Clémence Bègue devant l'établissement français du sang.

Pas de veine pour les discriminations

[DON DU SANG]

Depuis mercredi 16 mars, les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes n’auront plus à respecter une période d’abstinence pour pouvoir faire un don du sang. Toute référence au genre des partenaires sexuels dans la sélection des candidats au don est supprimée. La communauté gay s’en félicite.

Il n’y avait plus aucune raison de garder cette loi en l’état, et c’est ce qui l’a réellement rendue discriminatoire. Une mesure sanitaire est justifiable quand il n’y a pas d’autres solutions que d’exclure une population.” Pour Xylric Lépinay, président de l’association OriZon luttant pour les droits des Réunionnais de la communauté LGBTQ+, l’autorisation pour les homosexuels de pouvoir donner leur sang comme les autres relève d’une “victoire de la logique”.

Les études ont permis ce progrès, estime Idriss Delouane, directeur de l’Établissement français du sang (EFS) de La Réunion : “Le système français est l’un des plus sécuritaires. Chaque don est analysé, avec une recherche d’agent pathogène comme le VIH, l’hépatite, la syphilis … L’ensemble des mesures de sécurité permet de maîtriser le risque infectieux individuel.” Ces critères ne faisaient en aucun cas l’objet de discrimination selon les termes de M. Delouane : “L’EFS est un opérateur public, il applique et met en œuvre les autorités mises en place. Nous nous actualisons régulièrement en fonction des risques et ajustons les motifs d’ajournement.”.

Don du sang interdit jusqu’en 2016

Les hommes homosexuels ne sont donc plus une population considérée à risque, en tout cas pas plus que les autres donneurs. Le président de l’association OriZon accuse une fausse impression de sécurité et illustre: “exclure une minorité car elle est beaucoup touchée, n’évite pas que du côté de la majorité il puisse y avoir autant, voir plus de personnes contaminées en nombre absolu.

Suite à l’épidémie du sida, le don du sang est interdit dès 1983 aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Les femmes lesbiennes ne sont pas concernées. La loi a changé en juillet 2016, permettant aux homosexuels de donner leur sang, mais cette possibilité restait soumise jusqu’ici à une période d’abstinence sexuelle d’abord fixée à un an, avant d’être ramenée en 2019 à quatre mois. Désormais, la communauté gay n’est plus discriminée. Il reste bien sûr des critères, communs à tous, tel que le mono partenariat réciproque les quatre derniers mois. Ce critère permet d’identifier des comportements à risque (multipartenaires) incompatibles avec un don du sang sans que l’orientation sexuelle ne soit mentionnée.

« Comme si je n’étais pas normal aux yeux de la société

Cette mesure tenait à cœur à Clément Técher. Cet aide-soignant, aujourd’hui en poste en métropole, a pu donner son sang à ses 18 ans. Mais la seconde fois, à 20 ans, il se fait recaler. Le médecin le justifie par son orientation sexuelle. Clément se sent alors discriminé. “Je suis O+, mon sang peut aider tellement de personnes !” Pour la première fois, il réalise que son orientation sexuelle est un frein : “Je me suis senti coupable, comme si je n’étais pas normal aux yeux de la société ”. Aujourd’hui, en contact avec des malades dans le cadre de son métier, il va enfin pouvoir “les aider” en donnant son sang, en plus des soins prodigués.

Johan, lui, a dû mentir lorsqu’il a accompli sa bonne action il y a vingt ans de cela. Répondant à la question posée par l’EFS où il s’était rendu, il avait caché son homosexualité. Aujourd’hui, à 40 ans, il se félicite de l’évolution des lois : “ C’est une bonne chose, mais il faut prévoir des campagnes pour faire évoluer les mentalités.”

À La Réunion, cette ouverture va-t-elle permettre d’augmenter les stocks de sang disponibles ? Ce n’est pas l’objectif, à en croire Idriss Delouane. “C’est l’occasion d’accueillir chaque individu, précise le directeur de l’EFS Réunion. Ce n’est pas une démarche d’augmentation du nombre de donneurs, cela ne coïncide pas avec une baisse quelconque des stocks”.

Clémence Bègue

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