En urgence, et en session extraordinaire, l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté définitivement la loi de « prorogation de l’état d’urgence sanitaire dans les Outre-mer ». Le texte conserve aux préfets leurs pouvoirs élargis et leurs possibilités de prendre des mesures coercitives en période de pandémie.
Confinement, couvre-feu, interdiction de rassemblement, jauge dans les établissements recevant du public : la liste des pouvoirs d’exception à la disposition du préfet commence à être bien connue des citoyens réunionnais, elle continuera à servir de boîte à outils à l’administration pour juguler la progression de l’épidémie de Covid-19. Et ce au moins jusqu’au 15 novembre.
Réunis en session extraordinaire, et dans le cadre d’une procédure accélérée, les parlementaires réunis à Paris à l’Assemblée nationale et au Sénat ont voté la « prorogation de l’état d’urgence sanitaire dans les Outre-mer » ce jeudi 9 septembre 2021. « À La Réunion, le nombre de lits occupés par des patients positifs au Covid commence à baisser, reconnaissait le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu au moment de défendre le texte du gouvernement devant les deux assemblées. Avant d’assumer d’imposer des restrictions de liberté sur l’île. Pour autant, nous restons sur un plateau épidémique haut et surtout le taux de vaccination est encore faible, ce qui ne nous place pas à l’abri de la propagation du variant Delta et de nouvelles vagues ».
La faible vaccination – 53% à La Réunion contre presque 70% pour la métropole– est l’argument le plus souvent cité par le gouvernement et les élus en faveur de l’état d’urgence sanitaire. « À long terme notre seul outil est la vaccination, nous sommes entrés dans une épidémie de non-vaccinés », martelait encore en séance le ministre Sébastien Lecornu.
Vaccination obligatoire en Kanaky
« La vaccination est le principal enjeu des semaines à venir, il faut poursuivre l’effort », abondait le sénateur (Les Républicains) Philippe Bas, rapporteur du texte pour la Haute assemblée. Il était rejoint sur cette ligne par nombre de ses collègues, dont le sénateur (Les indépendants) Claude Malhuret : « La Nouvelle-Calédonie, qui a rendu la vaccination obligatoire, nous donne l’exemple !, se félicitait ce dernier à la tribune. La vaccination obligatoire ou au moins généralisée est notre prochain défi. Il faudra trancher cette question dans les prochaines semaines. »
Si elle est fait l’objet de nouveaux débats dans les prochaines semaines, cette mesure n’aura pas le soutien des élus de gauche de La France Insoumise à l’Assemblée nationale ni du groupe communiste au Sénat : ce sont les seuls à avoir voté contre la prorogation de l’état d’urgence sanitaire dans les Outre-mer.
« À ma grande surprise ce texte concerne tous les territoires d’Outre-mer et même certains par prévention : pas un territoire n’a été oublié mais nous le sommes sur d’autres problématiques, a ainsi protesté le député (La France Insoumise) réunionnais Jean-Hugues Ratenon. Il y a urgence de prendre conscience que l’Outre-mer est abandonné. Les situations sociales difficiles, le chômage de masse, ont des conséquences directes sur les comorbidités et le désastre que représente l’épidémie sur notre territoire. Il est déplorable de constater un traitement différent de l’Outre-mer qui cache très certainement des manœuvres malsaines. Encore une fois, le gouvernement s’en remet à des méthodes brutales d’un autre temps ».
Renforts sanitaires de métropole
Un « recul des libertés » dénoncé dans des termes très vifs par le président de la France Insoumise, le député (LFI) Jean-Luc Mélenchon. « C’est la première fois qu’un texte de cette mandature concerne spécifiquement les Outre-mer, déplorait à la tribune l’opposant au gouvernement en proposant à ses collègues une motion de rejet du texte. On ne peut pas dire que la situation dans les Outre-mer n’était pas prévisible : c’est la situation de crash social dans ces territoires qui a conduit au crash sanitaire. »
Rejetés à une très large majorité par les élus de la République en Marche (LREM), le parti présidentiel ainsi que ses alliés centristes et de droite, aucune des propositions et aucun des amendements de la France Insoumise n’a prospéré.
La majorité des élus a en revanche salué le maintien de mesures économiques de soutien aux secteurs les plus impactés par la crise sanitaire comme l’hôtellerie ou la restauration.
Gouvernement, élus de la majorité comme élus d’opposition : tous ont salué d’une même voix les renforts sanitaires partis de métropole pour les Antilles et la Polynésie française. Leur nombre est pour l’instant évalué par le gouvernement à 2000 personnels supplémentaires, répartis sur les Antilles, la Guyane, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie.
Julien Sartre