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[L’Eko la Ravine] « Ferveur, dévotion et spiritualité »

Le carême chrétien se termine et la passion du Christ rencontre toujours la même ferveur. Moment intense pour beaucoup de Réunionnais catholiques qui manifestent leur compassion à travers la souffrance de Jésus mort et ressuscité. C’est l’occasion pour le peuple de se rassembler dans la fraternité et de communier avec l’esprit de Dieu. Mais une fois de plus, je me rends compte du fossé existant entre les fidèles d’une part et l’Eglise catholique d’autre part, cette organisation planétaire qui « abreuve » les esprits.

Ayant assisté dernièrement à une messe, celle des Rameaux (*), je me suis rendu compte de la dévotion de l’assemblée buvant les saintes paroles du prêcheur. Je me suis toujours demandé si l’homélie du prêtre correspondait à une réalité quelconque de notre vie quotidienne et je me demandais de quoi étaient faites les journées de mes voisin(e)s. Etaient-elles remplies d’amour et d’enthousiasme comme proclamés ou alors de méfiance sécuritaire et d’égoïsme ? Vient-on à la messe par habitude ou pour expier ses péchés par peur de ne pas entrer au paradis ?

Fidèles chrétiens amnésiques

Le doute m’habite car je ne perçois pas toujours la cohérence entre les deux mondes. Je serais plutôt confiant dans ce que je constate autour de moi, dans ma famille et dans mes relations de voisinage ou de travail. Apprécier une personne par ses qualités intrinsèques, son dévouement de tous les jours a plus de signification à mes yeux que de serrer la main d’un inconnu chaleureux le temps d’une séance dogmatique. J’ai connu dans le passé de fidèles chrétiens bipolaires ou amnésiques. Ce n’est pas le cas de tout le monde bien sûr.

Pourtant, j’ai reçu une éducation catholique depuis mon enfance, même si je n’aimais pas aller au catéchisme.  Baptême, communions, confessions, mariage religieux… Très jeune, je m’ennuyais déjà à l’église et y somnolais parfois, jusqu’à ne plus y aller. Mais ce sacré doute (Dieu existe-t-il ?) vous tenaille et on continue à obéir et reproduire les codes chrétiens. Nous vivons dans cette hypocrisie à des degrés divers.

Dieu est en nous

On dit qu’il vaut mieux s’adresser au bon Dieu qu’à ses saints. Effectivement, je crois fermement à l’existence de cet être supérieur qu’on appelle Dieu. Il m’arrive souvent de le vénérer et de prier, non pas pour des questions matérielles mais plutôt pour l’amour de mon prochain et m’élever spirituellement à travers lui. Mais le Dieu que je me représente n’est pas blond chevelu et barbu avec une couronne d’épines sur la tête, tantôt il est noir, brun ou jaune et je le rencontre quelquefois dans la rue. L’image qu’on a collée dans ma chambre a fini par se décolorer. Oui Dieu est en nous à chaque instant, que l’on soit en liesse ou à la peine, il est à nos côtés, il suffit d’ouvrir son cœur et son âme. Nos anciens aussi sont près de nous, invisiblement présents.

Certains prêtres catholiques enseignent cette sagesse et toute l’abnégation dont on doit faire preuve le long de notre chemin de vie. Comprendre la parole de Dieu c’est aussi se comprendre soi-même et savoir regarder les autres autrement que pour ses intérêts immédiats. A travers l’évangile, on doit comprendre le sens du détachement, de l’amour, de la piété, de la spiritualité. Tout n’est donc pas mauvais ni à rejeter dans la religion, c’est avec l’étincelle de tes yeux et la flamme de ton cœur que naîtront le bonheur et la plénitude.

Mutisme de l’Eglise

Je n’ai rien contre les fidèles ni les prêtres qui officient, ce sont des êtres humains avant tout, des Pères et des Mères qui retrouvent un moment de paix avec eux-mêmes, de pardon, de don aussi, le temps d’une matinée dominicale. Nous avons besoin de croire, d’avoir confiance en nous et en les autres car souvent nous ne savons pas nous rencontrer nous-mêmes ni nous rapprocher en toute confiance en dehors de ces moments-là.

Ce que je comprends moins, c’est la distanciation pour ne pas dire la cécité et le mutisme de l’Eglise face à certaines réalités historiques et actuelles. Je veux parler des dogmes, du rapport à l’esclavage, de la soumission, de l’alliance avec le pouvoir politique malgré la Loi de séparation de 1905, de la complicité du clergé à toute décision gouvernementale : on a bien compris la position du pape François dernièrement, parlant des injections co-vid comme étant un « acte d’amour » et bien sûr des millions de fidèles entendent par sa voix la parole de Dieu. Aujourd’hui, on ferme volontairement les yeux sur les dommages collatéraux et on n’ose surtout pas questionner le très Saint, complice de cette mascarade.

Vivre heureux

On ne mesure pas suffisamment la puissance ecclésiastique au service du pouvoir en place. Je pense sans trop me tromper que l’Eglise nous demande de temps en temps par voie spirituelle d’accepter d’être sobre en toute humilité sans remettre en cause les abus, malversations et pillages du monde politico-financier, que nous subissons par ailleurs. On peut vivre heureux avec très peu et s’en remettre à Dieu, bien évidemment. Les croyances sont plus tenaces que certaines vérités pas bonnes à dire.

Soyez en paix avec vous-mêmes.

Georges Ah-Tiane pour l’Eko la Ravine

(*) Le dimanche des Rameaux célèbre l’entrée de Jésus-Christ à Jérusalem. Dans la tradition juive, les rameaux de palmier et le mot « Hosanna » évoquent la fête des récoltes.

A propos de l'auteur

Georges Ah Tiane | Reporter citoyen

Georges Ah-Tiane est impliqué dans la vie associative depuis 1990. En France où il a vécu de nombreuses années, il s’est investi dans la promotion de la culture réunionnaise au travers de nombreux biais : en créant des associations, en enseignant le créole, en mettant en avant le patrimoine culinaire péi ou encore la musique. Il a créé des ponts entre La Réunion et la diaspora installée en France. Il a participé à une radio associative pendant douze ans avant de créer des fanzines ou petits journaux, « carry créole », « la lettre d’art’s ». De retour à La Réunion, il s’est impliqué dans la langue créole et « la conscientisation », avec l’objectif d’analyser la société réunionnaise, comprendre son fonctionnement. Dans le but de « voir quels sont les freins et comment les contourner pour aller de l’avant ». Cette chronique hebdomadaire fait suite à la gazette “kreo-lutionnaire” imprimée, l’Eko la Ravine, qu’il a tenue entre 2019 et 2020.