Du 5 au 9 avril, de Saint-Paul à Saint-Leu, 21 films venus des territoires de l’Océan Indien ont été projetés à l’occasion du FIFOI (Festival du film de l’Océan Indien).
Pour cette seconde édition, l’objectif reste le même : mettre en valeur les talents émergents du bassin et présenter des œuvres cinématographiques, allant de la fiction au documentaire. Parallèle Sud a suivi la soirée de projection des courts-métrages en compétition.
Dans l’une des grandes salles du cinéma de Cambaie, à Saint-Paul, à partir de 18h30, les applaudissements retentissent pour lancer la séance de projection des courts-métrages en compétition. Huit films se succèdent, avec parfois, en introduction, le discours du ou de la réalisateur·rice présent·e dans la salle. C’est le cas de Kenlo Primate, jeune réalisateur réunionnais, dont le talent s’est fait remarquer avec le succès de son film Les Foyers de la Colère, qui remporte cette année le prix du public. Il ajoute avant la projection : « Je suis toujours excité avant chaque projection des Foyers de la Colère. J’ai une chose à vous dire : restez concentré·e·s. »

Avec ces huit films provenant de toute la zone Océan Indien — du Kenya à l’Inde, en passant par la Somalie, le Sri Lanka et La Réunion — c’est un cinéma de grande qualité qui a été proposé au public et aux trois collectifs de jurys. Un cinéma universel, dans lequel on retrouve des parallèles avec la réalité réunionnaise.
Par exemple, dans Stero de Tevin Kimathi et Millan Tarus, un enfant refuse de se conformer aux règles de son école kényane, qui lui impose de parler anglais. Il répond à la professeure en kiswahili et est prié de sortir de la salle de classe. Une scène qui n’est pas sans rappeler le passé réunionnais, quand le créole n’avait pas sa place à l’école.
Le film suivant, Coral City, seul court-métrage documentaire, embarque la salle dans les eaux du Sri Lanka, auprès d’une chercheuse œuvrant pour la préservation des coraux — une problématique que l’on retrouve aussi à La Réunion avec les épisodes de blanchissement et de stress des coraux.
Des films étrangers, oui, mais aussi deux courts-métrages réunionnais ont été présentés. Après 6 zèr de So-y-sen Maumont traite de la sorcellerie sur l’île avec satire, moquant les adeptes du sachet dans la croisée — un pari osé mais plutôt réussi.
Quant aux Foyers de la Colère de Kenlo Primate, récompensé par le prix du public mercredi soir, le film s’appuie sur de belles images et une tension conservée tout au long de ce court-métrage de trente minutes.
Mais c’est The Weight of Light d’Anna Hint qui rafle la mise avec trois prix : prix du court-métrage, prix Domin de France Télévisions et prix du jury jeune. Une jeune fille en Inde, chiffonnière travaillant sur une montagne d’ordures, est contrainte par son père à un mariage arrangé, convaincu qu’il lui offrira un meilleur avenir. Une fiction qui assène une claque de réalité documentaire.
Pour Abd al Malik, président du jury, le choix n’était pas évident : « Tous les courts-métrages présentés étaient d’une grande qualité. Le choix était moins simple que pour les longs documentaires présentés lundi ; même s’ils étaient bons, il y avait plus d’écarts de qualité entre les différentes réalisations. »
Faire rayonner le cinéma du Sud vers le Nord
Le FIFOI affiche en grand sa volonté pour cette nouvelle édition : “Fêter la créativité de ce bout du monde, mettre en valeur les talents émergents et les regards singuliers qu’ils portent sur les territoires du bassin.”
Une vision que soutient Jade Paquien, responsable distribution à la Kourmétragerie, première agence de distribution dédiée aux films réunionnais. Elle est chargée de faire le lien entre les œuvres locales et de potentiels diffuseurs comme le FIFOI. Ces quelques jours sonnent donc comme l’aboutissement d’un long travail — et le plaisir de (re)découvrir du cinéma local.
“C’est bien de voir des professionnels d’autres pays, et de changer la dynamique pour faire en sorte que le cinéma du Sud rayonne vers le Nord. Je trouve que c’est hyper intéressant que le FIFOI sélectionne des films qui sont moins retenus dans d’autres festivals. Il faut montrer que le cinéma dans la zone Sud existe, qu’il a toute sa place dans le cinéma mondial. Oui, à Mayotte, à Madagascar, en Afrique du Sud, on fait des films. Cela permet de montrer de nouveaux imaginaires cinématographiques, et de voir que certaines histoires ressemblent aux nôtres, ici à La Réunion. Il y a un lien commun dans l’Océan Indien : la spiritualité, la magie, les esprits… Chaque film a sa singularité, mais tout l’auditoire peut être touché”, remarque la jeune femme.
La fierté réunionnaise parmi le bouillonnement créatif de l’Océan Indien
Pour cette édition, deux courts-métrages du catalogue de l’agence ont fait briller le talent réunionnais au FIFOI : Pie dan lo, réalisé par Kim Yip Tong, a été projeté lors de la soirée d’ouverture, et Les Foyers de la Colère de Kenlo Primate lors de la projection des courts-métrages en compétition, où il a remporté le prix du public. Lors de l’édition 2024, c’est La Vérité sur Alvert, le dernier dodo de Nathan Clément, également dans le catalogue de la Kourmétragerie, qui avait conquis le cœur du public.
Un succès qui réjouit Jade Paquien : “C’est un très beau prix, qu’il faut valoriser, car ce sont les gens dans la salle qui ont apprécié et qui ont voté pour le cinéma réunionnais.
Pour Kenlo Primate, c’est important de montrer que le cinéma est accessible à tous, peu importe ton milieu social ou ton origine. Pendant longtemps, on disait : “Si tu viens de La Réunion et que tu restes, tu ne pourras jamais faire du cinéma.” Il a travaillé sur ce film avec des jeunes acteurs réunionnais, qu’il a formés via des ateliers. Il veut prouver que c’est possible de faire du cinéma en s’exerçant, en regardant des films. Ce n’est pas toujours nécessaire de faire une grande école. Donc ce prix, il veut dire beaucoup.”
Sarah Cortier et Léa Morineau
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