TYP président du Komité Pangar et Ghislaine Bessière présidente de Rasine Kaf

Les associations culturelles et mémorielles demandent des comptes sur les découvertes historiques

Lors d’une conférence de presse boudée par les médias locaux, le collectif pour la restitution des crânes d’esclaves réunionnais retrouvés à Paris s’interroge sur le devenir des découvertes historiques de Klara Boyer-Rossol.

Tous les médias réunionnais, sauf Parallèle Sud, ont boudé lundi matin la conférence de presse organisée par Ghislaine Bessière, présidente de l’association Rasine Kaf, dans les Jardins de la liberté (ex square Labourdonnais) voisin de la préfecture où le ministre Manuel Valls recevaient les acteurs politiques et économiques de La Réunion. Elle voulait pourtant porter un appel signé par une cinquantaine d’associations culturelles et mémorielles dont nous avions publié les noms vendredi dernier. 

TYP, président du Komité Pangar, a rappelé que cet appel fait suite aux découvertes de l’historienne Klara Boyer-Rossol tant sur les travaux anthropologiques d’Eugène Huet de Froberville (1845) que sur les crânes d’esclaves prélevés en 1840 par Alexandre Dumoutier lors de l’expédition de l’Astrolabe et de la Zélée.

« Nous, ce que nous voulons, c’est vraiment pouvoir récupérer non seulement les bustes qui ont été faits mais aussi les témoignages et les archives qui vont avec. » Plus largement, il insiste sur la portée identitaire de ce combat : « C’est extrêmement important que l’on en revienne à ce qui fait de nous des hommes dignes pour que nos enfants aient la fierté de se lever et de défendre leurs droits. »

Une convention avec le Musée de l’Homme ?

Le collectif des signataires de l’appel s’interroge sur une convention qui aurait été signée avec le Musée de l’Homme. « On a appris qu’il y a une convention qui a été signée avec le Musée de l’Homme. On ne sait pas qui l’a signée. Est-ce que c’est le département ? Est-ce que ce sont des individus ? Des associations ? », demande Ghislaine Bessière qui réclame l’accès au document et envisage la signature d’une nouvelle convention.

Un travail parlementaire est déjà amorcé, avec le soutien actif du député réunionnais Frédéric Maillot. Une première réunion a rassemblé des représentants d’associations ultramarines et des parlementaires car la demande de restitution de restes humains collectionnés au Musée de l’Homme à Paris concerne tout l’outre-mer.

Kabar et pétition

Des associations de Guyane, de Guadeloupe et d’autres DOM-TOM se joignent au mouvement. « Cette rencontre a été fondamentale, car il est question de se rassembler, l’ensemble des pays d’Outre-mer, pour changer la loi de décembre 2023 et permettre la restitution de ce patrimoine humain dans les îles auxquelles ils appartiennent », déclare Ghislaine Bessière.

À La Réunion, le collectif refuse que les restes soient déposés dans des lieux associés à l’esclavage, comme l’ancien musée Desbassayns, perçu comme « un lieu de plantation ». Il propose des alternatives plus respectueuses, comme la prison Juliette Dodu ou la Maison Barre-Desramond, tout en appelant à la création d’un musée réunionnais de l’esclavage et de l’engagisme.

Une stratégie de mobilisation a été lancée, notamment à travers de « Kabar la kour ». Le collectif prévoit aussi des actions culturelles, des pique-niques et une pétition. « Signer ne suffit pas. Il faut qu’on aille jusqu’au bout, parce que le temps est venu de mettre à nous en accord sur la place que nous voulons accorder à nos ancêtres », conclut Ghislaine Bessière.

Franck

Cellier

APPEL À TOUTES LES ASSOCIATIONS CULTURELLES ET MEMORIELLES

Cet appel s’adresse sans exclusive à toutes les associations culturelles et mémorielles de la Réunion afin que nous nous mobilisions, pour réclamer de façon collective, la restitution de notre patrimoine vivant, et notamment des restes humains retrouvés au musée de l’Homme à Paris.

D’ores et déjà nous lançons un appel à toutes les associations mémorielles et culturelles pour préparer cette mobilisation et présenter ensemble une motion au gouvernement pour la restitution des crânes et des bustes des ancêtres réunionnais et la création d’un musée de l’esclavage.

C’est notre droit à l’histoire et nous le faisons dans le cadre de notre devoir de mémoire et de transmission.

Après la découverte par l’historienne, Klara Boyer-Rossol, chercheuse au Centre Internationale sur les esclavages (CIRESC) d’une cinquantaine de bustes d’affranchis mauriciens, effectués in vivo sur plâtres, par l’anthropologue Eugène Huet de Froberville avec leur propre consentement, ces biens patrimoniaux à destination ethnographique à l’origine, ont fait l’objet aujourd’hui d’une restitution, du moins en partie, au musée de l’esclavage à Maurice, en Février 2025. Une copie de ces moulages ayant été donné par la famille de Eugène Huet de Froberville au musée de l’homme à Paris. Une série d’entretiens avec les esclavisés ont également été réalisés par cet ethnologue en 1845 à la Réunion. (voir l’article de Parallèle Sud du 5 mars 2025: une historienne retrouve des crânes et des bustes d’esclaves de la Réunion à Paris).

Le transfert de cette exposition intitulé Visages d’Ancêtres s’est effectué sous la direction de l’historienne Klara Boyer Rossol. La loi du 26 décembre 2023 fait suite à la demande des pays africains de restitution de leur patrimoine, parsemé dans différents pays d’Europe pendant la colonisation, et lors des expositions coloniales: « les zoos humains» notamment.

C’est dans ce cadre qu’ont pu être restitués le corps de Swatche-Saartje Baartman, plus connue sous le nom de Vénus Hootentote à l’Afrique du sud en 2002, des têtes maories à la Nouvelle Zelande entre 1985 et 2012. On peut citer également le crâne du chef kanak Atai qui a été restitué au clan Hawa de Nouvelle Calédonie dans le cadre des accords de Nouméa, le crâne du roi Sakalave Toera tué par les troupes coloniales en 1897.

L’historienne Klara Boyer-Rossol a continué sa recherche en Afrique de l’Est et a trouvé, de façon fortuite, car relégués et non classés des crânes d’esclavisés réunionnais effectués post-moyen dans le cadre d’une étude ethnographique raciale.

A la Réunion, nous manquons de représentations de ces travailleurs de l’ombre, seulement quelques gravures ; aussi, ces masques .et ces entretiens revêtent pour nous une valeur patrimoniale inestimable.

C’est à ce titre que nous réclamons :

- une dérogation de la loi du 26 décembre 2023 au profit des Outre-Mer, lieu de la mise en oeuvre de l’esclavage et de toute sa domination, afin de pouvoir permettre le retour de ces restes humains qui fait partie de notre patrimoine commun.

  • La restitution à la Réunion des crânes et moulages des esclavisés décédés, réalisés par le mouleur phrénologue Pierre Marie Alexandre Dumoutier à l’hôpital colonial de Saint-Denis à Bourbon entre 1837 et 1840.
  • La diffusion et la mise à la disposition du public des entretiens réalisés par Eugène

Huet de Froberville lors de sa venue à la Réunion en 1845.

  • Les moulages réalisés également sur les corps défunts des travailleurs malgaches dans les années 1860, soit après l’abolition de l’esclavage.
  • La création d’un musée public de l’esclavage où seront exposés tous ces masques et ces bustes de nos ancêtres esclavisés et engagés.

Ce lieu doit être un lieu public et non pas un lieu d’habitation d’anciens maîtres esclavagistes tel le musée Desbassayns par exemple ou autre, car ce serait faire preuve d’un manque d’éthique que de faire retourner ces restes humains sur le lieu de leur exploitation inhumaine, ce que nous refusons; préférant en cela la Prison Juliette Dodu qui est le lieu de la Résistance par excellence, car c’est là où ont été emprisonnés tous les résistants à l’esclavage, notamment, les résistants de Saint-Leu ou un autre établissement public qui répondrait à ces critères.

A ce titre, nous réclamons également que des fouilles archéologiques soient effectuées dans les lieux où ont été exécutés à la hache les 18 résistants de Saint-Leu afin de nous permettre d’inhumer dignement et symboliquement ces résistants, dont les têtes ont été parsemées aux quatre coins de l’ile. Réunir les têtes et les corps dans une cérémonie funéraire spirituelle et publique serait permettre à ces héros de la liberté de retrouver leur intégrité physique et leur unicité.

Et dans la continuité de ces actions publiques et institutionnelles, la création d’un musée itinérant de l’esclavage et de l’engagisme dans le cadre de la Route de l’Esclave et de l’Engagé édifié par l’UNESCO en 2010.

Associations et Personnes Signataires

ARTISTIK FUSION FONKER: Présidente Nadine SAM-CHIT– CHONG

Association ANKRAKÉ : Président Eric ALENDROIT

Association ASENM (Ass Sours Eritaz Nout Memwar) : Président Jean David PELOPS

Association 1,2,3,FANM Présidente NiNini Bassonville

Association Nout FARFAR: Patrice SADEYEN

Association LANTOURAZ bann GAYAR LA BÉ Président Rudy GUEDJ

Comité MORING de Villèle: représentant Farid AUBRAS

DOMOUN ZAZALÉS: Représentant Xavyé RIVIR

Eric NAMINZO Pro-Formateur, Consultant

Fabienne FLORAMIR: Enseignante du premier degré

Editions JAKOTO, Président : Patrice SADEYEN

Association KAFPAB : Présidente Patricia PROFIL

Lantant LKRL LA LANG LA KILTIR KREOL DAN LEKOL

Président Giovanni PRIANON

Nathalie NEMER : En Son nom personnel

Komité ELI : Président Yvrin ROSALIE

Komité PANGAR : Président : TYP EMOTSTION

Association LABEL FRÈR2SON : Président : Nathaniel MITHRA-FONTAINE

Association NOUT MEMWAR ek NOUT PATRIMWANE: Présidente: Alexandrine

DUCHEMANE ARAYE

Association RASINE KAF : Présidente Ghislaine MITHRA-BESSIERE

Association RASS (Rézo. Artistik e Sosiokiltirel): Présidente Flora ARZEUX

TI SOMIN GRANSOMIN : Président Gaël VELEYEN *

Association UNIS vers CITÉ PEÎ: Président Manuel VERGINE*

Soubaya Luçay PERMALNAiCK en son nom personnel

TECHER WILLY dit Babou B’Jalah Fonkézèr

CATIJAMS Artiste Plasticienne

L’association LA FE NWAR Judith PROFIL dit Kaloune

BANN ROULERKILLER,Président Jean ANEMOUTOU

Marie-Ange THEBAUD en son nom propre

Florence BOYER, Chorégraphe

Association MIARO, Charlotte RABESAHALA, anthropologue

Patrice ATCHICANON en son nom propre

Sophie ROTBARD Art Sénik

Mathieu LAUDE-PERSEE Komité Rényoné Panafrikin

Paelle GIGAN Artiste-musicien

Soa RAVELO Artiste musicienne

Sofy DJIBRIL En son nom personnel

Association LANTOURAZ LE’O Kalou Tanka

Patrice PAYET En son nom propre

Monique TURPIN En son nom propre

Marie Noëlle PAVOT En son nom propre

Cathy SINGAÏNY Auteure, Artiste Conteuse Angelina IMIRA : En son nom propre Lionel RIVIERE En son nom propre

Annaëlle LATCHIMY Artiste

Natacha RADIA Chorégraphe

Lolita MONGA Autrice, Comédienne Virgine SANGANI En son nom personnel

Fabrice Bonn ‘Erick en son nom propre Julie AROUBANI En son nom propre

Marmay Gayar TRADISON Gaêl MAILLOT

Association KOURANBRIZAN Réunion Président GIANNI

Zandré JORON En son nom propre

Association BATTLEDELOUEST: Président Shany ARZEUX

Lola LAVIGNY En son nom propre

Nicolas SERY : Artiste musicien

Mickael CROCHET en son nom propre

Compagnie TILAWCIS directeur Florient JOUSSE

A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.

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