[Madagascar] Les 5 couleurs de cacao des forêts de Nosy Komba

REPORTAGE

Les pentes de la montagne de Nosy Komba mêlent abondance de récoltes et vie traditionnelle simple. Au sommet de cette petite île voisine de Nosy Be, dans le nord-ouest de Madagascar, on produit la vanille la plus réputée du pays mais aussi plusieurs variétés de cacao.

Le grand-père s’adresse à son petit-fils d’une voix basse et lente, comme le sont ses mouvements. Le regard à mi-hauteur, la tête légèrement penchée en avant. Le jeune homme de 29 ans hoche la tête, sans un mot, pendu à ses lèvres. Même sans comprendre le malgache, on perçoit la solennité de l’échange entre deux générations, le poids de paroles où les mots sont pesés. Le grand-père de José, Tsiavon Robert, a 86 ans, c’est l’un des plus âgés de l’île. Il est connu comme le rebouteux, il a soigné longtemps, grâce à un don hérité de ses ancêtres, par les tisanes et les prières, les gens qui venaient le voir.

1h30 de marche

Il a fait monter José dans la montagne pour lui parler. Ça faisait un an que le jeune homme, gérant d’un hôtel dans les bas, n’était pas retourné dans son village, situé à environ 400m d’altitude dans la forêt de Nosy Komba, à 1h30 de marche. La dernière fois qu’il est venu c’était pour inaugurer un espace sacré pour les ancêtres de la famille. Dans ce village d’une dizaine de cabanes vivent des membres de la même famille. Certains sont partis bien sûr, à Nosy Be ou plus loin, sur la grande terre. D’autres sont restés ou sont revenus, travaillent dans les champs ou la construction, ici ou dans un des villages voisins, il y en a une dizaine nichés dans la montagne.

À la fin de la discussion, le grand-père saute sur ses pieds dans un mouvement vif qui contraste avec le débit de ses paroles. Le vieil homme malgré son âge est toujours actif et travaille tous les jours dans ses champs qui environnent le village. À Madagascar, il n’y a pas de retraite. Comme ses terres sont grandes, il a réparti des parcelles entre ses enfants et petits-enfants. Avant, beaucoup de gens traversaient les petits sentiers qui parcourent son terrain pour découvrir ses machines avec lesquelles il pressait la canne à sucre. Aujourd’hui, elles sont exposées dans le petit musée situé sur la côte, à Ampangorina. Après avoir fait bouillir le jus, il ajoutait une plante, le bihai, qu’il laissait fermenter 3 ou 4 jours. Il était le seul de l’île à fabriquer cet alcool local appelé le BetsaBetsa. Depuis 15 ans, il s’est concentré sur la production de cacao, contraint à arrêter celle de l’alcool par les autorités administratives qui estimaient qu’il devait payer une taxe rétroactive sur les 40 années précédentes s’il souhaitait continuer.

Chair sucrée

Son terrain compte plusieurs variétés de cacao. À 14h, en dépassant la petite place et les premières cases, on voit les adolescents, à l’ombre, fendre à l’aide d’une serpette et ouvrir les cabosses pour extraire les fèves enrobées d’une chair sucrée. Elles sont ensuite laissées à macérer pendant 7 jours puis elles sont séchées au soleil pendant 3 ou 4 jours, en fonction du temps.

En passant à côté des plans de séchage on sent les effluves douces et âcres des fèves. Une fois prêtes, elles ne sont pas transformées sur place mais sont vendues sur la côte de Madagascar, à Ambanja, puis collectées par des industriels.
En grimpant les sentiers, Elisa la guide présente les herbes médicinales qu’elle a apprises par sa mère, Mme Yvonne, la tisaneuse célèbre du village. On croise des fruits en abondance, bananes, cacao, mangues, jacques, corossols, café, des énormes ananas, quelques pieds de letchis, des fleurs d’ylang ylang. En revanche, il existe peu de culture maraîchère. La vanille est particulièrement réputée à Nosy Komba où 20 tonnes sont produites chaque année. Un peu plus loin, l’association Akiba travaille avec les producteurs locaux dans une démarche collective et durable et aide à transformer directement les produits, fabriquer du chocolat, distiller l’ylang l’ylang…

BetsaBetsa, l’alcool artisanal

« Le bihai était par là quelque part », s’exclame José en farfouillant dans les cacaoyiers avant de tomber sur l’arbre qu’il cherchait. Il raconte comment étaient les arbres, lorsqu’il était enfant, du temps de la production de BetsaBetsa. « Être là, ça me rappelle des vieux souvenirs. »

Jéromine Santo Gammaire

A propos de l'auteur

Jéromine Santo Gammaire | Journaliste

En quête d’un journalisme plus humain et plus inspirant, Jéromine Santo-Gammaire décide en 2020 de créer un média indépendant, Parallèle Sud. Auparavant, elle a travaillé comme journaliste dans différentes publications en ligne puis pendant près de quatre ans au Quotidien de La Réunion. Elle entend désormais mettre en avant les actions de Réunionnais pour un monde résilient, respectueux de tous les écosystèmes. Elle voit le journalisme comme un outil collectif pour aider à construire la société de demain et à trouver des solutions durables.