[Baleines] Moins nombreuses et moins tranquilles

SAISON 2024

La saison des baleines a officiellement commencé et se caractérise déja par un nombre inférieur de baleines par rapport à l’année dernière. Le nombre de bateaux professionnels et de plaisanciers d’observation, lui, n’a pas chuté, ce qui accroit la pression exercée sur les cétacés en général. Les associations Globice et le CEDTM ont partagé leurs chiffres et inquiétudes quant aux enjeux de protection des cétacés pour cette nouvelle saison.

Jean-Marc Gancille, directeur de Globice, l’association d’étude et de protection des cétacés à la Réunion, rappelle qu’il existe une grande variabilité inter-annuelle, quant à la quantité de baleines arrivant dans les eaux réunionnaises pendant l’hiver austral pour mettre bas et se reproduire. En comparaison avec l’année dernière, on peut d’ores et déjà dire que les baleines ont tardé à arriver et sont présentes en plus petit comité. Ce qui va augmenter la pression sur les individus présents et changer les règles d’observation.
Depuis les années 2000, on observe de plus en plus de baleines depuis nos côtes. En 2023, l’association Globice a recensé 1156 individus, dont 530 ont été comptés par des citoyens, grâce au programme de sciences participatives KODAL, développé par l’association. En comparaison, en 2022, 417 ont été identifiée alors qu’en 2001, une seule baleine avait été recensée par l’association. Les facteurs de venue des baleines sont à l’étude, mais on ne peut encore expliquer précisément pourquoi leur nombre varie d’une année à l’autre.

“Il faut trouver un compromis entre interêt des humains et interêt des animaux”

Pour les jeunes baleineaux, les premiers mois de vie dans les eaux réunionnaises servent avant tout à emmagasiner suffisant d’énergie pour faire le trajet vers l’Antarctique. Charline Fisseau, membre de l’équipe Quiétude du CEDTM (Centre d’Etudes et de Découverte des Tortues Marines), affirme que les baleines alaitent en moyenne une quarantaine de fois par jour, ce qui représente une prise de poids de 70kg par jour pour les baleineaux. Durant cette période, des comportements humains inappropriés peuvent avoir de lourdes conséquences sur leur bien-être, voire leur survie durant leurs premiers mois, puis pour leur trajet vers l’Antarctique. Par ailleurs, les baleines femelles accompagnées de leurs baleineaux sont plus facilement approchables et prisées des touristes que les mâles plus agités en cette période. 

La pression humaine opérée par les professionnels des sorties d’observation, mais aussi des particuliers, vient s’ajouter à la pression liée au dérèglement climatique pesant déjà sur les cétacés. 

Jean-Marc Gancille affirme avec certitude : « Aujourd’hui, on fait face à un fort déséquilibre entre la flotte de bateaux et le nombre de baleines présentes. Ce qui nous inquiète, c’est la concentration des bateaux autour des baleines, cette situation n’est pas soutenable dans un objectif de protection des baleines.»

Pas de renforcement de la réglementation mais une hausse des contrôles annoncée

Philippe Malizard, sous-préfet de Saint-Paul, tient à rappeler aussi que certains comportements inadéquats sont toujours observés. Par ailleurs, la réglementation ne sera pas renforcée cette année, mais les contrôles seront accrus sur le plan d’eau. Pour rappel, dans le périmètre de la réserve naturelle marine, il est interdit de s’approcher à moins de 100 m d’une baleine. Pas plus de cinq bateaux ne peuvent s’approcher autour d’un groupe de baleines, avec un maximum d’observation de quinze minutes par bateau. 

La réglementation quant aux horaires reste la même également, les sorties en mer d’observation sont autorisées de 9h à 18h, et les mises à l’eau doivent s’opérer dans un créneau de 9h à 16h pour ne pas déranger d’avantage ces cétacés. Le sous-préfet annonce la mise en place de huit missions de contrôle par semaine, avec des sanctions pouvant aller de l’amende jusqu’à la suspension du permis bateau. 

L’objectif de cette réglementation, et de la charte d’approche et de lutter avant tout contre les comportement nocifs pour les cétacés, comme les excès de vitesse à moins de 300 m de la côte. Ce sont également les tortues marines, et notamment les tortues vertes qui endurent  cette mauvaise pratique. En 2022, Charline Fisseau rappelle qu’Emma, une des deux tortues vertes venant pondre à la Réunion, a été percutée et s’en est finalement sortie, à l’inverse d’une autre tortue gravide pour qui une collision avec un bateau de tourisme aura été fatale. 

Jonathan Coto, chargé de mission au CEDTM, observe globalement une amélioration des comportements de la part des usagers de la mer, mais rappelle la nécessité de maintenir le travail de sensibilisation: « On voit que la majeure partie des gens sont respectueux, et ont compris les enjeux de protection des baleines à bosse et plus largement des cétacés. Maintenant, il faut continuer de sensibiliser, et de sanctionner les comportement dangereux sur le plan d’eau.»

Si la question des quotas pour les autorisations de sortie d’observation des cétacés a été étudiée, Philippe Malizard affirme que les conclusions tirées à la fin de la saison 2024 feront l’objet d’un renforcement de la réglementation, si nécessaire, pour les années suivantes. Une année de “test” donc, au dépend d’une certaine tranquillité des cétacés et in fine au profit des enjeux économiques portés par le tourisme de whale watching à la Réunion. 

Sarah Cortier

A propos de l'auteur

Sarah Cortier | Etudiante en journalisme

Issue d’une formation de sciences politiques appliquées à la transition écologique, Sarah souhaite désormais se former au métier de journaliste qui la fait rêver depuis toujours. Persuadée que le journalisme est un moyen de créer de nouveaux récits et d’apporter de nouveaux regards sur le monde pour le faire évoluer, Sarah souhaite participer à ce travail journalistique engagé aux côtés de Parallèle Sud.

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