Rares sont ceux qui ne connaissent pas Didier Gustin. Il a écumé les plateaux télés et les radios pendant des années. A l’écran, c’est la voix de Kuzco, l’empereur du célèbre dessin animé Disney. Et bien sûr, à son actif, de très nombreuses scènes. Il a posé ses valises à Komidi pour y présenter son dernier spectacle : Johnny libre dans ma tête.
Des débuts à la Classe sur France 3
Ceux qui ont suivi à l’époque l’émission « La Classe » sur France 3 avec l’animateur Fabrice y ont découvert Didier Gustin. Ses imitations étaient toujours très attendues ! Son premier spectacle Profession Imitateur, il l’a joué pendant quatre ans. Inutile de dire que le succès était colossal ! En 1991, c’est lui qui prêtait sa voix à Mitterrand dans le film Corned Beef de Jean Poiré. L’année suivante, il joue dans Le Bal des Casse-Pieds, un film référence.
Spectacles, émissions télés, radios, …
Suivent de nombreuses pièces : Court-circuit, Ca manque pas d’air, Adam et Eve, Envoyés très spéciaux, Didier Gustin est inimitable, Ah ! tu verras (spectacle où il imite bien sûr Claude Nougaro), les Cachotiers, … Mais il est aussi très présent à la radio et à la télévision : Les Années bonheur (France 2), Le Grand journal (Canal +), le jeu Kadox, Les grands du rire (France 3), L’Oreille en coin, Le Fou du Roi (France Inter), les Peopl’ettes (Europe 1, …), une émission sur RMC. Il continue de prêter sa voix pour des doublages., tourne dans des séries et quelques films (Le Juge est une femme, Section de Recherches, Camping Paradis). De longues tournées dans toute la France avec Age Tendre et les Eternels du Rire…
Une chance d’accueillir cet immense acteur
Accueillir Didier Gustin à Komidi, c’est donc accueillir un acteur de tout premier plan ! Il a présenté à trois reprises son nouveau spectacle sous le chapiteau de la Caverne des Hirondelles. Il y raconte un artiste sur le déclin (lui) sa rencontre et son amitié post mortem pour Johnny avec qui il échange tout au long du spectacle. Il est accompagné par trois musiciens-comédiens très « complices »… Et c’est particulier, car les imitations servent là à raconter une histoire. Les textes sont ceux de Johnny, mais interprétés par une pléiade d’autres artistes, parfois sur des extraits de leur propre musique (Sardou chantant un texte de Johny avec en toile de fond la musique des Lacs du Connemara, un petit bijou !). Il suffit de fermer les yeux pour les voir (enfin, façon de parler…), car c’est bien eux qu’on entend !
Spectacle bluffant
On se dit un peu en arrivant dans la salle, je vais voir un imitateur. Bien sûr, qu’il y a cela, mais il y a aussi une histoire, ce fil conducteur entre ce fan et son idole descendue du paradis et « entrée dans sa tête ». Les échanges réguliers sont drôles, savoureux. La recherche d’artistes pour assurer ce spectacle souvenir au stade de France est alors prétexte à des moments très tendres, émouvants, et d’autres très drôles mêlant dérision et parfois auto-dérision. Luchini et Coluche passent par là, Jonaz, Lavilliers, Renaud, Aznavour, Brassens… se succèdent avec une ambiance musicale digne des grandes scènes! Aucun temps mort, une énergie exceptionnelle, ce « has been » qui retrouve son idole descendue du paradis a totalement conquis le public !
Didier Gustin, artiste en perte en vitesse ? Ah bon ?
Bien sûr, c’était une sorte de « préliminaire » à l’écriture de son spectacle, à un bref rappel de l’histoire et de la vie de Johnny. Plus le spectacle avance, plus on est persuadé du contraire ! On a même bien compris que Didier Gustin tient toujours « une pêche d’enfer » ! Cette pièce d’humour musical, mise en scène par une pointure du théâtre Eric Bouvron, est énooooooooorme (comme dirait Luchini) et a de beaux mois, voire de belles années devant elle !
Dominique Blumberger
Mes coups de cœur :
Le passage sur scène de Grand Corps Malade, de Renaud, de Lavilliers, d’Aznavour et de Brassens, c’est à la fois très beau, très émouvant, on est parfois au bord des larmes.
Les imitations de Luchini et de Coluche dont les voix sont extrêmement bien rendues et qu’on aurait parfaitement imaginés sur scène !
La rencontre avec Michel Jonasz en pleine séance de médiation est à mourir de rire (d’autant que les musiciens y apportent une contribution remarquable).
Le final, qui arrive crescendo sur « Allumez le feu », se termine par une boutade particulièrement drôle, mais … chut, allez voir le spectacle !
Didier Gustin : « Dans mon spectacle, l’imitation est
un moyen de raconter une histoire »
- Parallèle Sud : Même quand on n’est pas vraiment fan de Johnny, on est rapidement pris dans les mailles de votre spectacle. C’est bien plus que de l’imitation. L’idée du scénario vous est venue comment ?
- Didier Gustin : Au départ, j’ai juste eu une idée. C’est Johnny qui refuse d’aller au paradis et qui vient dans ma tête. J’ai appelé Eric (Bouvron), je lui ai donné cette idée. On n’avait jamais travaillé ensemble et pourtant on se côtoyait un peu dans les mêmes sphères. Quand je l’ai appelé, il n’avait pas trop le temps, mais l’idée lui a plu. Du coup on a écrit le scénario ensemble, chez moi, chez lui, par internet. Il a même trouvé la région où j’habite tellement jolie qu’il est en train de s’acheter une maison là-bas !
- Les critiques sont très bonnes, le retour des spectateurs aussi. Ce spectacle tourne déjà depuis quelques mois. J’imagine que votre agenda est bien rempli ?
- Au départ, je pars quand même avec un handicap, celui d’être catalogué imitateur, je suis dans la performance, je fais des sketchs pour faire rire, mais y a pas vraiment d’histoire. Alors que là, il faut convaincre les acheteurs potentiels et le public que c’est autre chose. On démarre donc gentiment, on a une vingtaine de dates, encore une vingtaine en option. Mais on a un spectacle qui peut tourner, trois, quatre ans. Dans mon spectacle, l’imitation c’est un moyen de raconter une histoire […] C’est d’abord l’histoire qui fait accrocher le public.
- Vous avez fait vos débuts dans « la Classe » de Fabrice sur France 3 il y a plus de 35 ans. Vous êtes souvent en spectacle, en radio, à la télé, vous avez doublé de nombreuses voix dans des films. Vous faites comment pour tenir le rythme, jamais eu envie de souffler ?
- Non, non, parce qu’en fait tout ça est disséminé sur une année. C’est pas comme si je travaillais tous les jours huit heures par jour ! On va avoir plusieurs jours où on va travailler comme des charbonniers, comme des mineurs, et après on va avoir une semaine tranquille. Je privilégie aussi la qualité de vie.
- Didier Gustin, gamin, vous étiez plutôt espiègle, blagueur, toujours prêt à amuser la galerie, ou plutôt un gamin ordinaire ? Ce don pour l’imitation, il est arrivé comment ?
- Oui, c’est vrai j’aimais bien faire marrer. Au lycée, j’avais ma prof de français, madame Michel, qui à la fin du cours disait « bon, là il nous reste cinq minutes, Didier va nous faire quelque chose ! » J’allais sur l’estrade, c’était un peu mes premières scènes. Je chantais beaucoup, j’aimais ça, et c’est comme ça que je me suis aperçu que j’arrivais à prendre la voix des uns et des autres. […] Après j’ai commencé à écrire les voix que je faisais sur un calepin. Il y en a eu une dizaine, puis une vingtaine, puis une trentaine et à partir de cinquante, on compte plus ! […] Lors d’un dîner, j’ai rencontré quelqu’un qui m’a dit, c’est formidable c’que tu fais, tu devrais en faire un métier. J’ai fait l’armée et… on est montés à Paris ! Ca ne s’est jamais arrêté.
- Votre voix est votre instrument de travail. J’imagine que vous l’entretenez, que vous la bichonnez. Quelques conseils ?
- En fait ce qu’il faut faire, c’est qu’il faut surtout l’économiser. Quand on joue par exemple pendant un mois à Paris, la journée, vous parlez avec le souffle. Après faut pas fumer, pas boire, pas faire la fête, un peu une vie d’ascète… un peu.
- La complicité avec vos musiciens est assez exceptionnelle. Un petit mot sur l’équipe qui travaille avec vous ?
- J’ai toujours beaucoup apprécié le travail d’Eric (Bouvron). Lui appréciait ce que je faisais et j’avais envie de travailler avec lui. On est depuis devenus vraiment très amis. Et puis mon équipe elle est formidable, c’est vrai que ça marche bien entre nous, c’est vraiment une famille ! On ne craint pas grand-chose. La seule chose qu’on peut craindre, c’est l’humidité ambiante qui affecte par exemple les systèmes électroniques (c’est arrivé pendant le spectacle, le public a donc eu droit à une improvisation complète pendant quelques minutes!) En fait on peut jouer n’importe où. Les musiciens s’adaptent, je m’adapte, les techniciens s’adaptent.
- C’est la première fois qu’on vous voit à Komidi. Vos premières impressions sur ce festival ?
- Ça me fait penser à beaucoup de festivals que j’ai vu débuter et qui, aujourd’hui, sont devenus incontournables, comme le festival de Pérouges (Printemps de Pérouges, près de Lyon). La force d’un festival, ce sont ses bénévoles et ses sponsors. Ca permet de faire grandir son festival. Ici, ça a grandi, le public est au rendez-vous. Il y a une équipe qui choisit très bien ses spectacles. Du coup, on se retrouve avec des salles pleines, des gens qui sont contents. Parce que c’est ça qui est important, que le public sorte heureux ! Un public heureux, c’est un public qui revient ! Et puis bon, quand on joue c’est compliqué de faire autre chose, mais quand on reste, comme ici, c’est vrai que ça permet de voir d’autres spectacles.
Propos recueillis par D.B.