Madame Yvonne la tisaneuse de Nosy Komba

[Madagascar] Les secrets des plantes malgaches

REPORTAGE A NOSY KOMBA

Madame Yvonne est la tisaneuse de Nosy Komba. C’est aussi la première à avoir arpenté les sentiers de la montagne en tant que guide. Aujourd’hui âgée de 82 ans elle ne peut plus monter en forêt mais dispense toujours autant de conseils précieux sur les plantes de son île dont nombre d’entre elles sont aussi présentes à La Réunion.

Elle est rigolote Mme Yvonne. Gourmande aussi. Comme on le voit sur cette photo, où elle s’est mis de la crème sur le visage pour poser. Elle est en train de manger le gâteau d’anniversaire d’une de ses petites nièces, sa petite-fille lui a gardé une part. Elle la connait bien. Parfois, elle l’emmène s’assoir sur le petit banc du salon de thé, derrière chez elle, où l’on boit le thé cola et on mange des parts de godrogodro, un gâteau à base de farine de riz et de lait de coco.

Madame Yvonne a 82 ans, c’est la doyenne du village. Tout le monde la connait à Nosy Komba. D’ailleurs une bonne partie des habitants du village d’Ampangorinana fait partie de sa famille. Elle est la première guide de l’île, à emmener les voyageurs visiter la forêt. La montagne culmine à 600 mètres d’altitude et abrite une dizaine de petits villages.

La forêt regorge de médicaments naturels

Mme Yvonne est née à Nosy Be. Avant d’arriver à Nosy Komba en 1972, elle a travaillé en tant que femme de ménage, blanchisseuse puis vendeuse dans une librairie. « A cette époque, c’était très dur à Madagascar », raconte-t-elle. « Il n’y avait plus de riz ni de savon, le président Gabriel Ramanantsoa voulait qu’on oublie la France. On ne mangeait que du manioc, des patates, des fruits à pain et des bananes, et après ça, on recommençait, pour économiser le riz. Dans les hauts plateaux ils étaient riches, mais ici on était pauvre. »

Madame Yvonne est guérisseuse. Elle a appris à soigner par les plantes avec son papa, alors qu’il s’apprêtait à mourir. « J’ai noté toutes les plantes dont il m’a parlé dans un livre ». La forêt regorge de médicaments naturels dont elle a appris à se servir, par l’expérience et l’échange de connaissances. Aujourd’hui, dans chaque conversation, elle glisse des conseils pour soigner les vomissements, la diarrhée ou encore les problèmes de prostate.

Une pincée de sucre sur de la braise contre le rhume

« Si tu as mal au ventre, tu n’as pas de Spasfon, tu mâches la moitié d’une noix de cola et ça calme tout de suite. Tu avales le jus et tu jettes le reste, c’est un peu amère. Mais attention, si tu bois trop de thé cola, tu as envie de faire l’amour et tu n’as pas sommeil », s’amuse-t-elle. Ici, les jeunes, en particulier les hommes, utilisent beaucoup cette noix pour avoir de l’énergie. « Pour le rhume, nous on fait des inhalations. On met une pincée de sucre sur de la braise et on inspire avec une serviette sur la tête et le rhume part. »

La tisaneuse glisse une prière au moment de soigner la personne qui vient la consulter : « Dieu, c’est toi qui a planté cet arbre et on va soigner cette personne – tu dis le nom de la personne – avec cette plante, il boit ça et il sera guéri. Et après, s’il est guéri tu remercies. »

Les petits-enfants prennent la relève

« Si c’est pas grave, avec les plantes, ça passe vite », affirme la vieille femme. « Mais pour toute maladie, il faut soigner avant que ce soit grave et qu’on ne puisse plus rien faire. Après, il faut aller à l’hôpital. C’est bien quand même d’avoir toujours quelques médicaments chez soi parce que si on est malade la nuit, on ne peut pas courir dans la forêt. »

Elle a arrêté de monter dans la forêt en 2018, parce que ça devenait compliqué physiquement. « J’ai des palpitations, c’est fini, les batteries sont faibles », ajoute-t-elle en riant d’elle-même. Aujourd’hui, sa petite-fille Elisa et un autre petit-fils ont pris la relève. C’est elle qui, désormais, entraîne les visiteurs sur les sentiers et leur fait découvrir les plantes et leurs usages*. A Nosy Komba, on retrouve une quantité impressionnante de plantes présentes aussi à La Réunion.

  • Liane d'escargot dans les forêts de Nosy Komba à Madagascar
  • Corossol dans les forêts de Nosy Komba à Madagascar
  • Herbe à papillon dans les forêts de Nosy Komba à Madagascar
  • Feuille de jacquier dans les forêts de Nosy Komba à Madagascar
  • Lazalaza dans les forêts de Nosy Komba à Madagascar
  • Lazalaza dans les forêts de Nosy Komba à Madagascar
  • Dans les forêts de Nosy Komba à Madagascar
  • La fougère "patte de lézard" dans les forêts de Nosy Komba à Madagascar
  • La sensitive dans les forêts de Nosy Komba à Madagascar
  • La feuille de goyave dans les forêts de Nosy Komba à Madagascar
  • L'ylang-ylang dans les forêts de Nosy Komba à Madagascar

Don et savoirs traditionnels

« Les gens ne savent pas qu’on peut soigner la fièvre avec le galabert », poursuit la vieille femme, assise sous le kiosque à côté de chez elle, son livre posé sur la table. « En inhalation d’abord et puis tu mets la marmite sous un drap entier. Tu la places dans le dos parce que la fièvre monte par la colonne vertébrale. Tu bois trois cuillères et ça passe. »

L’île ne compte ni hôpital ni médecin. Simplement un petit dispensaire avec quelques médicaments français très chers et deux infirmières. A chaque touriste qui repart, il récupère quelques boîtes de Doliprane ou de Smecta.

Dans le village d’à-côté, un homme fait office de médecin et soigne à travers les techniques traditionnelles, les plantes et les prières. Ce n’est pas n’importe qui : il possède un don issu de sa famille et son père, Tsiavon Robert, l’octogénaire agriculteur et rebouteux qui habite dans la forêt, lui a transmis tous ses savoirs. Il reçoit tellement de personnes en consultation qu’il est en train de construire un bâtiment pour accueillir les malades et les soigner. Même si les méthodes traditionnelles ont moins la cote qu’il y a quelques années, l’éloignement permet aux traditions de survivre. Madame Yvonne le connait bien et lui envoie certains de ses patients, en particulier quand il est question de réparer des os cassés.

Le petit dispensaire en construction à Nosy Komba à Madagascar permet d'accueillir les malades et de les soigner avec les méthodes traditionnelles, principalement à travers l'usage des plantes.
Le petit dispensaire en construction permet d’accueillir les malades et de les soigner avec les méthodes traditionnelles, principalement à travers l’usage des plantes.

Jéromine Santo-Gammaire

*Attention, les noms des plantes sont ceux donnés par Mme Yvonne et Elisa à Madagascar, ils peuvent être différents à La Réunion ou dans un autre pays, ou un même nom correspondre à une autre plante. Il faut bien vérifier avant de tenter d’en faire usage.

A propos de l'auteur

Jéromine Santo Gammaire | Journaliste

En quête d’un journalisme plus humain et plus inspirant, Jéromine Santo-Gammaire décide en 2020 de créer un média indépendant, Parallèle Sud. Auparavant, elle a travaillé comme journaliste dans différentes publications en ligne puis pendant près de quatre ans au Quotidien de La Réunion. Elle entend désormais mettre en avant les actions de Réunionnais pour un monde résilient, respectueux de tous les écosystèmes. Elle voit le journalisme comme un outil collectif pour aider à construire la société de demain et à trouver des solutions durables.

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