Les concertations citoyennes : notre McKinsey local ?

[LIBRE EXPRESSION]

Les Français ont appris avec effroi —mais sans surprise— que des cabinets privés étaient payés à coup de contrats à plusieurs millions pour faire le boulot de l’Etat, c’est–à–dire définir et mettre en œuvre des politiques publiques.

Si nous pensons que cela ne concerne que les grands ministères parisiens, détrompons-nous… Ici à la Réunion, quelques agences de conseil et de communication institutionnelle sont bien établies sur la place. Leur rôle ? Faire à la place de nos collectivités, parfois mieux, pour beaucoup plus cher.

En relisant le billet de Frédéric Lordon « Leur Société et la Nôtre », j’y ai trouvé de troublantes ressemblances. Je cite : « Pour ceux qui peinent encore à saisir quelle idée de la démocratie on se fait depuis la Firme des animaux, il reste cette information de choix que le gouvernement a chargé les cabinets de conseil d’organiser… les « concertations citoyennes ».»

Les concertations citoyennes, késako ? Vous avez dû en entendre parler, il s’agit de ces simulacres de démocratie participative qui ont le vent en poupe ces dernières années.

Le principe : on invite les citoyens à venir donner leur avis sur tel projet d’aménagement, tel projet de transport en commun… Une bonne chose en apparence… Sauf que les collectivités, déjà exsangues, ont rarement les ressources humaines ou les compétences pour animer ces exercices.

Résultat : elles externalisent à des cabinets de conseil qui se sont spécialisés dans l’affaire et qui vous pondent la stratégie de A à Z, depuis le flyer A5 jusqu’à l’animation des réunions avec les habitants.

Qu’importe que leurs documents ne soient compréhensibles que d’une poignée d’initiés tant ils sont complexes, l’important c’est qu’on ait fait semblant que le projet résulte d’un large consensus citoyen. Pour preuve, je vous invite à aller consulter un dossier de concertation, l’alpha et l’omega de toute concertation citoyenne. C’est un charabia qui ressemble dangereusement à du novlangue technico–administratif.

Ces concertations citoyennes sont surtout une manne financière importante pour ces cabinets puisque ces contrats s’élèvent à plusieurs milliers d’euros (comptez entre 40 000 et 60 000 euros pour une petite concertation). Tout ça sur le dos de nos contribuables, avec de l’argent public, sous le regard mi-complice mi-résigné de nos décideurs publics.

Je ne parlerai même pas de ces agences locales qui deviennent les services communication bis des collectivités, à la limite du conflit d’intérêts, ni du train de vie que mènent ces consultants, à faire pâlir le commun des mortels…. ce sera peut – être pour une autre fois.

Bref, au pays de la démocratie confisquée, les cabinets de conseil sont rois.

Brutus Politik

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