André Beton et Super Payet invité à manger 100% local chez Gabrielle Hoarau.

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Manger local, manger vrai : l’acte de rebellion le plus délicieux

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COP 30 à Belém : entre ambitions et impuissance

La COP 30 réunit du 10 au 21 novembre 2025 au Brésil plus de 56 000 délégués de 194 pays et 12 000 observateurs d’ONG environnementales, humanitaires et industrielles, ce qui en ferait provisoirement la deuxième plus grande COP de l’histoire après Dubaï 2023, marquant l’urgence perçue d’une mobilisation climatique collective. 

Les enjeux affichés sont ambitieux : 1) obtenir des engagements clairs pour sortir des énergies fossiles,2) renforcer les contributions nationales à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, 3) financer l’action climatique dans les pays pauvres à hauteur de 300 milliards de dollars par an d’ici 2035, un montant vivement critiqué puisque les pays en développement réclament 1 300 milliards de dollars.

Les perspectives restent limitées par de profondes divergences entre pays industrialisés et pays en développement, l’absence d’engagement réel du président américain Trump qui qualifie le changement climatique de « canular inventé par les Chinois » et par le fait que le Brésil lui-même demeure le 7ème producteur pétrolier mondial.

Malgré ces limites criantes, l’absence d’accord serait catastrophique ; la COP 30 représente une dernière fenêtre politique pour réaffirmer que l’action concertée internationale est encore possible. Ces chiffres, largement relayés par les médias, permettent à tous de se sentir concernés.

Un cri : « la dévastation a commencé avec la grande monoculture »

Sur le site de France Info, un article du 13 novembre dernier révèle pourtant une réalité moins bien connue et qui interpelle par son actualité : en 20 ans plus de 80 000 hectares de forêt amazonienne ont été transformés au profit de la monoculture du soja transgénique faisant du Brésil le premier pays producteur et exportateur de cette légumineuse pour répondre aux besoins exponentiels de la Chine, soit plus de 72 millions de tonnes par an.

En France 3 millions de tonnes/an sont importés afin de nourrir le bétail…y compris pour La Réunion qui en importe plus de 160 000 tonnes selon l’ADEME.

Ainsi, ce modèle brésilien illustre jusqu’à la caricature comment une production tournée vers l’exportation sacrifie les territoires, leurs habitants et la régulation climatique mondiale pour enrichir quelques multinationales et alimenter la consommation de masse. 

Les études sont unanimes : la consommation de produits de plus en plus « ultra-transformés », c’est-à-dire dévitalisés et dénaturés en bons nutriments, est responsable de toutes les maladies dites chroniques telles que le diabète, l’hypertension, l’obésité, les cancers du pancréas…voir même les maladies neurodégénératives comme Alzheimer 

Un grand écart périlleux : de l’Amazonie à la Réunion

La Réunion a construit son économie et son histoire sur la canne à sucre – 55% de nos terres cultivées, plus de 18 000 emplois directs et indirects. Mais cette dépendance se transforme lentement en piège : les prix mondiaux du sucre fluctuent, les cyclones deviennent plus violents, et les petits paysans ne peuvent survivre que grâce aux subventions publiques. 

Parallèlement, nous importons plus de 77% de nos aliments de base comme le riz d’Asie, les légumes d’Inde, les fruits de Madagascar ou de l’Union Européenne, à tel point que chacun de nos aliments a parcouru en moyenne 11 000 km avant d’arriver dans notre assiette – alors que nos meilleures terres restent monopolisées par une seule culture non vivrière. 

Savez vous que cuisinons nos caris avec des oignons de Chine, du cabri de métropole mais aussi de la Nouvelle Zélande ou d’Australie et le tout soupoudré de quelques épices importées pour compléter notre massalé ?

C’est un paradoxe : nous vivons sur une île fertile, et pourtant nous dépendons de l’importation pour nous nourrir. Nos gramouns nous rappelle avec nostalgie que dans les années 40 nous connaissions sur l’île une quasi autonomie alimentaire avec 70 000 hectares de terres agricoles pour 220 000 habitants. Aujourd’hui il ne nous reste plus que 37 000 hectares mais pour 880 000 habitants !

Toutefois la solution n’est pas évidemment d’abandonner la canne – c’est de la partager avec d’autres cultures vivrières : fruits, légumes, légumineuses, produits laitiers locaux, etc. Ceci dans l’intérêt même des canniers qui n’ont jamais été autant en difficulté. 

En diversifiant nos terres, nous redonnons aux paysans la stabilité économique, nous créons des emplois ruraux pour bâtir notre propre souveraineté alimentaire, et nous construisons une île résiliente face aux crises climatiques, énergétiques et commerciales.

Oasis Réunion : une alternative vertueuse possible

C’est le défi porté par le collectif Oasis Réunion et ses partenaires bio qui s’est imposé comme un acteur clé de la transition agricole locale. Son manifeste en faveur d’une agriculture 100% locale et biologique a recueilli plus de 40 000 signatures et bénéficie du soutien actif des 24 communes pour l’organisation d’ÉGRAALIM1 mettant autour d’une même table toutes les parties concernées.

L’objectif : permettre au consommateur d’avoir accès à des produits locaux sains à un juste prix et soutenir une filière encore fragile déjà portée par plus de 600 agriculteurs certifiés bio. 

L’espoir nait ainsi d’une convergence : Oasis Réunion porte la mobilisation citoyenne, le Plan régional agricole de souveraineté alimentaire, signé en 2023, structure l’action publique, et la loi EGAlim impose les quotas locaux dans chaque institution – trois leviers qui, ensemble, redirigent les terres et les euros vers une agriculture réunionnaise autonome et autosuffisante. 

Ainsi, ce qui semblait utopique il y a encore dix ans – une île qui se nourrit d’elle-même – devient progressivement inévitable par la force tranquille des cantines, des marchés forains, et des signatures collectives.

Le vrai pouvoir : c’est nous !

Au bout de la chaîne, c’est bien le consommateur qui décide de ce qu’il met dans son caddy ou son panier. Le retour au marché forain, les paniers bio, les produits locaux et de saison expérimentés dans les cantines ne sont pas des effets de mode : ce sont des gestes d’avenir, des actes citoyens chargés de sens et garants d’une meilleure santé.

Nos agriculteurs ont besoin de nous, autant que nous avons besoin d’eux pour écrire le futur nourricier et durable de notre île. 

Au final, chaque achat local, chaque signature, chaque geste de solidarité envers nos paysans est un vote pour une Réunion résolument tournée vers l’avenir, résiliente et durable. 

Ti lamp ti lamp nou arriv

Frédérique Welmant, Citoyenne engagée

  1. EGRAALIM : États Généraux Réunionnais de l’Agriculture et de l’Alimentation durables et résilientes ↩︎
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