En 8 ans d’existence, le collectif 5 000 piédbwa a planté bien plus que 5 000 arbres. « Mais l’objectif, ce n’est pas le nombre d’arbres, c’est le nombre de personnes qu’on arrivera à mobiliser et on est loin de 5 000 », estime Marie Faham, la créatrice du collectif. Pour autant, la « forêt mosaïque » comme elle la rêvait au début, est désormais bien une réalité.
Huit ans après sa naissance en 2016, le collectif 5 000 piédbwa peut être fier d’avoir planté une dizaine de forêts et de micro forêts sur l’ensemble de l’île. Le rêve que porte la coordinatrice du collectif, Marie Faham, est celui de la « forêt mosaïque ». « Aujourd’hui, nous avons cinq ou six gardiens de forêts avec des forêts qui vivent, qu’on plante et qu’on entretient. Il s’agit des propriétaires des terrains. Ce sont eux qui ont la vision de ce qu’il veulent faire, ils nous laissent un bout de terrain pour créer des forêts. » La personne signe alors une charte et devient officiellement gardien. « Nous, on va ensuite planter des endémiques, créer des arboretum, planter des mellifères et des médicinales », complète Marie Faham.
La conteuse énumère les lieux où c’est déjà en cours : le Maïdo, Bois Blanc, le Guillaume, Saint-Leu, Tan Rouge, à côté du pont de l’Entre-Deux… Cette dernière parcelle a été plantée dans le cadre du plan « un million d’arbres ». « Ca y est, ça sent la forêt maintenant quand tu rentres dedans. C’est planté très serré », témoigne-t-elle.
« On est bien entouré »
Depuis 2020, c’est l’association de Marie Faham, la Voie contée, qui porte administrativement les projets de 5 000 piédbwa. « J’ai vraiment envie que ça reste un collectif car ce n’est pas le même esprit, les gens viennent spontanément. Il n’y a pas de président, rien, on est vraiment de personne à personne. […] L’accueil, l’écoute, le respect et la joie, ce sont les quatre piliers que l’on défend pour l’écocitoyen. »
Dans son noyau dur, 5 000 piédbwa compte une dizaine de personnes régulières. « Et en plus de ces personnes, on est bien entouré ». Marie Faham ne tisse des liens et ne travaille qu’avec des personnes avec lesquelles elle a de vraies affinités.
Depuis le départ, le collectif fonctionne sur un triptyque : faire le lien entre les institutions, les citoyens, les scientifiques. « Si on ne réagit pas plus par rapport à l’urgence climatique, c’est que nous n’avons pas les infos », affirme la militante écologique. « C’est pour ça que je suis allée à l’Opar, au Conservatoire botanique, au Parc, pour chercher les informations et les transmettre. Les institutions, ce sont elles qui ont les moyens. Ca fonctionne, elles nous écoutent. Mon meilleur vecteur de transmission c’est les écoles. Je fais toujours un parcours éco citoyen deux fois par ans, où on explique comment on plante. Ca devrait faire partie de l’apprentissage scolaire. »
Apprendre à planter devrait faire partie de l’apprentissage scolaire
« Le problèmes avec certains acteurs publics, c’est qu’ils plantent, ils se photographient et, après, les arbres meurent. La dernière fois, je suis passée trois semaines après une plantation organisée de cette manière et tout était en train de sécher et mourir. Il faudrait vraiment un suivi. Et ils sont
encore dans les constats. »
Pour moi, deux choses risquent de tuer les forêts : c’est l’oubli et les plantes invasives. « Il reste 1% de la forêt primaire de La Réunion sur toute l’île donc si on ne la préserve pas, ça va disparaître », conclut-elle.
Nous avons rencontré Marie Faham à Trois Bassins où elle réside. Elle nous a parlé des dernières actions portées par le collectif.
Un arbre rare pour protéger le bassin de Grand Anse
Sur les conseils d’un botaniste pour le choix et l’emplacement à privilégier, le collectif 5 000 piédbwa a planté un arbre rare le 15 septembre 2024, au bord de l’eau, à Grand Anse. Le porcher est une espèce en voie d’extinction. Avec le projet controversé de travaux d’agrandissement du bassin souhaité par le maire de Petite-Île, le dernier rempart sera un arbre. « On l’a planté pour sa dimension symbolique », explique Marie Faham. « Si les engins arrivent jusqu’à l’arbre, on aura perdu quelque chose de très cher. Si l’arbre est touché, cela signifiera que Grand-Anse est vraiment menacé. »
Le collectif obtient la gestion d’une parcelle auprès de la mairie de Saint-Denis
Fin septembre 2024, 5 000 piédbwa, porté par l’association de Marie Faham, La voie contée, a signé une convention avec la mairie de Saint-Denis. « C’est une forme de reconnaissance pour nous du travail que l’on fait », souligne la militante associative. Cela faisait deux ans que le collectif s’occupait d’une parcelle de 3000 m2, le site cœur vert familial, où il plantait régulièrement, derrière la médiathèque François Mitterrand. « La commune a créé ce chantier il y a 6 ans, elle voulait faire une coulée verte vers la Trinité, mais le chantier a été abandonné. Nous, on a continué. Depuis, on a fait quatre ou cinq plantations, on a mis en terre plus de 150 individus endémiques rares. »
Avec la signature de la convention, la mairie s’engage surtout à soutenir l’action. Elle va fournir du broyat, des plants et mettre à disposition 10m2 de sa pépinière ainsi que les agents qui y travaillent et s’occuperont d’arroser, rempoter quand ce sera nécessaire.
Sensibiliser les enfants par le conte du tec-tec
A l’Observatoire atmosphérique, au Maïdo
A l’occasion de la Journée du Patrimoine, le collectif 5 000 piédbwa a profité de l’occasion pour mener deux actions de plantation et de sensibilisation. Le 20 septembre 2024, 43 élèves de CM2 de l’école primaire Les Palmistes du Guillaume ont été accueillis à l’Observatoire de l’atmosphère, au Maïdo, par l’association de Marie Faham, La voie contée, le CBN-CPIE Mascarin (Conservatoire Botanique National de Mascarin), et le Parc National de La Réunion.
Grâce à différents outils proposés, les enfants ont été sensibilisés à la biodiversité locale, l’écologie et les espèces exotiques envahissantes. « On a enlevé les plantes envahissantes comme l’ajonc d’Europe et la Jouvence. On a joué le conte du tec tec avec les enfants. Puis on a créé l’arboretum. »
A la grotte du peuplement, à Saint-Paul
« Zistwar tek tek » est un conte raconté par Marie Faham. La conteuse a adapté en créole l’histoire du « Petit colibri » de Pierre Rabhi afin de propager à tous les enfants l’envie de participer à leur échelle à protéger la forêt. Le même week-end, elle a également joué le conte à la Grotte du peuplement où se déroulait une opération de plantation.
Le collectif qui avait déjà travaillé avec la mairie de Saint-Paul pour la journée de la forêt en 2022, attend la signature de la convention avec la commune. Cette année, ils ont planté une soixantaine d’individus. « L’endroit nous a été confié pour deux ans renouvelables, on a signé une convention pour végétaliser, naturaliser un endroit et créer une micro-forêt », précise Marie Faham.
Jéromine Santo-Gammaire
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