La souffrance d’une mère et de sa fille

Moane Rosello séparée de sa fille depuis plus de 740 jours décide de rompre le silence et de mener publiquement un combat pour la retrouver. Liées depuis onze ans par un lien d’amour au-delà des liens du sang, elles ont partagé une vie en Inde jusqu’en juillet 2023, lorsqu’elle quitte le pays pour La Réunion afin de régulariser sa situation par une demande de carte OCI (visa permanent). Depuis, sa demande reste bloquée, sans explication, l’empêchant de retourner en Inde auprès de sa fille de 13 ans. Face à cette situation injuste et à la souffrance de l’enfant, elle entame une grève de la faim à la Kaz Kabar, lieu symbolique de lutte, pour réclamer son droit à se retrouver.

Interdite d’entrée en Inde depuis novembre 2023 sans justification claire, Moane Rosello a entamé une grève de la faim pour alerter sur sa situation qu’elle juge dramatique. Depuis onze ans, elle s’occupe d’une enfant non adoptable, aujourd’hui âgée de 13 ans, qu’elle considère comme sa fille. Elle a réalisé toutes les démarches administratives et légales pour retourner en Inde auprès de sa fille. « Tout a été vérifié, j’ai mis mes empreintes biométriques, j’ai payé. Et c’est seulement après qu’on m’a dit que je ne pouvais plus rentrer », déplore-t-elle. En juillet 2025, alors qu’une date de fin d’interdiction semblait fixée, sa demande de visa a de nouveau été refusée sans explication.

Elle a multiplié les démarches auprès de l’ambassade de France, du consulat et différentes institutions. Plusieurs personnes sont intervenues auprès de Jean-Noël Barrot, mais elle n’a reçu aucune réponse concrète. « Ils n’ont pas de raisons à me donner, ils ne me donnent rien », résume-t-elle. Elle en appelle désormais à une intervention diplomatique directe : « Je souhaiterais que le ministère des Affaires étrangères partage mon dossier avec son homologue indien. Qu’on comprenne pourquoi je suis bloquée, et que l’histoire de la petite soit prise en compte. »

La jeune fille, souffrant d’un trouble post-traumatique complexe, est en grande détresse. « Elle m’a identifiée comme sa figure de sécurité. C’est insupportable pour elle que je ne sois pas là », ajoute-t-elle. Hospitalisée après une tentative de suicide, l’adolescente reste en danger. « Ma fille va mourir. Je ne peux pas rester là et ne rien faire », insiste-t-elle. Sa grève de la faim démarrée dimanche 3 août à la Kaz Kabar vise à briser le silence administratif et à obtenir, enfin, une réponse.

Jean Fauconnet

Retrouverez son communiqué ci-dessous.

Grève de la faim | 742 jours sans ma fille

Je suis séparée de ma fille depuis 742 jours. 742 jours de souffrance et 742 jours de silence.

Aujourd’hui, je prends la décision mûrie de briser ce silence et de mener un combat à la hauteur de ma fille. A la hauteur de la confiance qu’elle m’a donnée. A la hauteur de sa souffrance. A la hauteur de la force qui nous lie. Enfin, à la hauteur de notre histoire unique et atypique, car je crois fermement qu’il existe autant de parcours de vie que d’êtres humains sur cette terre et que chacun de ces parcours a le droit d’exister.

« Si la vie nous sépare un jour, tu dois te rappeler et te répéter que je serai en train de me battre, de tout faire pour te retrouver ».

Je me dois de tenir ces paroles instinctives, que j’ai toujours répétées à la petite fille qui m’a choisie pour maman 11 ans auparavant. Pour maman, car c’est bien la rencontre entre deux êtres qui créent un parent et son enfant et je crois sincèrement que cette rencontre va au-delà des liens du sang.

Ma fille a aujourd’hui 13 ans et est en classe de 3ème, en Inde. La dernière fois que je l’ai serrée dans mes bras, elle en avait 11 et venait de faire sa rentrée en 5ème…

Je suis arrivée en Inde pour la première fois en 2013. C’est une terre qui m’a construite en tant qu’adulte, qui m’a rattachée à mes origines d’adoption. L’Inde est le pays où j’ai construit mon identité, où j’ai trouvé un sentiment de sécurité et où j’ai fait la plus belle rencontre de ma vie : une petite fille qui avait 2 ans et demi à l’époque, dont je m’occupe intégralement depuis ces onze dernières années.

J’ai quitté l’Inde en juillet 2023 afin de me rendre à La Réunion, ou j’ai déposé ma demande de carte OCI – VISA permanent – en août 2023. Cette demande est restée « en cours de traitement » sans plus d’ informations depuis.
L’année dernière, le consulat général de l’Inde à La Réunion m’a indiqué que je pourrai rentrer en Inde le 25 juillet 2025, mais il m’a été récemment annoncé que mon retour n’était toujours pas possible. Aucune raison ne m’est fournie afin d’expliquer ce retournement de situation.

Face aux abîmes de la souffrance de ma fille aujourd’hui, face à mon cœur brisé en d’innombrables morceaux, je débute une grève de la faim ce jour à 18h00, au sein de la Kaz Kabar, lieu porteur de la voix des enfants, de l’humanité, de la terre, que je remercie sincèrement d’accueillir ma plus grande bataille : retrouver ma fille.


Moane Rosello
Le 03 aout 2025

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A propos de l'auteur

Jean Fauconnet

Journaliste. Engagé depuis de nombreuses années pour le respect des droits, Jean contribue au média Parallèle Sud de diverses façons.

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