LE LIVRE PRÉSENTÉ PAR SON AUTEUR
Je me présente : Nicolas Puluhen, cinquante ans, originaire de Brest.
J’y ai vécu la majeure partie de ma vie et Brest restera, à jamais, ma ville de cœur.
J’y ai eu une vie professionnelle riche mais également une vie associative très intense.
Depuis sept ans, je vis et travaille dans l’océan Indien où je suis installé en famille, à La Réunion.
Je reviens bientôt à Brest avec un livre qui a éclairé bon nombre de mes proches sur notre départ précipité en 2016.
En effet, à l’époque, il m’avait fallu, pour survivre, mettre un terme à trente-huit années de silence absolu et raconter à une partie de ma famille, ce qu’avait été mon enfance, les viols que j’avais subis, la vie déstructurée et emplie d’addictions qui en avait découlé. Ces révélations brutales, et non traitées, n’ont fait que m’enfoncer plus encore dans un dangereux mal-être. Alors, nous sommes partis.
L’an dernier, j’ai écrit mon histoire, un récit cathartique que j’ai voulu court et incisif.
Je ne souhaitais pas en faire des pages et des pages n’y voyant d’intérêt ni pour moi ni pour un potentiel lecteur (je n’avais d’ailleurs pas prévu d’être édité). Pour comprendre les mécanismes psychologiques qui entouraient ma « maladie », je me suis beaucoup documenté, seul, et j’ai découvert que mon cas était loin d’être un cas isolé. J’ai aussi pu constater que les stratégies de survie variaient d’une victime à l’autre, même si l’horreur et la destruction restaient les points communs de toutes ces vies brisées.
J’ai donc décidé que je raconterai plusieurs histoires, des histoires vécues (la mienne et celle de la petite Lorette décédée à 23 ans en 2021) mais aussi des fictions illustrant d’autres aspects de cette thématique tabou de l’inceste : le déni, l’amnésie traumatique, … la reproduction des agressions. Ces récits sont rythmés par la chanson de Pierre Perret, MON P’TIT LOUP qui vient comme une consolation entre chaque histoire. Une chanson qui m’a sauvé.
Pierre a été touché par mes récits. Il m’a écrit une merveilleuse préface que j’ai reçue à la veille de Noël… Une fête pourtant rendue définitivement sinistre par mon agresseur l’année de mes cinq ans.
Ainsi, ce livre est « en musique », et le lecteur retrouve, sous forme de QR Codes, en fin d’ouvrage l’ensemble des chansons qui accompagnent mes personnages dans les récits.
Voici le message que j’ai rédigé en guise d’épilogue et remerciements…
Je souffle.
Quatre mois intenses me séparent de la page blanche. Quatre mois durant lesquels la vie ne s’est pas arrêtée. Bien au contraire. Le travail, les déplacements, la famille, les amis, les événements musicaux et la lecture ont continué à jalonner mon quotidien. C’est entre La Réunion, Mayotte, l’île Maurice, la Bretagne, les Pyrénées et même Barcelone que j’ai pu écrire mon histoire, celle de Lorette et en imaginer d’autres pour exorciser toutes les réflexions que suscite en moi le thème de l’enfance abusée. Les heures d’avion et les temps d’agréable solitude à l’hôtel ont également été précieux pour mener à bien cet exercice initié dans un but thérapeutique. J’ai écrit partout, de jour comme de nuit. J’ai découvert avec un incroyable plaisir le carnet et le crayon dont on ne se sépare plus, ceux qui permettent de figer les idées qui d’habitude s’envolent aussi vite qu’elles naissent dans votre esprit.
Je n’avais jamais rien lu de toute ma vie sur le sujet car mes nuits hantées suffisaient amplement à saturer mon esprit résigné. Je ne suis pas un adepte des livres témoignages, préférant m’évader dans l’Histoire ou la fiction. J’ai cependant visionné, durant quatre mois, à outrance, tout ce que j’ai pu trouver de reportages pour m’imprégner des nombreux récits de victimes et d’analyses d’experts. J’ai lu tous les rapports mis à disposition en ligne par les associations de défense militant pour les droits de l’enfant. Ce travail de recherches intenses m’a donné les clés de la sémantique qui entoure le sujet, des mécanismes psychologiques qui l’accompagnent et de la législation qui l’encadre. Il m’a aussi souvent donné la nausée.
Ces derniers temps, ayant beaucoup évoqué mon sujet d’écriture, de nombreux d’ouvrages me sont régulièrement revenus comme des conseils d’amis. Tu n’as pas lu ci ? Tu n’as pas lu ça ? Tu devrais… C’est ainsi qu’en fin de parcours, j’ai consacré quelques jours au livre Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine de Vigan. Terrible récit dont l’histoire fait évidemment écho à la mienne, même si l’agresseur dans mon cas n’est heureusement pas mon père. Au moment où je me demandais de quelle manière j’allais résumer mon état d’esprit durant ces quatre mois d’écriture, j’ai lu dans son roman un passage qui résume parfaitement mon ressenti. Je vous le livre :
« Quoique je dise et fanfaronne, il y a une douleur à se plonger dans ces souvenirs, à faire ressurgir ce qui s’est dilué, effacé, ce qui a été recouvert. À mesure que j’avance, je perçois l’impact de l’écriture (et des recherches qu’elle impose), je ne peux ignorer le facteur majeur de perturbation que celle-ci représente pour moi. L’écriture me met à nu, détruit une à une mes barrières de protection, défait en silence mon propre périmètre de sécurité. » Notez qu’elle écrit là en tant que fille de victime. Je vous laisse donc imaginer la dimension qu’un tel exercice prend pour la victime elle-même.
« Au bout de la démarche »
J’ai ensuite enchaîné sur Bonjour tristesse. Rien à voir avec le sujet mais je l’avais sous la main et me suis dit qu’il n’était jamais trop tard pour découvrir les classiques du siècle dernier. À seulement 19 ans et en 150 pages, Françoise Sagan nous plonge dans la psychologie intense de quelques personnages et dans une histoire que beaucoup d’auteurs auraient peiné à accomplir en 400 pages avec une telle clarté. J’ai été impressionné. Je me suis senti con avec ma rédaction de 3e…
Au moment où j’écris ces lignes, je remarque que j’écris enfin à la première personne. Lorsque j’ai débuté, cela m’eût été impossible. Je structure ma pensée, j’écris et j’avance comme si ce livre allait être largement diffusé, alors qu’en réalité, je n’en sais rien. Je ne sais pas si ces récits seront ou non édités. Ils ne le seront qu’à la condition qu’ils suscitent l’intérêt d’une maison d’édition. J’irai jusqu’au bout de la démarche avec un ouvrage achevé, prêt à l’emploi mais je ne me lancerai pas dans l’auto-édition. C’est une décision que je considère cohérente avec ma démarche.
J’ai entendu, au sujet de cette phase de recherche, tu vas voir… Une fois que tu as écris, le plus dur reste à venir. Non ! Pour ma part, je vous l’assure, le plus est et restera toujours derrière moi.
Quoi qu’il en soit, à ce stade, mes récits ont fait le job (comme dirait mon ami et patron, Roland), celui que j’étais en droit d’attendre d’eux. Premièrement, je me suis libéré d’un poids mortel. C’était le but initial. Il est atteint. Deuxièmement, ceux à qui je voulais confier mon histoire y ont eu accès et leurs témoignages d’amour, d’amitié, m’ont ému aux larmes. Grâce aux nombreux amis qui se reconnaîtront, je ne suis plus le même aujourd’hui. Je veux qu’ils sachent à quel point leurs encouragements ont impacté une psychologie que je pensais définitivement figée à un stade victimaire.
C’est peut-être trop tôt pour le dire mais je pense (j’espère) avoir neutralisé ce que mes visions dévorantes provoquaient en moi avant ce livre. Je ne dors pas davantage aujourd’hui car je crois qu’une victime est toujours amputée de quelque chose. Chez moi, c’est le sommeil qui a définitivement été endommagé. Cependant, je ne ressens plus cette angoisse et cette sidération qui pouvaient encore me happer il y a de ça quelques mois. Je vois la scène. Elle ne m’impacte plus. Je peux maintenant dire à mon agresseur de bien aller se faire foutre ! Et quand je ne dors pas, eh bien je lis, alors merci la vie !
À cette victoire, je crois utile d’ajouter une précision qui est loin d’être anecdotique. En effet, alors qu’une trentaine d’amis plus ou moins proches avaient lu le manuscrit de Lutter pour vivre, j’ai eu, comme je l’ai dit précédemment, de nombreux retours. Parmi cet « échantillon » (le mot a son importance dans la démonstration qui suit), six ont écrit ou dit des choses qui commençaient par « Moi aussi, tu sais.. » . ou « Je ne l’ai jamais dit à personne mais… » ou encore, « Je me retrouve dans ce que tu écris… » SIX ! SIX sur TRENTE. Nous sommes au-delà des statistiques « officielles » qui auraient tendance à affirmer que sur une classe d’école, deux à trois élèves seraient victimes d’inceste (selon le sondage IPSOS de Nov 20 pour l’association Face à L’Inceste).
Pour réaliser ce travail (car je l’ai considéré comme tel), j’ai été porté et je me dois de remercier chaleureusement certaines âmes qui ont compté au-delà de tout. D’abord, mes amis, Chris LC, Jacques LC (et leur fils Néri) qui, avec leurs mots, m’ont retranscrit les dernières années de vie de Lorette. Je les remercie de l’honneur qu’ils m’ont fait en me confiant la mission d’immortaliser sa trop courte vie. J’espère avoir été à la hauteur de leur confiance à travers le récit Lutter our mourir.
« À jamais sur ma peau »
Mon frère Benoît, qui a su m’apporter toute son analyse et son talent pour canaliser le style brut et sans concession qui est sorti de ma plume sans que je ne le décide vraiment. Mon ami Polo Pierre Lamy, qui a chaleureusement encouragé ma démarche et m’a également incité (comme mon frère) à réécrire le récit au présent. Merci d’avoir insisté. Ce temps a été aussi douloureux à employer que productif.
J’ai eu le culot d’envoyer mon manuscrit à quelques auteurs et autrices. Certains ont eu l’extrême gentillesse de me faire un retour. Qu’ils l’aient lu ou non, leurs mots m’ont honoré. Je tiens à remercier entre autres Pierre RAUFFAST, Yoann BARBEREAU, Colin NIEL, Marie VAREILLE… La palme revenant à Françoise Le Gloahec que je remercie un genou à terre ! Françoise ne s’est pas contentée de lire. Elle a corrigé tous mes récits, elle m’a encouragé, elle m’a donné la foi. Je crois pouvoir affirmer que nous avons même démarré une amitié épistolaire.
Enfin, cela n’aura échappé à personne que la musique occupe une place prépondérante dans mon existence. Je remercie Pierre PERRET qui, sans le savoir, m’a sauvé la vie. Je salue cet immense artiste dont les mots et l’intention font de lui un des rares artistes ayant osé traiter le sujet de l’enfance abusée. J’invite tous les artistes qui liront ces lignes à en faire autant. Écrivez ! Parlez-en ! Vous ne ferez probablement pas un tube mais un jour, un enfant quelque part écoutera vos paroles et vous lui ferez du bien. N’est-ce pas une belle récompense ? Écrivez s’il vous plaît…
J’ai écouté Mon P’tit Loup des milliers de fois, jusqu’à l’obsession. Jusqu’à demander à mon ami Fredogres que Pierre Perret écrive de sa main le refrain de la chanson. Juste pour moi. Et il l’a fait. C’est aujourd’hui à jamais sur ma peau. Merci.
L’histoire du baladeur restera le symbole le plus marquant. Celui de ma vie d’adolescent vécue à travers le prisme des agressions qui chaque jour m’obsédaient. Il m’a fallu deux mois de recherches sur les sites d’occasion pour retrouver d’un côté le baladeur et d’un autre le casque. J’ai retrouvé le modèle exact de l’appareil qui avait été subtilisé puis détruit par mon agresseur. À la lecture du récit, le photographe brestois Mathieu le Gall a su retranscrire à la perfection l’image du baladeur démoli, à jamais gravée dans mon esprit. Merci mec !
Je crois que je vais mieux.
Nicolas Puluhen
ASSOCIATIONS DE RÉFÉRENCE
Association Colosse aux pieds d’argile
Association Mémoire Traumatique et Victimologie
Préface de Mon P’tit Loup
« Mon p’tit loup »
Ou…. « Lutter pour vivre » ….
Ces titre et sous-titre illustrent un seul et même combat, celui de la survie. Echapper du désespoir par tous les moyens. Ces terribles récits hyper-réalistes que nous offre ici Nicolas Puluhen, eussent pû me servir de modèle durant les trois années que nécessitèrent l’écriture du « P’tit loup ». Parvenir à mettre un terme, même s’il n’est pas « définitif », à un « Niagara de larmes ». Par n’importe quel moyen. Tel était mon but. On m’a posé cent fois la question depuis la naissance de ma chanson : « qu’est-il arrivé EXACTEMENT » à « mon p’tit loup » ? Eh bien, les récits glaçants illustrent grandement dans ce livre ce que j’ai voulu taire dans ma chanson. J’ai préféré laisser à tous les « P’tit loups » de la terre le choix de s’attribuer ces couplets que j’ai souvent qualifiés au final de « chanson de grande consolation ». Toute la « misère humaine », n’est-elle pas évoquée dans cet ouvrage ? Toutes les hypocrisies tous les mensonges que l’on peut attribuer à l’éducation, aux religions, ne résonnent-elles pas ici en un écho assourdissant ?…
Cet ouvrage offre un champ d’investigation coloré de tant de tristes couleurs, qu’hélas, nombre de « P’tits loups » s’y reconnaîtront à coups sûr. Grand merci Nicolas, d’en avoir livré les douloureuses vérités trop rarement révélées. La concision de l’écriture n’en souligne que davantage le cruel réalisme. Chaleureux et sincère merci cher Nicolas pour ces nécessaires et salutaires récits.
Pierre Perret