Le senecio est une plante invasive qui a été repérée dans un premier temps au Maïdo. (Photo JSG)

[Plantes invasives] Haro sur le Senecio

PLAN DE LUTTE

Faute de l’avoir éradiquée quand elle est apparue dans les hauts de l’Ouest, Senecio tamoides devra faire l’objet d’un plan de lutte à grande échelle. Si les finances suivent.

« Sur le Senecio, nous avons été trop peu réactifs. En 2018, il était encore temps de l’éradiquer. Aujourd’hui, il est déjà trop tard », reconnait Dominique Oudin, directeur du conservatoire botanique national de Mascarin (CBNM), au nom de tous les responsables de la lutte contre les espèces envahissantes. Senecio tamoides, jour après jour, envahi les forêts d’altitude de la Réunion, étouffe les arbres, empêche les repousses, tue tout sur son passage. Aujourd’hui, elle est présente dans la forêt du Maïdo, à la Plaine des Caffres et un peu partout dans l’île.

Pourtant, pour une fois, l’invasion avait été détectée de bonne heure . Ghislaine Seguin, depuis la forêt du Maïdo (le Senecio tamoides est parti d’aménagements paysagers sur le site de la luge), crie et alerte depuis des années, milite et arrache, mais la tâche est déjà immense. Elle a réussi à convaincre la mairie de Saint-Paul de s’attaquer au problème mais, sans connaissances scientifiques suffisantes, les petites mains ont aussi participé à la dispersion de la peste végétale.

La parcelle envahit de senecio et de liane rouge au Maïdo en face du restaurant la luge. (Février 2023)
Le Senecio grimpe, étouffe et tue l’arbre qu’elle a colonisé. (Photos JSG)

Dans une « étude de faisabilité d’un plan de lutte régional contre Senecio tamoides », rendue à la préfecture en novembre dernier, les auteurs indiquent que le Senecio tamoides pousse vite, se multiplie par semis et par bouturages, résiste à la sécheresse et se plait particulièrement à une altitude de 300 à 1 900 mètres. « C’est ce qui est préoccupant », s’inquiète Dominique Oudin, « 1 000 à 1 900 m, c’est un étage qui était à peu près préservé ». 

Mais, malgré les politiques mises en oeuvre pour préserver la biodiversité, l’intérêt économique de quelques-uns a pris le dessus sur l’intérêt écologique de toute l’île. « L’analyse de risque invasif pour cette espèce date seulement d’août 2020 », assure Eve Balard, chargée de mission espèces exotiques envahissantes à la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal). « En 2018, on la connaissait, et même depuis 2005», remarque de son côté Dominique Oudin. Sur la liste de plantes interdites sur l’île, liste établie par l’arrêté du 1er avril 2019 relatif à la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces végétales exotiques envahissantes sur le territoire de La Réunion, on compte 153 espèces, quand les scientifiques en avaient proposé quelque 600 et recommandé plutôt d’établir une liste positive d’espèces autorisées. 

« Tous les partenaires s’accordent sur la nécessité d’interdire tout usage sur cette espèce, cependant la modification de texte règlementaire n’est pas encore finalisée », précise Eve Balard qui ajoute que « Senecio tamoides est interdite d’introduction volontaire ou involontaire dans le milieu naturel ». « Si l’Union des horticulteurs et pépiniéristes de la Réunion (UHPR) s’est engagée à ne pas commercialiser cette plantes, d’autres la proposent à la vente », soutient Dominique Oudin. 

Le senecio est une plante invasive qui a été repérée dans un premier temps au Maïdo. (Photo JSG)
La lutte manuelle.

Pour limiter la propagation de l’envahissante, l’étude préconise un arrachage à la main sous surveillance d’un protocole strict. « Au Maïdo, nous allons essayer de stocker les lianes dans des big bags et attendre que les boutures meurent », explique Dominique Oudin, car c’est pendant le transport qu’un risque de dissémination est accru. 

Et une destruction chimique avec les réserves d’emploi de produits phytosanitaires.  En comptant la formation et les mesures de sensibilisation du public, les auteurs de l’étude estiment, pour l’instant, le coût de l’opération à 371 760 € sur deux ans.

« On risque le coup de rabot budgétaire », craint le directeur du CBNM alors que Eve Balard semble croire à un financement. « Le fonds Vert est prévu pour financer exactement ce genre d’actions. Avec toutes les politiques mises en places à La Réunion, il s’élevait à 12 millions d’euros en 2023 ; j’espère qu’il sera à la même hauteur en 2024 », poursuit Dominique Oudin. 

En attendant, une action de lutte contre un cactus cette fois est organisée en avril ou mai à Saint-Leu. Il s’agit de Cilindropuntia imbricata, qui est encore au stade qui permettra son éradication avant que ses graines de se sèment aux quatre vents.

Philippe Nanpon

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.