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[Édito] Ils jouent avec la flamme, il joue avec le feu

DISSOLUTION ET FLAMME OLYMPIQUE

Quand nous avons lancé la rubrique « La peste », nous ne pensions pas que le mal se propagerait aussi vite. Mais voilà qu’au soir d’une élection européenne sans surprise — la victoire relative de l’extrême droite est annoncée depuis des mois— celui qui s’était autoproclamé « barrage » contre l’extrême droite, lui offre la possibilité de diriger la France dès le mois de juillet en dissolvant l’Assemblée nationale.

Preuve qu’Emmanuel Macron sait sa politique incapable de soulager les souffrances des populations dans la durée légale des mandats électoraux. Ça n’a d’ailleurs jamais été son objectif, les performances des marchés financiers étant sa priorité, les petites mains devant se contenter d’un hypothétique « ruissellement ».

Entendre le peuple qui gronde n’est pas dans les habitudes du pouvoir : Manifestez… Au mieux vous susciterez l’indifférence, mais le plus souvent la répression.

Tout s’entrechoque dans ce chaos politique provoqué par le Machiavel de l’Elysée qui lance le récit caricatural, mensonger et diffamant d’une « extrême-gauche antisémite » et d’une « extrême droite héritière de l’OAS qui a tiré sur le Général » contre lesquelles son parti, au centre, serait la seule solution républicaine…

La flamme olympique est-elle nazie ?

Défendre les populations massacrées de Palestine, et surtout pas le Hamas, n’est pas de l’antisémitisme. Tout comme il ne reste aucun rapport entre l’attentat du Petit-Clamart (1962) et la vague du Rassemblement National d’aujourd’hui. Brandir les chiffons rouges, ça peut alimenter les commentaires, mais on voit depuis 15 ans que ça ne sert à rien pour freiner la montée du Front National.

L’histoire d’il y a cent ans nous enseigne comment des populations déclassées (mais pas que) ont pu se laisser séduire par les discours fascistes et nazis ; ou rester indifférentes à la montée des exclusions, des stigmatisations… puis des exécutions.

Cent ans, c’est un siècle. C’est loin ? Pas tant que ça… Il y a 88 ans, Hitler ravivait la flamme olympique pour lui faire parcourir l’Europe d’Athènes à Berlin. Les nazis ne sont pas à l’origine de cette idée de relais de la flamme mais ils l’ont largement surexploitée pour promouvoir leur vision aryenne raciste (Cf  : le Monde du 6 mai 2024). Ça réveille un certain malaise, non ?

Interdiction de manifestation

Cette coûteuse flamme qui a circulé mercredi sur La Réunion a sans doute rassemblé ce qui se fait de beau, de bien et de généreux en matière de sport et de culture. Elle a aussi compliqué les déplacements d’un paquet de Réunionnais. Mais le diable est surtout dans les détails des mesures prises par l’Etat et particulièrement celle d’interdiction de manifestations sur le parcours de la flamme.

Le temps est-il révolu des manifestations et revendications profitant d’événements médiatiques ? Interdit ! Comme avaient été interdits des rassemblements pour la Palestine…

Le temps est déjà révolu des humoristes sur les ondes de France Inter au prétexte qu’ils seraient « déloyaux » vis-à-vis de leur direction, comme ont disparu les Bébête Show (1982 à 1995) et les Guignols de l’info (1988 à 2018)…

On n’a pas attendu que le RN soit au pouvoir pour restreindre les libertés, s’attaquer aux étrangers (loi immigration et gestion de la crise à Mayotte), effrayer la France sur le thème de l’insécurité et le « besoin d’ordre », réprimer violemment les aspirations des Kanaks. L’opinion, nourrie de CNews et d’Hanouna, est préparée à cette extrême-droitisation mise en oeuvre.

« On pourra casser du PD autant qu’on veut »

Un ami me dit que le chiffon rouge de l’extrême droite ne l’affole pas à la vue quotidienne de l’impact des politiques d’austérité sur sa famille qui survit au-dessous du seuil de la pauvreté. Il continuera à ne pas voter.

Une autre me dit qu’elle votera car ça peut être pire. Elle me relate un article glaçant de Libération : « Vivement dans trois semaines, on pourra casser du PD autant qu’on veut », c’est ce qu’a déclaré un des quatre militants d’extrême-droite qui ont tabassé une personne LGBT+ à Paris dans la nuit suivant l’annonce de la dissolution. L’un des quatre agresseurs est le fils de Gabriel Loustau (leader du GUD), un proche de Marine Le Pen.

Un troisième me dit que le jeu démocratique est perverti : « Le résultat est corrélé au temps d’audience des candidats dans les médias ». 

Eh oui, c’est un jeu ! Ils jouent avec la flamme (des JO ou/et du FN ?). Avec la dissolution, il joue avec le feu de la peste brune. Et ce serait être un détestable wokiste que d’espérer qu’un gouvernement oeuvre pour l’égalité (sociale), la fraternité (entre les peuples) et la liberté (de manifester) ?

Franck Cellier

A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.