammaire et Julien Sartre quittent leurs postes de journalistes de la presse écrite locale (Le Quotidien) avec l’envie un peu folle de créer un nouveau média, différent. Parallèle Sud. Ils expérimentent sur les réseaux sociaux, posent les premiers jalons du bébé-média.

2021. A leur tour, Franck Cellier et Philippe Nanpon claquent la porte du Quotidien pour se joindre au projet qui peut dès lors commencer à se structurer. Il leur faut alors une sacrée dose d’optimisme pour croire une telle aventure possible. Et ils s’engagent sur les bases inédites d’un média associatif, donc ouvert aux bonnes volontés. L’association est créée le 29 juin 2021 avec un apport de zéro euro.

Les journalistes n’ont pas envie de dépendre d’un actionnaire sous la pression des mondes économiques et politiques. Ils co-construisent Parallèle Sud, grâce aux encouragements et aux coups de main de citoyens en quête de sens et d’une information qui les respecte. Mais peut-on bâtir une entreprise fiable avec de belles idées ?

La réponse est oui. Assurément à condition de le faire sérieusement.

5 août 2021, la 1ère newsletter est envoyée aux premiers abonnés : une trentaine de Réunionnais.e.s croisés aux quatre coins de l’île lors de l’élaboration du projet. 

21 janvier 2022, la première version du site est en ligne. Les articles sont publiés chaque vendredi. Drôle de rythme sur une toile dévoreuse de contenus en flot continu. Mais c’était notre rythme. Il fallait avancer tipa tipa pour rester debout. 

Le chemin vers ce nouveau média se trace avec une fluidité presque déconcertante et un entrain prêt à déplacer les montagnes. Des aides précieuses surviennent aux moments opportuns. Comme celle de l’UR 974. Le syndicat du sud dont Parallèle Sud partage des valeurs nous propose une salle de réunion et nous héberge gratuitement pendant deux ans.

Avant de pouvoir rémunérer des salariés il fallait trouver un modèle économique. Les dons nous ont permis de payer la mise en place du site et de financer une partie du salaire de notre première apprentie. Le reste est pris en charge par l’Etat.

La première année d’activité nous a appris que les dons soulèvent des montagnes mais ne suffisent pas, dans le contexte réunionnais, pour financer à eux seuls un média professionnel. Parallèlement à la réalisation de nos articles, nous commençons à partir de septembre à développer le projet d’interventions d’EMI (Éducation aux médias et à l’information) avec l’appui infaillible d’Anouk Cellier, ancienne journaliste aujourd’hui enseignante. Il s’agit de prestations payantes et réglementées menées par des journalistes professionnels. Les premières séances débutent en janvier 2023.

Il se trouve que l’EMI colle à notre vocation de sensibiliser le public à l’importance d’une presse libre, indépendante et fiable pour le bon fonctionnement d’une démocratie. Et le contact avec les élèves nous permet de rester au fait de l’évolution de notre société. Ce qui fait que pour sa deuxième assemblée générale, Parallèle Sud présente un chiffre d’affaires de près de 80 000 € contre 30 000 € pour l’année 2021.

2023 débute ainsi avec une assise financière suffisante pour salarier une première journaliste professionnelle, Jéromine. Ce qui porte la masse salariale de quelques milliers d’euros à 40 000 €. Philippe et Franck continuent à travailler bénévolement et sont rejoints par Jean Fauconnet, « couteau suisse » pour développer le site et administrer la structure. Autour de ce noyau dur, une vingtaine d’adhérents contribuent, chacun à leur façon, à l’édition d’articles, et à la vie de l’association. L’association accueille également, toujours une apprentie, mais aussi deux volontaires en service civique.

La fréquentation du site progresse de 25 000 à 70 000 visiteurs annuels entre 2022 et 2023. L’association ne peut compter que sur ses sympathisants pour sortir de l’invisibilité. Elle trouve peu à peu son public grâce à des articles critiques sur les impasses sociales, économiques et environnementales qui maintiennent La Réunion dans la difficulté. Mais aussi avec des sujets éclairant de généreuses initiatives citoyennes. C’est ainsi que le projet de réaliser 44 écotutos  a décroché 50 000 € du Budget d’initiative citoyenne (Bic), mis en place par le Département, suite à un vote en ligne.

Le sérieux du travail fourni permet à Parallèle Sud d’obtenir son agrément de service de presse en ligne (Spel) délivré par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) en juin 2023. Ce qui le rend éligible aux aides d’Etat pour la pluralité de la presse et à l’attribution de cartes de presse pour ses salariés.

Les prestations, subventions et aides à la presse représentent désormais 90% du chiffre d’affaires de Parallèle Sud. A défaut de l’utopie d’un média réunionnais qui serait financé par ses seuls lecteurs, ce modèle économique s’est construit avec vous et nous permet de refuser les publicités. Il nous permet aussi de sortir de la précarité.

Courant 2024, en avril, Philippe, en mai, Jean et Franck deviennent à leur tour salariés de l’association. Transparence et équité obligent, au titre de la formule « ton temps vaut le mien ». Tous les salariés de Parallèle Sud sont rémunérés au même taux, aligné sur le salaire médian réunionnais : un peu plus de 2 000 € par mois pour un temps complet.

Nous voilà donc à 4 salariés, auxquels s’ajoutent 2 étudiants journalistes en alternance à l’Iloi (Institut de l’image de l’océan Indien) : Léa Morineau et Etienne Satre, et trois services civiques : Sébastien Fontaine, Sarah Cortier et Leeloo Collet. Ça fait déjà une belle équipe avec de belles envies. Et, au passage, y a-t-il à La Réunion un autre média qui ait créé six emplois au cours de ces trois dernières années ?

Faut rester modeste face au défi d’une information utile et proche des Réunionnais. Ne pas céder à la folie des grandeurs. Mais tipa tipa, Nou avans. Le chiffre d’affaires de 2024 approchera les 180 000 € pour une masse salariale de plus de 120 000 €. C’est l’essentiel de nos charges auxquelles s’ajoutent un loyer, les frais divers et l’achat de matériel. 

La fréquentation du site poursuit sa progression avec 80 000 visiteurs pour 2024. Nous expérimentons en direct en diversifiant nos sujets et la façon de les traiter, du dossier sur l’avancée de l’extrême-droite au portrait de Kaf Malbar, en passant par nos enquêtes sur les monopoles et les podcasts sur la mer. On a même organisé un événement, Matèr, pour établir des liens physiques entre les gens, les préoccupations et les cultures. 

Ça vaut le coup de poursuivre l’aventure, non ? En tout cas, la progression de ces trois premières années autorise la bande de Parallèle Sud à y croire toujours très fort.

L’équipe de Parallèle Sud

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